Cher Premier Ministre,

 Je vous écris de Paris pour vous faire part de ma solidarité face aux inondations meurtrières de Chennai. Je suis Africain, mais mes ancêtres viennent de cette région qui souffre. Mes pensées – et celles de l’organisation que je dirige – sont avec les victimes. Les responsables de la réponse humanitaire font face à de nombreux obstacles. Nous leur souhaitons courage et succès.

J’ai lu dans les médias que vous avez explicitement lié les inondations de Chennai avec le changement climatique lié aux actions humaines. Vous n’êtes pas le seul. Les experts pensent que les inondations de Chennai, et d’autres inondations précédentes dans la région du Tamil Nadu, sont des exemples d’impacts du changement climatique.

Monsieur le Premier Ministre, nous savons que l’Inde n’est historiquement pas responsable de ce problème. Les émissions accumulées en dioxyde de carbone de l’Inde restent comparativement faibles. De même en Afrique – le continent sur lequel mes ancêtres furent emmenés par les colonisateurs britanniques pour les servir – et pour Tuvalu et Kiribati et bien d’autres pays vulnérables aux conséquences du changement climatique, dont les leaders se sont rendus à Paris pour demander un accord ambitieux.

Le changement climatique ne vient pas d’Inde, mais l’Inde en paie le prix. Est-ce que l’Inde ne pourrait pas intervenir pour aider à construire les fondations d’une solution durable ? Est-ce que vous, le chef politique d’un pays qui compte près d’un cinquième de la population mondiale, pouvez rentrer dans l’histoire en intervenant pour clore un accord bénéfique pour le monde entier ?

Greenpeace et la société civile internationale sont aux côtés de l’Inde pour demander aux pollueurs d’accepter leur part de responsabilité. Nous sommes également aux côtés des populations vulnérables pour demander une action de la part des futurs principaux pollueurs. Nous savons que les pays riches ne font pas assez. Mais si l’Inde bouge, et emmène les autres pays avec elle, alors ce ne seront pas seulement des activistes comme moi qui vous serons reconnaissants, mais les milliards d’êtres humains à naître.

COP21 les enfants indiens demandent 100% de renouvelables

Comme vous le savez, il y a des débats à Paris sur le réchauffement maximal des températures que nous sommes prêts à accepter (1.5 ou 2°C) et sur la question de savoir si nous devons fixer un objectif de transition vers les énergies renouvelables à 100% pour 2050, ou plus tard. Je vous demande de considérer les souffrances des peuples les plus vulnérables en Inde et à travers le monde, et de vous prononcer en faveur d’un objectif de 100% de renouvelables pour 2050. C’est la meilleure option pour réussir à maintenir la hausse des températures en-dessous de 1.5°C.

L’Inde a le potentiel de jouer un rôle héroïque lors de ce sommet. Et pourquoi pas ? L’Inde peut devenir un leader de la révolution énergétique à venir. L’Inde peut créer des millions de nouveaux emplois dans le secteur des énergies propres, et sortir plus rapidement de la pauvreté énergétique des millions de personnes.

Nous félicitons l’Inde pour ses objectifs affichés en matière d’énergies renouvelables (particulièrement pour le solaire et l’éolien) d’ici 2022. Nous avons vu de nos propres yeux le potentiel du solaire et des modèles énergétiques décentralisés lors de notre travail avec le village de Dharnai, dans le Bihar.

J’ai vu l’énorme potentiel des énergies propres, et comment elles pouvaient changer des vies – créant des emplois, donnant accès à l’électricité, à de l’eau pour l’agriculture, et bien d’autres avantages.

Greenpeace a été ravi de vous voir lancer l’Alliance Solaire, lundi dernier à Paris. Nous partageons votre vision pour amener le progrès à des millions de personnes via les énergies renouvelables décentralisées. Nous souhaitons beaucoup de succès à l’Alliance Solaire, pour qu’elle puisse, comme vous le dites si bien, apporter un « rayon de soleil d’espoir, non seulement pour l’énergie propre mais pour les villages et maisons encore dans la pénombre. » Se sont des actions décisives comme celle-ci qui peuvent empêcher des désastres comme celui de Chennai de se reproduire.

L’accord climatique de Paris doit refléter une vision similaire à celle de l’Alliance Solaire que vous dirigez. Nous sommes à vos côtés pour demander un accord qui protègent les intérêts de l’Inde et du reste du monde – et ceux des habitants de Chennai. Nous espérons que vous serez aux côtés des plus vulnérables et que vous aiderez à faire de ce sommet un succès en appuyant la demande pour 100% de renouvelables pour 2050. C’est la meilleure façon de limiter significativement la hausse des températures.

 

Kumi Naidoo
Directeur Exécutif de Greenpeace International