Le mercredi 3 Février dernier, tous les regards étaient tournés vers Nouakchott, la capitale mauritanienne, où se tenait une conférence de haut niveau sur l’Initiative pour la transparence dans la Pêche (plus connue sous l’acronyme anglais FITI = Fisheries Industry Transparency Initiative), en présence de participants venus d’Afrique, d’Europe et d’Asie, dont les présidents sénégalais et mauritanien.

De quoi s’agit-il? Que peut apporter une telle initiative dans le combat contre la surpêche et la définition de politiques de pêche économiquement durables et socialement équitables en Afrique de l’Ouest?

La FiTi s’inspire de l’Initiative pour la transparence des industries extractives (ITIE) ; une norme mondiale, soutenue par une coalition de gouvernements, d’ONG, d’entreprises privées et d’organisations internationales, et qui vise à promouvoir une gestion transparente et responsable des ressources naturelles. Ainsi, une fois lancée, la FiTi aura pour missions principales de renforcer les systèmes des gouvernements et des entreprises, informer le débat public et améliorer la confiance dans le secteur de la pêche.

pêcheur artisanal au Sénégal

Le fait qu’une telle initiative ait trouvé un écho favorable dans notre région, suscite un grand espoir pour les millions d’individus dépendant de la pêche pour leurs emplois et leur sécurité alimentaire. En effet, en plus de la Mauritanie dont le gouvernement a soutenu financièrement le processus de lancement de cette initiative et accepté  d’en être un des pays pilotes, le président sénégalais, Macky sall, intervenant à cette rencontre internationale, a révélé  que son pays rejoindra la FiTi.

En tant que Chargé de Campagne Océans de Greenpeace en Afrique de l’Ouest, je suis en mesure de sonder l’importance d’une telle initiative pour les pêcheries de la région. Depuis le lancement de notre campagne sur la surpêche, en Afrique de l’ouest, Greenpeace et les acteurs de la société civile  n’ont cessé de réclamer une meilleure transparence dans le secteur de la pêche. Une demande d’autant plus légitime qu’il ne se passe pas une seule semaine sans qu’un nouveau scandale, dans la pêche, ne vienne barrer la une des journaux locaux. Et comme l’a si bien résumé le président Mohamed Ould Abdel Aziz de la Mauritanie dans son discours d’ouverture de la conférence, ” l’opacité […] caractérise encore certains revenus tirés de ce secteur “.

bateau monstre au large des côtes africaines

Dans certains pays, cette opacité dans la gestion du secteur de la pêche atteint des proportions inquiétantes. La nébulosité est, en effet, présente dans la gestion des licences de pêche, les accords multi ou bilatéraux d’accès signés avec des pays tiers, les données sur les captures et les sociétés mixtes, le traitement des dossiers de pêche illicite, non déclarée et non rapportée (INN), les fonds d’appui au secteur de la pêche, entre autres.

L’affaire des 29 chalutiers pélagiques autorisés, entre 2010 et 2012, à pêcher dans les eaux sénégalaises fut une illustration parfaite de cette absence de transparence. Récemment, dans son rapport intitulé “Arnaque sur les côtes africaines : la face cachée de la pêche chinoise et des sociétés mixtes au Sénégal, en Guinée et en Guinée Bissau, Greenpeace a mis à nu l’opacité dans la détermination de la jauge brute des navires chinois opérant dans ces trois pays et le processus d’acquisition du pavillon sénégalais par des navires étrangers.

Les conséquences d’une telle situation sont bien entendu énormes. En plus des milliards de francs CFA, issus de la pêche, qui sont détournés à d’autres fins, parfois privées, c’est tout l’avenir de nations entières dépendantes de la pêche pour leurs emplois et leur sécurité alimentaire, qui est menacé. De plus, cette absence de transparence sape toute possibilité d’une gestion participative des activités de pêche et réduit à néant la confiance entre gouvernants et gouvernés.

Marché local avec de la pêche durable au Sénégal

C’est pourquoi, nous nourrissons un grand espoir de voir la FiTI aboutir un jour afin que la transparence dans les pêcheries ouest-africaines ne soit plus une exception mais la norme.

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