Depuis une dizaine de jours, le bateau MY AS navigue  dans les eaux ouest africaines. La documentation de la pêche dans cette région ainsi que la dénonciation de la présence des navires étrangers dans ces eaux sont les buts de ce long voyage que la campagne océans de Greenpeace a lancé.

Le mercredi 15 février, aux environs de 20  milles marins (36 km) au Nord de Dakar, un bateau Russe nommé Vasily Lozovsky a été surpris en pleine pêche par les activistes de Greenpeace Afrique. Nous avons été témoins du tirage de son long filet de plus de 3km tiré par un moteur d’une grande puissance. «C’est trop grand, il pêche trop !», me disais-je. Il pêche en moyenne 250 Tonnes de poisson par jour. Si l’on sait que la moyenne de consommation annuelle du poisson par un sénégalais est de 28kg, on peut facilement déduire que cette quantité équivaut à la consommation annuelle de 9 000 Sénégalais pendant un  an. Pourtant, ce poisson va hors de nos frontières. Cela nous avait poussé à protester devant ce gigantesque chalutier, avec une banderole portant le message suivant : «Non au bradage du poisson sénégalais» !

Le vendredi 17 février, alors qu’on poursuivait notre itinéraire dans les eaux sénégalaises, nous avions rencontré deux cargos (de la même origine que les chalutiers) qui transbordaient les poissons aux larges des côtes dakaroises (10km). Si le premier cargo (New Takatsuki) transbordait avec le chalutier  Blue Wave, le second (Asian Cosmos) quant à lui transbordait avec deux autres chalutiers pélagiques le Volopas et le Coral Moroni à 15 de km, tous pêchant avec les autorisations de pêche.  

Si ces opérations ne peuvent pas encore être qualifiées d’illégale (car des observateurs sénégalais étaient à bord), il est intéressant de répéter ici que la loi n’autorise le transbordement en mer qu’en cas d’exception et cela en présence de plusieurs catégories des personnes qui ne doivent pas être inférieurs à 5. Il est très difficile d’expliquer deux exceptions en une journée et cela pour des bateaux de même nature.

Le samedi 18 février, un autre grand chalutier russe du nom de Oleg Naydenov, long de 120m également avait échappé à notre protestation alors qu’il pêchait ce soir-là, laissant derrière lui quelques prises accessoires.  

Ces chalutiers pêchent pour ensuite jeter tout ce qui ne les intéresse pas. C’est ce qu‘on appelle les prises accessoires qui sont, en grande partie, responsables de la diminution des stocks.

Le dimanche, ce fut un bateau battant pavillon lithuanien, le IRVINGA, de 120 m de long d’être pris en chasse, pendant une demi journée, par les activistes  à bord du MYAS. Cette opération ayant abouti à une protestation qui a vue les captures du bateau s’amenuiser, car ayant laissé son filet plus longtemps qu’il ne fallait. En effet, le capitaine du bateau a été surpris par notre présence à ses côtés. Pris de panique, il n’a pas pu retirer immédiatement son filet. Là aussi, une banderole avec les inscriptions «Ne vendez pas le futurs des Sénégalais ! » a été brandie.

Le matin du lundi 20 février était une journée un peu plus spéciale. Après avoir poursuivi un chalutier russe nommé Lazurnyy, 120 m de long, toute la nuit, le capitaine, contacté la nuit par radio, nous a confirmé qu’il attendait un pilote pour l’amener au port débarqué sa production. Ce capitaine russe reconnaît que la pêche n’est pas bonne cette saison. Pour lui, la qualité de l’eau justifierait la baisse des  captures.

A ce jour, nous avons déjà rencontré une dizaine des chalutiers ‘‘massacreurs’’ dans les eaux sous juridiction sénégalaises.

Pouvons-nous croire à la thèse des scientifiques réunis à Casablanca en mai dernier dans le cadre du COPACE qui ont exigé que l’effort de pêche des petits pélagiques soit diminué ? Si les grands chalutiers (dotés de la plus haute technologie) se plaignent de maigres captures, que diront nous les artisanaux qui n’ont que leurs mains pour pêcher ?

Chaque jour qui  passe, les pêcheurs artisanaux du Sénégal souffrent des conséquences des activités de pêche des grands chalutiers d’origine étrangère. Non seulement la diminution des stocks a des conséquences inquiétantes sur la sécurité alimentaire des populations démunies, mais elles menacent aussi les emplois que ce secteur génère.

Ces bateaux sillonnent les eaux sénégalaises qu’ils vident de leurs stocks de poisson qui devraient alimenter la pêche artisanale. Pêchant avec la vague des autorisations de pêche (dont les conditions d’octroi sont considérées par les acteurs sénégalais du secteur comme secrètes et opaques, car n’ayant pas suivi les dispositions législatives et réglementaires en vigueur dans le pays et dont le coût réel encaissé par le trésor public laisse à désirer. l’inopportunité d’un tel partage égoïste de la ressource devrait cesser).

Ensemble avec les pêcheurs artisans, nous disons non aux autorisations de piller !

  • Les navires étrangers sont des bateaux usines  de 100 et 120 mètres de longueur et jaugeant entre 3.500 et 10.000 TJB ; leurs captures sont,  soit congelées à bord, soit transformées en produits élaborés ou transformées  en huile et farine de poissons ;
  • Le  chalut  pélagique dont sont équipés ces bateaux est un filet remorqué qui évolue en pleine eau, depuis la surface jusqu’à proximité du fond, sans jamais être en contact avec lui. C’est l’un des engins de pêche est les plus dévastateurs ; il ramasse tout ce qu’il trouve sur son passage;
  • Les chalutiers pélagiques  pêchent  accompagnés de cargos ravitailleurs qui les approvisionnent en vivres et en  gasoil et procèdent  en outre, aux relèves d’équipages. Les captures sont transbordées en haute mer ou en rade des ports et acheminées directement sur les marchés d’exportation,  où ils concurrencent les produits des industries sénégalaises;
  • Les observateurs embarqués sur des chalutiers pélagiques de très gros tonnage, n’ont pas la possibilité d’apprécier les quantités pêchées et stockées dans les chambres froides qu’ils doivent contrôler du fait des très basses températures qui y règnent. Pourtant,  c’est sur la base des quantités pêchées que le montant de la compensation exigé par l’Etat est évalué.