Chacun ses problèmes, dit-on assez souvent… et de ce point de vue le Cameroun est très bien servi.  L’un des problèmes majeurs est celui du bois illégal

Des cargaisons de bois illégal ou d’origine douteuse sont déversées chaque année en Europe, en Chine et un peu partout dans le monde ; avec comme résultats des forêts détruites, des communautés privées de leurs moyens de subsistance, des manques à gagner pour l’économie et des promesses non tenues.            .

Pour résoudre un problème, il faut commencer par admettre qu’il y en a un. Il semblait que ce cap ait été franchi par le gouvernement camerounais quand il a signé un Accord de Partenariat Volontaire (APV) avec l’Union européenne (UE) en 2010.

L’accord devait traiter le problème du bois illégal à la source, et promouvoir sur le long terme un objectif de gestion durable des forêts.

Cette semaine, le conseil conjoint de mise en œuvre - composé de représentants de la délégation européenne et du gouvernement camerounais, incluant le Ministère des Forêts - doit se réunir à Yaoundé pour évaluer les progrès de la mise en place de l’APV.

Les sujets de discussion ne manquent pas. Adresser et résoudre un problème peut être un long cheminement, mais on ne peut réussir que si on a la volonté d’y arriver. Lorsque l’on regarde le progrès réalisé dans la mise en place et le respect de l’APV au Cameroun, on a l’impression que la volonté de mener à bien le projet manque cruellement.  

Un indicateur clé est le manque chronique de transparence dans le processus. En principe, la mise en place devrait être collaborative, incluant des partenaires de la société civile. Une annexe à l’accord stipule que des rapports officiels doivent être rédigés et rendus publics. Cependant, les ONG locales ont été constamment maintenues dans l’ignorance de l’avancement du projet, malgré des appels à information réguliers. Le moindre détail concernant son avancement donnerait de la crédibilité au processus, mais ils se font bien rares.

Ce manque de transparence nous rappelle la façon dont les choses se passaient avant l’APV. La gestion des forêts et de leurs ressources dépendaient entièrement du gouvernement, et l’accès à l’information était rarissime. Malgré le nouvel engagement en faveur de la transparence, il semble que les anciennes habitudes prennent le dessus.  Les autorités décident toujours en toute discrétion quelles informations sont rendues publiques, et, surtout, celles qui ne le seront pas.

La publication des infractions de la loi forestière et les amendes y afférentes (payées ou non) étaient de rigueur bien avant la ratification de l’APV. 

Récemment, un collectif d’ONG du secteur forestier a produit une liste d’informations que le gouvernement camerounais est censé publier (mais qu’il s’abstient de faire). Ce manque d’information enfreint certains articles de l’accord de partenariat mais affecte également l’ensemble du processus.

Le rapport de l’auditeur indépendant est un autre exemple d’information que le gouvernement ne publie pas. Ce rapport s’intéresse particulièrement au processus d’attribution des permis forestiers. Plus d’un an après la rédaction du rapport, on ignore toujours s’il sera rendu public à un moment ou un autre.

Dans notre rapport de 2014, Permis de piller, Greenpeace a révélé comment un de ces permis avait été attribué à Uniprovince, une filiale de Herakles Farms. Herakles Farms est une entreprise américaine dont l’objectif était de développer une plantation d’huile de palme dans une forêt de la Région du Sud-Ouest du Cameroun ; ce malgré l’opposition des communautés locales et le fait que leur opération se déroulait avant l’attribution d’une concession provisoire.

Nous avions envoyé une lettre au ministre des forêts sur cette irrégularité en mai 2014 mais nous n’avons pas reçu de réponse et le bois illégalement coupé reste en circulation.

Il est de première nécessité que les manquements et les omissions du processus soient identifiés et que des solutions soient trouvées. Par exemple, nous avons fait pression à la fois sur l’Union européenne et le Cameroun pour inclure dans les mécanismes de l’APV le bois provenant de la conversion de zones forestières à d’autres utilisations, parce que nous pensons que l’exclure met sérieusement en péril l’objectif de promouvoir un modèle de gestion durable des forêts. Les experts de l’UE devraient s’attaquer au problème lors des réunions de la semaine prochaine si le gouvernement camerounais n’a pas la volonté de mettre lui-même des solutions sur la table.

Quand le gouvernement a commencé le processus de réforme du secteur forestier et la législation afférente, les représentants de la société civile se sont sentis impliqués et ont été encouragés à donner leur avis et recommandations. Demandez à la plupart des ONG aujourd’hui dans le pays et elles vous diront qu’elles ignorent tout du déroulement du processus;  et qu’elles ne savent pas si leurs recommandations ont été prise en compte, ni quand les nouvelles lois et réformes seront rendues publiques. 

Il faut que cela change. Les représentants de la société civile sont un relais majeur entre les communautés locales souffrant des conséquences de l’exploitation forestière illégale et les autorités responsables de protéger les forêts du Cameroun et de gérer le secteur forestier.

Si les  mécanismes qui protègent l’environnement et les zones forestières du pays restent défaillants alors toutes les bonnes paroles du gouvernement et de l’Union européenne ne seront que de la poudre aux yeux.

 

Par Eric Ini, Chargé de campagne Forêts pour Greenpeace Afrique