Après des mois de rumeurs, c'est désormais officiel: Danzer a vendu ses opérations d'exploitation forestière industrielle en République Démocratique du Congo (RDC).

Depuis le 23 février, sa filiale, la Siforco (qui détient les droits d'exploitation de près de 2,1 millions d'hectares de forêt) a été cédée au Groupe américain Blattner Elwyn (GBE).

Cette vente met fin à 40 années d'opérations de Danzer en République Démocratique du Congo ;  40 années trop  souvent caractérisées par des conflits sociaux et la destruction de la forêt tropicale.

Les questions clés qui s’imposent dès lors sont : que signifie cette cessation d’activités de la Siforco pour les communautés qui ont été victimes de violences -cautionnées par Danzer- et qu’apportera le nouveau propriétaire en termes de «gestion forestière durable» et de «développement».

Le groupe Danzer  a déclaré dans un communiqué de presse : "Outre le développement industriel, nous avons aussi atteint un niveau professionnel, internationalement reconnu en matière de gestion durable des forêts et d’ activités sociales" - ignorant volontairement la réalité sur le terrain.

Action contre du Bois de conflit au port de Caen

Greenpeace découvre une cargaison de bois tropicaux en provenance de la République Démocratique de Congo, appartenant au groupe d’exploitation forestière allemand Danzer, dans le port français de Caen et marque la zone "Scène de crime de la Forêt" avec des messages peints en rouge. Les activistes de Greenpeace dénoncent publiquement l’implication de Danzer dans des actes de violence commis contre une communauté forestière dans la province de Bumba. 07 Novembre 2011 © Nicolas Chauveau / Greenpeace

Une histoire de violence

Danzer a provoqué des protestations répétées de la part des communautés locales, en violant régulièrement ses obligations sociales telles que la construction d’écoles et de centres de santé.

En 2011, des manifestations villageoises contre Danzer ont généré une répression violente, avec viols et tabassages qui ont conduit à la  mort d'une personne – ces actes de violence ont été commis avec l’implication de la compagnie, notamment l'utilisation de véhicules de la Siforco et le paiement des auteurs de ces actes par un chef de chantier de la Siforco.

Les victimes ont déposé une plainte pénale historique en justice contre le chef de chantier de la compagnie,  ainsi que des officiers de police et des militaires impliqués

Maintenant que le groupe Danzer est en train de quitter la RDC, l’entreprise sera-t-elle encore tenue responsable de ses actes? Les communautés seront-elles  indemnisées pour les graves abus de droits humains dans lesquels est impliquée la compagnie forestière?

Greenpeace exhorte le groupe Danzer à agir de manière responsable, à respecter le droit des communautés à une action légale, et à promouvoir un processus juridique équitable et transparent.

La gestion durable des forêts reste une illusion

Le départ du groupe Danzer de la RDC et le chaos qu'il a laissé derrière lui, met  à nouveau à jour le mythe selon lequel l'exploitation forestière industrielle contribue à un quelconque développement durable.

Dans les forêts tropicales du Bassin du Congo, les exploitants industriels coupent les arbres les plus précieux pour le commerce, remballent leurs tronçonneuses, et partent à la conquête de nouvelles forêts vierges. Ce qui reste derrière eux pour les communautés locales sont une ressource forestière appauvrie, des structures sociales perturbées, et la perte d’emplois précaires.

Les limites de l’exploitation forestière s'enfoncent de plus en plus profondément dans les  forêts tropicales intactes du Bassin du Congo, exposant ainsi de vastes nouvelles étendues de forêts à la destruction.

Les taux bruts de déforestation ont doublé dans le bassin du Congo depuis 1990 et l'exploitation forestière en est un facteur clé. Le moratoire de 2002 sur l'attribution de nouvelles concessions d'exploitation forestière industrielle en RDC doit être maintenu et renforcé.

Au lieu de promouvoir l'exploitation forestière, les bailleurs internationaux devraient investir dans des solutions réelles, telles que des alternatives gérées par les populations locales, un contrôle indépendant de la gestion des forêts et le développement participatif d’un plan d'utilisation et de protection des terres et des ressources forestières.

Le nouvel exploitant fera-t-il mieux?

Les opérations de Danzer en République Démocratique du Congo sont reprises par le Groupe Blattner Elwyn. D'autres membres de la famille Blattner sont impliqués dans l’exploitation forestière, par le biais de SAFBOIS dans la province Orientale. En 2008 Greenpeace a documenté des activités illégales d'exploitation forestière de SAFBOIS et des conflits sociaux à Yafunga. Entre autres activités GBE est aussi impliqué dans les infrastructures et l'agro-industrie.

A notre connaissance, GBE  n'a pas encore publié d’information sur ses plans futurs, mais selon Danzer, il «avait l'intention de poursuivre nos activités industrielles et le concept de gestion forestière».

Que cela signifie t-il vraiment ?  Difficile de le dire à ce stade. Le Forest Stewardship Council (FSC)  a informé Greenpeace que GBE ne souhait pas poursuivre une démarche pour la certification FSC de gestion durable des forêts. Les certificats existants ont été immédiatement annulés sur demande du GBE.

Nous avons peu d'espoir que la forêt et ses habitants auront un meilleur avenir avec GBE.