Avec du recul, il était évident que visiter la forêt tropicale camerounaise pendant la saison des pluies pouvait réserver bien des surprises.

Glissant dans des pentes de boue, ruisselant tantôt à cause de la chaleur, tantôt de la pluie, les bras et les jambes endoloris, il est clair que ce n'est pas le moment le plus propice pour une visite dans cette zone de forêt dense du Sud-ouest du pays.

Pourtant, pour les chimpanzés et autres primates ces conditions présentent beaucoup moins de tracas. Ils sont présents en grand nombre dans la région et c’est la raison pour laquelle nous sommes ici.

Toutefois, si l’entreprise américaine Herakles Farms va de l’avant, les singes ne seront peut-être plus en mesure d'utiliser les forêts pour longtemps. L’entreprise prévoit de convertir l'ensemble de la zone voisine en une plantation d'huile de palme, ce qui signifie que les habitats vitaux des chimpanzés, des éléphants de la forêt et d'autres animaux en danger d'extinction seront supprimés.

mercredi 7 août 2013

Les résultats d'une nouvelle étude démontrent que le projet de plantation de palmiers à huile d’ Herakles Farm pourrait détruire l’habitat unique d’espèces menacées tels les chimpanzés du Nigeria-Cameroun (ci-dessus, b + c) et le Drill (a). Prise dans le Pandrillus Drill Sanctuary, Nigeria. © Cyril Ruoso

 

Herakles Farms prétend que la plupart de la zone ciblée par son projet est constituée de forêts fortement dégradées et de terres agricoles, tandis que nos études aériennes, l'analyse d’images satellites et nos recherches sur le terrain révèlent le contraire: de vastes étendues de forêt sont encore largement intactes et fournissent des corridors vitaux pour les animaux entre les aires protégées.

Me déplaçant dans la forêt et écoutant le bavardage des chimpanzés et d'autres primates, il est difficile de croire qu’Herakles Farms, en fait, prétend que ce domaine est de faible valeur pour la conservation.

De fait, les résultats préliminaires d'une nouvelle étude, menée par l'Université de Dschang au Cameroun en collaboration avec l'Université de Göttingen (Allemagne) et soutenue par Greenpeace, montrent que le postulat de l’entreprise est faux.

Outre les chimpanzés du Nigeria-Cameroun, la zone qu’Herakles Farms prévoit de transformer en plantation abrite d’autres espèces de primates  en danger telles que le Drill (le Cameroun abrite 80% de l'habitat de la population restante du Drill ), la rare colobe roux du Cameroun, le mangabey couronné, les éléphants de forêt et une foule d'espèces de poissons rares - dont certaines ne peuvent être trouvées que dans cette partie d'Afrique.

Après une essoufflante randonnée à travers cette forêt dense, nous sommes enfin en mesure de découvrir de nos propres yeux un ensemble de nids de chimpanzés.

Nous nous trouvons dans une zone de forêt en sandwich entre quatre aires protégées, y compris le célèbre parc national de Korup. Compte tenu de la nature itinérante de ces grands mammiphères, la forêt visée par Herakles agit en tant que corridor vital pour ces animaux.

Les animaux tels que les chimpanzés ont vu leur habitat naturel fortement érodé par l'activité humaine au cours des dernières années. Les projets mal conçus et mal intentionnés, comme celui de Herakles Farms, ne feront qu'exacerber cette dégradation.

Ironiquement, le gouvernement américain est parmi les acteurs qui ont investi massivement dans des programmes de conservation pour aider à préserver les chimpanzés, alors que c’est une entreprise privée américaine qui s’apprête  à détruire leur habitat ici au Cameroun.

Bien entendu, ce n’est pas uniquement la faune qui va en pâtir si ce projet n'est pas arrêté. La forêt est un abri et source de moyens de subsistance pour plusieurs communautés de la région.

La partie de la forêt où nous sommes en ce moment est trop vallonnée et trop dense pour même bouger, sans parler de la chasse, mais dans d’autres parties de la forêt, les populations utilisent bel et bien les ressources naturelles pour se nourrir et dégager quelques revenus. Elles ne pourront plus le faire si Herakles Farms poursuit son développement.

Nous avons parlé à un chef communautaire qui a dit qu'il ferait tout ce qui est en son pouvoir pour empêcher que cela arrive. Et il n'est pas seul dans son opposition, mais la vérité est que lui et les autres résidents n'ont pas été consultés de façon adéquate sur le sort de leurs propres terres coutumières.

Afin de préserver cette zone d'une beauté naturelle exceptionnelle, cela doit changer. Le gouvernement du Cameroun doit agir maintenant pour annuler ce projet, et mettre en œuvre des mesures de protection et de planification participative de l’utilisation des terres afin d’empêcher que les belles et vitales forêts d’Afrique soient détruites.