La forêt est l’une des ressources les plus critiques au Cameroun. Mais malheureusement, elle est  également l'une des plus mal gérée. Elle contribue à la sécurité alimentaire et, comme dans de nombreux pays en développement,  elle est la principale source d'énergie, de protéines, d’huiles, de médicaments et d’aliments de base pour une proportion importante de la population rurale - en particulier les plus vulnérables.

Les Écosystèmes forestiers fournissent, à eux seuls, des services sociaux, scientifiques et commerciaux, allant de l’alimentation à la régulation du climat et la biodiversité.

Cependant, les stratégies et politiques existantes du pays ne répondent pas adéquatement à la nécessité de conservation des forêts et n’intègrent pas pleinement les communautés comme partie de la solution. Bien que certaines organisations ont commencé à travailler dans cette direction, les objectifs de lutte contre la pauvreté, d’autonomisation des communautés, et de la gestion de l'environnement n’ont malheureusement été que peu ou pas réalisés, à l’exception de quelques cas très rares. Quels sont donc les facteurs qui limitent la réduction de la pauvreté dans les communautés rurales et la réalisation du  développement économique?

Il n'y a pas de réponse simple. On pourrait se référer à la perception largement répandue, mais erronée, que la gestion des forêts ne peut être mise en place efficacement sans des investissements à grande échelle. En raison de cette tendance, de nombreux planificateurs gouvernementaux, décideurs et gestionnaires financiers doutent que la participation communautaire dans le secteur forestier est une stratégie viable et refusent de soutenir de telles initiatives.

 

En Décembre, Greenpeace Afrique a organisé une conférence de deux jours à Yaoundé, avec la participation des principales parties prenantes impliquées dans le secteur forestier camerounais, dans le but spécifique de déconstruire ce mythe.

En mettant en lumière le contexte économique actuel du pays, l’objectif de la rencontre était de lancer un débat entre plusieurs acteurs clés autour de la nécessité de définir et de soutenir des modèles alternatifs de développement. Le paradigme actuel est principalement axé sur l'exploitation industrielle des forêts et autres ressources naturelles.

Des personnes de divers horizons et de différentes régions du pays sont venues participer, y compris: des chefs communautaires, des élus, des représentants gouvernementaux, des chercheurs, des avocats, des professeurs, des étudiants, des agriculteurs et des membres de la société civile nationale et internationale.

Les débats ont produit un certain nombre de recommandations et ont permis d’identifier clairement la nécessité pour le gouvernement et les bailleurs de fonds de revoir leurs approches actuelles et de soutenir des initiatives destinés aux petits exploitants. Une refonte complète du modèle de développement actuel pourrait faire une réelle différence dans la qualité de vie des communautés et réduire l'impact environnemental négatif.

Il est également évident que le gouvernement camerounais doit regarder au-delà des bénéfices à court terme de l'agro-industrie et investir dans le long terme. Ceci devrait être une priorité pour sa vision 2035 (vision du développement à long terme : le Cameroun s’est fixé l'objectif de devenir un pays émergent, industrialisé et démocratique en 2035).

La majorité des participants s’accordait à dire qu’un arrêt complet et immédiat de l'exploitation industrielle des ressources forestières au Cameroun n’est pas faisable. Toutefois, les limites du modèle actuel ne sont plus à prouver ; notamment en termes d'étendue des dégâts environnementaux et d’impact sur les communautés dépendant des forêts.

De ce fait, il est plus qu’urgent de mettre en place un plan d'utilisation des terres approprié et participatif ; et le consentement libre, informé et préalable doit être respecté dans tous les projets qui peuvent avoir un impact sur la vie et les moyens de subsistance des communautés.

Greenpeace a constamment souligné ces lacunes dans le cadre de son travail exposant les menaces représentées par le projet d'huile de palme de l'entreprise américaine Herakles Farms dans la province du Sud-Ouest. La société a fonctionné pendant plus de trois ans sans un bail foncier valable avant d'en obtenir un pour 20 000 ha (un tiers de la zone visée initialement par la société) pour convertir une zone densément boisée et entourée de parcs nationaux et d’aires protégées. De nombreux habitants de la région se sont opposés au projet, mais ils estiment qu'ils avaient peu d’influence sur le devenir de leurs terres.

Malheureusement, au lieu de reconnaître les insuffisances du modèle actuel de développement, de nombreuses entreprises et détracteurs accusent Greenpeace d'être "anti-développement".

Un changement des politiques et stratégies gouvernementales est nécessaire, avec une approche plus souple et participative de la gestion des forêts au Cameroun. Il est temps d'envisager un modèle de foresterie sociale qui favorise la conservation et le maintien des moyens de subsistance traditionnels, tout en développant simultanément les économies locales.

Le message est simple: les communautés sont la clé potentielle du succès plutôt qu'un risque d'échec.