Joal, ville côtière située à une centaine de kilomètres de Dakar, est le premier port de pêche du Sénégal. Avoir la chance d’assister au retour de ses pêcheurs artisans est un privilège. Les histoires qu’on peut y raconter sont tellement riches et si variées. Mais certaines d’entre elles montrent, une fois de plus, combien il est urgent de préserver les pêcheries traditionnelles ouest africaines.

En marchant le long de la plage, mon collègue Raoul Monsembula, Chargé de Campagnes océans à Greenpeace Afrique, et moi avons assisté à une scène bouleversante. Alors que des gaillards transportent, dans des caisses en polystyrène, le poisson vers les camions frigorifiques, une bande de gamins, et parfois des dames, les suivent à pas de course. Avec une extrême habilité, ils guettent les poissons qui tombent des caisses et les ramassent. Certains, les plus grands d’entre eux, vont même jusqu'à sauter pour chiper quelques gros spécimens directement des caisses.

Cette activité, pourtant bannie par les responsables du quai de pêche de Joal à cause des risques d’accidents qu’elle peut engendrer, est le gagne-pain de Abdoulaye et ses amis. Chaque jour, ils le répètent des centaines de fois à la sueur de leur front.

Interrogés sur leurs motivations, les explications diffèrent d’un enfant à un autre. Pour Abdoulaye, le plus grand d’entre eux (12 ans), «Talibé»* dans une école coranique, cette activité lui permet de gagner de l’argent pour son maître. Quant à son camarade Malick, il affirme «faire cela pour avoir quelque chose à amener à la maison et aider sa famille».

Oubliés des Statistiques

Le ramassage des poissons est une activité que mènent des centaines de personnes à Joal. Sur cette photo, des enfants qui en ont fait leur gagne-pain pour entretenir leur famille ou leur maitre coranique. Photo © Greenpeace/Ahmed Diamé

Combien sont-ils à vivre de cette activité ? Mystère. Au Sénégal, selon les statistiques, environ 600 000 personnes vivraient directement ou indirectement de la pêche. Ces chiffres prennent-ils en compte tous ces jeunes et adultes qui mènent ce genre d’activité ?  Je ne le pense pas.

A l’heure où les pêcheries traditionnelles de l’Afrique de l’Ouest sont devenues la proie des navires étrangers qui les vident de toutes formes de vie, cette scène démontre, une fois de plus, comment il est urgent et nécessaire de les préserver.

Car au-delà des considérations purement économiques, la pêche artisanale a des impacts énormes sur la vie sociale et culturelle de nombreuses communautés ouest africaines dont la majorité est souvent oubliée par les politiques de développement en cours dans leur pays.

Et en assistant à cette scène, j’ai réalisé combien l’appelle de Greenpeace pour sauver les pêcheries du monde, en général,  et celles ouest africaines, en particulier,  doit être pris au sérieux par les leaders du contient et du monde.

Car la disparition de ces pêcheries serait synonyme de catastrophe humanitaire pour des pays comme le Sénégal ou près de 75% des apports en protéines animales sont d’origine halieutique.

* Les «talibés» sont des jeunes enfants confiés à des maitres pour apprendre le coran et la vie. Ils sont souvent transformés en vache laitière par ces derniers qui les exploitent en leur faisant faire toute sorte de chose.