La Mauvaise Influence de McKinsey

Comment les conseils du cabinet McKinsey contribuent à la déstruction des forêts de la RD Congo

Feature Story - avril 14, 2011
Greenpeace vient de publié un rapport sur l’influence mauvaise jouée par le célèbre cabinet de conseil McKinsey sur les plans de lutte contre la déforestation.

Les forêts : qu’un stock de carbone ou des réserves foncières?

Dans l’approche McKinsey, il n’est jamais question de communautés forestières, de biodiversité, ou de services rendus par les écosystèmes forestiers. Les forêts ne sont envisagées que dans une logique financière, comme source de profit pour des industriels ou de contribution à la balance commerciale des pays concernés.

Le cabinet McKinsey est mondialement connu comme l’un des plus prestigieux acteurs de l’industrie du conseil. Depuis 2008, il a réussi à se positionner comme conseil incontournable dans l’élaboration des stratégies REDD (Réduction des émissions dues à la déforestation et à la dégradation forestière) de pays forestiers majeurs.

Cet conseil de Mckinsey sur la déforestation – dans le cadre des négociations climatiques – affecte plusieurs pays forestiers: l’Indonésie, le Guyana, la Papouasie , Nouvelle Guinée et la République Démocratique du Congo.

Le mécanisme REDD est censé mobiliser le financement des initiatives de lutte contre la déforestation de ces pays. Les pays forestiers comme la République Démocratique du Congo (RDC), qui présidera le groupe Afrique à la conférence de Durban (COP 17) en fin d’année, attendent beaucoup de ces négociations.

« Pour les pays forestiers comme la République Démocratique du Congo, McKinsey, c’est une soi-disant garantie de crédibilité et un carnet d’adresse pour faciliter l’accès à des financements internationaux » explique Jérôme Frignet, chargé de campagne forêts pour Greenpeace France, présent à Kinshasa pour la sortie de ce rapport en RDC.

McKinsey en RDC : un scénario catastrophe au service des intérêts industriels

En fin 2009, McKinsey est chargé de produire une analyse du potentiel REDD de la RD Congo.

Au final, le plan stratégique préliminaire élaboré par le Ministère de l’Environnement (MECNT)  reprend in extenso les recommandations du cabinet, formulées en moins de 5 semaines. Et elles sont en totale contradiction avec l’objectif affiché de protection des forêts et de leurs habitants, prévoyant notamment :

  • l’expansion de l’industrie forestière sur 10 millions d’hectares supplémentaires de forêt dense humide, et par conséquent sur les forêts non fragmentées ou dites « intactes », les plus cruciales pour la biodiversité et le climat ;
  • des subventions pour l’industrie forestière afin qu’elle limite sa contribution à la dégradation des forêts (750 millions d’euros environs pour… le maintien de la situation actuelle)
  • plus d’un milliard d’euros annuels à horizon 2030 pour l’agro-industrie (huile de palme, etc.) pour qu’elle localise ses opérations en dehors des forêts denses.

« McKinsey considère les communautés locales comme les principaux moteurs de la déforestation en RD Congo, et minimise inexplicablement l’impact de l’industrie forestière sur la déforestation et la dégradation » affirme René NGONGO, chargé de campagne forêt à Greenpeace Afrique.

McKinsey : erreurs, lacunes, opacité des méthodes

Le rapport de Greenpeace met à jour les nombreuses failles des méthodes utilisées par McKinsey. McKinsey s’abrite derrière le secret commercial pour ne pas révéler la façon dont il calcule ses chiffres – les fameux coûts d’opportunité, à la base de toutes ses recommandations. Le rapport  révèle de nombreuses erreurs auxquelles McKinsey a contribué par son analyse.

Les forêts ne seraient qu’un stock de carbone ou des réserves foncières

Dans l’approche McKinsey, il n’est jamais question de communautés forestières, de biodiversité, ou de services rendus par les écosystèmes forestiers. Les forêts ne sont envisagées que dans une logique financière, comme source de profit pour des industriels ou de contribution à la balance commerciale des pays concernés. Aucune alternative de développement, plus durable et plus équitable, n’est envisagée.

« En vue de garantir sa crédibilité en matière de REDD, la RDC ainsi que les bailleurs de fonds devraient cesser de faire appel au cabinet McKinsey tant que ses erreurs méthodologiques n’auront pas été rectifiées et que demeure l’opacité sur ses méthodes des calculs. REDD ne sera vraiment crédible en RDC que s’il protège les forêts non fragmentées ou « intactes » et que le moratoire sur l’attribution de nouvelles concessions est maintenu » conclut René NGONGO.

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