Quel avenir pour les forêts d’Oshwé, dans la Province du Bandundu ?

Feature Story - juin 1, 2010
Kinshasa, le 10 mai 2010 : Greenpeace a organisé à Oshwé du 26 au 28 avril 2010, dans la province du Bandundu, un Forum intitulé « Quel avenir pour les forêts du territoire d’Oshwé ? » qui réunissait les forces vives de la société civile et de la cité forestière.

Pour la troisième édition d’un tel forum d’échanges organisé par Greenpeace sur le thème de l’avenir des forêts de la RDC, après Kisangani en juillet 2009 (Province Orientale) et Bumba en Novembre 2009 (Equateur), plus de soixante participants étaient réunis à Oshwé. Des représentants des communautés riveraines, hommes et femmes, des communautés autochtones (Pygmés), des ONGs (WWF, PACT-Congo, TRIAS-ACODEM…), des agents de l’administration du territoire et un conseiller du Ministre de l’Environnement, ont activement participé aux débats.

Le territoire d’Oshwé s’étend sur 43.000 km2 (soit une superficie plus grande que la Belgique) dont les ¾ sont occupés par la forêt équatoriale. La RDC mérite ainsi son noble titre de « deuxième poumon vert de la planète » après l’Amazonie. Le parc national de La Salonga, classé patrimoine mondial de l’UNESCO, dont une partie est sur le territoire d’Oshwé ne vient pas démentir cette réalité.  Ces forêts sont inestimables, par la valeur de leur biodiversité, de leurs ressources dont dépendent des milliers de gens, et de leur rôle crucial pour atténuer les changements climatiques.

Située à 1h40 en avion de Kinshasa, Oshwé présente tous les « symptômes » des cités sans réel moteur économique : enclavement, développement précaire et pression importante sur les ressources naturelles. La majorité de la population vit uniquement de l’agriculture vivrière et de la forêt qui lui procure nourriture, bois énergie, bois de construction et médicaments sans oublier les lieux de recueillement traditionnels.

Dans ces forêts naturelles, l’industrie forestière s’est taillé la part du lion, avec 10 titres d’exploitation ‘convertibles’ suite à la récente « revue légale » (dont 7 pour la SODEFOR), ce qui représente une superficie de 1 602 892 ha. Par ailleurs, 7 titres ont été jugés ‘non-convertibles’ par la Commision Interministérielle en charge de cette revue (dont ceux des compagnies Senge Senge, Mojob, Olam Congo, Réserve Stratégique Générale, Socibex et Sokamo)

Dans ce contexte, le forum a atteint ses 3 principaux objectifs : vulgariser le code forestier (distribué en lingala et en français) et informer sur les dispositions de la réforme forestière en cours, écouter les préoccupations et témoignages des participants sur les questions liées à la gestion des forêts et enfin recueillir leurs recommandations, fruits de travaux de groupes et validées en plénière.

Rappeller les droits et obligations des différents acteurs s’avère nécessaire, compte tenu de l’immense décalage entre les théories de la réforme forestière à Kinshasa et dans le discours des bailleurs de fonds, et le manque de moyens et l’impunité qui continuent de régner dans les zones forestières reculées telles qu’Oshwé.

Les communautés riveraines ont souligné leur manque de connaissance des obligations des exploitants industriels du bois, comme celle par exemple de consulter les populations locales, comme stipulé dans le Code Forestier. Très souvent, cela n’est pas le cas. De même, il n’y a aujourd’hui aucune transparence avec les communautés sur les limites précises des zones d’exploitation  les permis de coupe octroyés, le prix des essences  ciblées, etc... Le bois continue à être exploité pour quelques « sacs de sels et des briquettes de savon » alors que les essences congolaises comme le Wengé, le Sappeli, l’Iroko (…) sont vendues très cher sur les marchés internationaux. Les communautés locales ne voient pas le bénéfice de l’exploitation de leurs forêts, dans la chaîne de la filière bois, opaque, où aucune part des taxes de superficie, lorsqu’elles sont payées par les exploitants, n’est retrocédée aux niveaux provinciaux et locaux conformément au Code Forestier.

L’absence de transparence, de consultations, d’un zonage de l’usage des forêts préalables à l’exploitation et la non application des mesures d’accompagnement du code forestier expliquent en grande partie les conflits sociaux omniprésents entre exploitants et communautés – dont le plus récent s’est soldé par le décès d’un villageois après plusieurs jours d’emprisonnement dans des conditions inacceptables, à Oshwé et à Inongo après que la SODEFOR ait fait appel à l’intervention de la police.

L’administration forestière du territoire d’Oshwé n’a pas les moyens de remplir son rôle. Sur ses 25 fonctionnaires, seuls 5 sont immatriculés et disent recevoir un salaire mensuel de 33 dollars. En tout et pour tout, le budget total de cette administration en charge de contrôler les activités forestières sur un territoire plus grand que la Belgique se résumerait à environ 2000 dollars par an, et sans moyens logistiques. De fait, contrôler et faire respecter le code forestier et ses mesures d’application est dans ces conditions une mission impossible !

La vulgarisation et l’application du Code Forestier figure au nombre des recommandations que les participants ont proposé en conclusion du Forum. Bon nombre de recommandations concernent également le « désenclavement » de la région et son développement. Une cartographie participative, c'est-à-dire reflétant la connaissance que les populations ont des forêts où ils vivent apparaît comme un préalable indispensable à la réalisation d’un plan de zonage participatif tenant compte des multiples usages de la forêt et orchestrant des zones de conservation, des zones destinées à la foresterie communautaire, au développement rural et enfin des zones où l’industrie peut opérer après consultation et accord avec les populations locales. Les communautés d’Oshwé lancent un appel pressant au gouvernement de ne délivrer des permis d’exploitation aux industriels que si ces derniers signent et respectent les cahiers des charges avec elles.

Des pistes de développement rural ont été envisagées, en tirant parti des multiples ressources de la forêt, dont le rôle qu’elle est appelée à jouer dans la lutte contre les changements climatiques. Loin de l’actuelle dépendance trompeuse aux exploitants forestiers industriels pour contribuer au développement local, ces pistes devront être développées par et avec quiconque veut véritablement jouer un rôle dans les réponses à apporter à la question : « Quel avenir durable et équitable pour les forêts en RDC ? ».

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