Le Ministère camerounais des Forêts et de la Faune a récemment publié les résultats d’un audit concernant les activités de la société camerounaise Compagnie de Commerce et de Transport (CCT). D’après les conclusions de cet audit, les allégations de Greenpeace Afrique selon lesquelles certains fournisseurs de bois de la CCT seraient impliqués dans des activités illégales sont fondées. Dans cet audit, il est cependant précisé que ces activités illégales ont toujours été réprimées par le ministère.

Greenpeace Afrique exerce son droit de réponse dans le présent communiqué.

Bref historique

Le 9 septembre 2015, Greenpeace a publié un rapport, intitulé Le commerce du bois CCT du Cameroun vers l’Europe, qui révélait que l’entreprise camerounaise CCT exportait du bois provenant d’un grand nombre de fournisseurs camerounais (Greenpeace Pays-Bas, 2015). Ce rapport de Greenpeace dressait une liste des principaux fournisseurs de l’entreprise CCT pour l’année 2014 et fournissait des preuves selon lesquelles plusieurs d’entre eux étaient impliqués dans des activités illégales. Le délit le plus souvent constaté était le fait d’exploiter du bois hors des surfaces réglementaires de vente de coupe (ci-après dénommées VC), puis de déclarer ensuite ledit bois comme provenant de la surface de vente de coupe réglementaire.

Ce rapport a été démenti par le gouvernement camerounais quelques jours après sa publication, sans aucune vérification préalable sur le terrain. Le Ministère des Forêts et de la Faune a déclaré dans un communiqué de presse que “ces allégations, qui sont un assemblage de stéréotypes émis au seul dessein de nuire, sont en porte à faux avec la photographie réelle actuelle du secteur forestier au Cameroun” (Motion d’ordre, Minfof 2016).

Néanmoins, après avoir mené leur propre enquête suite à ce rapport, les autorités compétentes néerlandaises ont imposé une sanction conditionnelle à la société Fibois, une société néerlandaise qui importe du bois fourni par la CCT, pour violation du règlement européen sur le commerce du bois (Greenpeace, 2016). Elles ont également déposé un rapport officiel auprès du procureur.

Greenpeace Afrique a également mené d’autres recherches sur le terrain au début de l’année 2016 concernant un autre fournisseur de la CCT, La Socamba, et a envoyé une lettre au Ministre des Forêts et de la Faune afin de lui communiquer ses résultats le 4 avril 2016. Cette lettre révélait dans quelle mesure ce fournisseur de la CCT était impliqué dans des activités d’exploitation forestière illégale et comportait également la recommandation suivante  : “Dans l’immédiat, nous préconisons la réalisation d’une enquête approfondie concernant les activités de la CCT et de ses fournisseurs” (Greenpeace Afrique, 2016). Cette fois-ci, le ministère a suivi les recommandations de Greenpeace Afrique.

Toutefois, la méthodologie utilisée pour cette enquête reste incertaine et les conclusions soulèvent de nouvelles questions. Greenpeace Afrique a envoyé une lettre par e-mail au MINFOF dans le but d’obtenir des clarifications, mais n’a reçu aucune réponse. (Lettre de demande de clarifications après examen de l’audit sur les activités de la CCT ordonné par le ministère des forêts et de la Faune (MINFOF), Greenpeace Afrique 2016).

Conclusions de l’audit ordonné par le Minfof et questions en suspens :

L’un des objectifs annoncés de cet audit était d’ « identifier toutes les sources d’approvisionnement de CCT pour l’exercice précédent et l’année en cours ». Toutefois, les tableaux fournis dans le rapport concernent tous l’année 2015 et l’absence de données pour l’année 2016 ne fait l’objet d’aucune explication malgré l’objectif annoncé. De plus, la source des données du tableau publié en pages 2 et 3 n’est pas indiquée dans le rapport.

Le tableau en question contient la mention «  R.A.S.  » (rien à signaler) pour les sociétés SFC, Amougou Aboui etc., bien que le «  sommier des infractions  » publié en avril 2016 par le MINFOF mentionne ces mêmes sociétés dans la liste des entreprises ayant commis des infractions comme l’indiquent les informations suivantes:

  • Ets. Amougou Aboui : 456/PVCI/MINFOF/CAB/BNC/C1 du 15/12/2015 : “Non respect des normes techniques d’exploitation”  (2  000  000  FCFA)
  • SFC : 16/002/PVI/MINFOF/DR-SU/DD-DL du 18/01/2016 : “Exploitation forestière par vente de coupe dans le domaine national au delà des limites accordées” (6  499  810  FCFA)
  • SBAC : 455/PVCI/MINFOF/CAB/BNC/C1 du 15/12/2015: “Non respect des normes techniques d’exploitation” (500  000  FCFA)
  • EKOMO OYONO Mathurin (SIBOIS) VC 09 01 210: 15/013/PVCI/MINFOF/DRSU/DDDL/SF du 06/08/2015 : “Exploitation forestière non autorisée dans le domaine national’’ (N° 0064/C/MINFOF/CAB/BNC du 28 avril 2016)

Greenpeace Afrique ne comprend pas pourquoi ce rapport d’audit comporte la mention rien à signaler pour ces sociétés et ne mentionne pas les infractions commises et les amendes infligées. Ces incohérences nuisent à la crédibilité du rapport d’audit.

Selon ce même rapport, l’un des autres objectifs de la mission était de vérifier la légalité des activités d’exploitation des sociétés opérationnelles, qui détiennent des contrats divers avec CCT. Bien que le rapport d’audit mentionne l’existence d’un “rapport de mission équipe 1 BNC dans la Région du Sud” et d’un “rapport de mission équipe 2 BNC dans la Région du Littoral”, il ne fait nulle mention du détail des sociétés ayant fait l’objet de vérifications. Greenpeace Afrique a envoyé un e-mail au MINFOF le 4 octobre 2016 dans le but d’obtenir ces annexes. N’ayant reçu aucune réponse, l’organisation a adressé une autre lettre au Ministre des Forêts et de la Faune afin de demander l’accès à ces annexes, mais n’a reçu aucune réponse.

Le rapport d’audit précise également qu’au passage de la mission, la plupart des titres concernés, notamment ceux de SIBOIS et LA SOCAMBA, n’étaient plus opérationnels […]. Greenpeace Afrique tient à souligner que même si un titre n’est plus opérationnel, une véritable enquête sur le terrain aurait dû mettre en évidence des activités illégales de différentes façons, grâce à des preuves telles que des routes d’exploitation forestière et des grumes abandonnées (marquées ou non) et portant des traces de sciage.

En outre,le rapport d’audit suggère que la totalité du bois scié par Sibois et La Socamba a été saisie ou confisquée. Concernant La Socamba, le rapport fait référence au rapport d’infraction du MINFOF datant du 28  septembre  2015 concernant 4 talis d’environ 22  m3, ayant fait l’objet d’une saisie. Toutefois, comme l’indique notre rapport du 26  mai 2016 intitulé “La Socamba: ou comment le bois volé au Cameroun est distribué sur les marchés internationaux“, en janvier 2016 Greenpeace Afrique a identifié plusieurs grumes abandonnées portant le marquage VC 09 01 203 et comportant des dates de coupes comprises entre mai et septembre 2015, dans la forêt communautaire Avenir de Nkan, soit plusieurs kilomètres hors des surfaces de VC. Cette preuve suggère non seulement qu’entre mai et septembre 2015, La Socamba était impliquée dans des activités forestières illégales dans cette zone, mais également que le bois scié ne se limitait en aucun cas aux 4 talis mentionnés. L’équipe d’audit du MINFOF a-t-elle mené l’enquête ? Pourquoi ces grumes abandonnées n’ont elles pas été confisquées en septembre 2015 et se trouvaient-elles toujours dans la forêt en janvier 2016?

Enfin, la procédure/méthodologie utilisée pour les tableaux semble incertaine et nécessite des clarifications. En effet, sous le titre « Écarts de production par essences » apparaissent, en pages 4 à 6, un tableau court et un tableau long comparant les volumes attribués et les volumes abattus pour les différentes espèces. Le tableau le plus court semble être un résumé incomplet du tableau le plus long, et certaines sociétés et certains volumes n’y figurent pas.

Les lacunes et omissions du rapport d’audit soulignent la nécessité de mettre en place un système indépendant de suivi des réglementations forestières. Un tel système permettrait en effet de remédier aux lacunes de l’enquête et du suivi, de donner plus de crédibilité aux futures enquêtes sur le terrain menées par le MINFOF et de promouvoir le processus d’accord de partenariat volontaire.

Media contacts:

Eric Ini – chargé de la campagne forêt, Greenpeace Afrique; +237 655304948 / [email protected]

Maureen Grisot – coordinatrice de la communication internationale, Greenpeace Afrique; +27 799304743 / [email protected]