Glyphosate

L’herbicide le plus utilisé

Le glyphosate, ce controversé herbicide, a finalement été autorisé pour encore 18 mois par l'UE, jusqu'à la fin de l'année prochaine. A cette date, l'Agence européenne de produits chimiques (l'ECHA) aura terminé ses recherches sur l'impact de cette substance sur la santé humaine et l'environnement.

Mais quel est le problème au juste ? Trouvez ci-dessous une réponse à chacune de vos questions.

Cliquez sur une question et vous obtiendrez la réponse :  
  • Le glyphosate, c’est quoi ?

    Le glyphosate est un composé du phosphore. Cette substance active détruit les plantes jusqu’aux racines. Elle se retrouve ainsi dans de nombreux pesticides, dont le Roundup, le Weedol, Netosol, etc. Ces pesticides à base de glyphosate sont utilisés à grande échelle depuis 1974. Le Roundup est d’ailleurs l’herbicide le plus utilisé dans toute l’histoire de l’agriculture.

  • Le glyphosate est-il dangereux ?

    Pour la santé

    Le Centre International pour la Recherche sur le Cancer (CIRC) a classé cette substance comme « probablement cancérigène ». Le débat scientifique à ce sujet n’est cependant pas clos (voir plus bas). Par ailleurs, un certain nombre d’études établissent un lien entre les herbicides contenant du glyphosate, les perturbations endocriniennes et les problèmes de fertilité chez les humains.

    Pour l’environnement

    L’utilisation importante et répétée d’herbicides contenant du glyphosate nuit également à d’autres organismes tels que les poissons, les papillons, les vers et les micro-organismes. L’Agence allemande pour l’environnement a mis en évidence plusieurs effets négatifs des pesticides en général sur la biodiversité, et en particulier ceux du glyphosate. Enfin, des études récentes parues dans le Journal of Experimental Biology suggèrent que le glyphosate affecte la capacité d’orientation des abeilles. Les doses recommandées de glyphosate dans l’agriculture auraient un impact évident sur leur trajectoire de vol.

    L’effet cocktail

    L’un des principaux problèmes des herbicides est l’effet cocktail. En effet, pour en permettre la pulvérisation et/ou la fixation sur les plantes, le glyphosate est mélangé à des co-formulants, tel que par exemple le POE-tallowamine. Ces mélanges ne sont pas sans danger. L’impact des produits contenant du glyphosate doit donc être évalué en tenant compte de ces co-formulants. La France, par exemple, vient de retirer les 132 autorisations pour des produits associant la substance active glyphosate au co-formulant POE-Tallowamine, considérant que des risques inacceptables, notamment pour la santé humaine, ne peuvent être exclus.

  • Comment échapper au glyphosate ?

    Aujourd’hui, il est tout simplement impossible d’échapper au glyphosate, tellement son utilisation massive est généralisée. Presque tout le monde y est exposé via l’air, l’eau, le sol, les plantes et les aliments. Ainsi, du glyphosate a été retrouvé dans du pain (en Grande-Bretagne), des serviettes hygiéniques (en Argentine), de la bière (en Allemagne) et récemment aussi dans du vin (aux États-Unis).

  • Le glyphosate est-il oui ou non cancérigène ?

    Actuellement, il y a trois rapports principaux qui traitent de ce sujet.

    Le premier provient du Centre International de Recherche sur le Cancer (CIRC) de l’Organisation mondiale de la santé (OMS). En mars 2015, le CIRC a classé le glyphosate dans la catégorie « probablement cancérigène ». Le CIRC affirme que des « preuves limitées » de la cancérogénicité du glyphosate existent pour l’homme, et que des « preuves suffisantes » existent pour les animaux de laboratoire.

    Quelques mois plus tard, en novembre, surprise, l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) déclarait que le glyphosate n’était « probablement pas cancérigène ».

    Enfin, au mois de mai dernier, le JMPR, un comité conjoint de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) a déclaré qu’il estime que le glyphosate ingéré par le biais de l’alimentation ne présentait « probablement pas de risque de cancer pour les humains ». Cet avis ne tient donc pas compte de l’exposition qu’il peut y avoir lors de pulvérisations sur les champs et vergers, que ce soit pour les utilisateurs, les passants ou les riverains.

  • Pourquoi Greenpeace favorise-t-il l’avis du CIRC ?

    Dans le cadre d’études scientifiques, la transparence des processus et l’indépendance des scientifiques et études sont des éléments primordiaux. Et ces deux éléments plaident en faveur du CIRC. Toutes les études sur lesquels ses conclusions se basent peuvent être consultées en ligne. Et les noms de tous les scientifiques ayant participé à l’étude sont connus et exempts de conflits d’intérêts.

    L’EFSA, de son côté, refuse de rendre publique toutes ses sources. Pour rendre son avis, l’EFSA s’est également basée sur des études commandées par l’industrie, tel que les producteurs de glyphosate (comme Monsanto). Il est évident que ces études ne peuvent être considérées comme des études indépendantes. De plus, une partie des scientifiques ayant participé aux conclusions a préféré rester anonyme, ce qui nous empêche de savoir s’il y a oui ou non conflits d’intérêt. Dès lors, il est difficile de considérer cet avis comme transparent et indépendant. Enfin, la méthodologie suivie par l’EFSA a également été dénoncée par 96 scientifiques. Dans une lettre au commissaire responsable, ils ont remis en question la méthode d’évaluation utilisée par l’EFSA.

    En ce qui concerne le JMPR, les noms des scientifiques participants sont connus, mais leur indépendance n’est pas garantie. Au moins deux scientifiques, et rien moins que le président (Boobis Alan) et le co-président (Moreto Angelo) du JMPR, ont des liens étroits avec l’industrie. Il y a donc un réel souci de conflit d’intérêt dans ce cas.

    En se basant sur ces éléments, Greenpeace estime que le CIRC dispose des cartes les plus fiables dans ce débat sur l’impact du glyphosate et des produits qui en contiennent.

  • Qui décide quoi par rapport aux substances et aux pesticides ?

    L’Europe

    C’est la Commission Européenne qui décide de l’autorisation des substances actives, tel que le glyphosate.

    Les Etats membres

    L’autorisation des produits commercialisés est une compétence des Etats-membres. Ce qui veut dire que même si la substance active a été approuvée au niveau européen, des produits à base de cette substance peuvent être interdit au niveau national. C’est par exemple le cas en France, où les autorisations pour les produits à base de glyphosate contenant le co-formulant POE-tallowamine ont été retirées. Ces produits ne peuvent donc plus être commercialisés, ni utilisés en France.

    Les Etats membres peuvent également introduire des restrictions sur l’utilisation des produits, que ce soit pour l’usage agricole ou l’usage par les particuliers. Là encore, nous citons la France en exemple, qui à partir du 1er janvier 2019 n’autorisera plus la vente de pesticides aux particuliers. C’est ce qu’une large frange de la société civile et des citoyens, dont Greenpeace, demande également aux Ministres De Block et Borsus, afin de protéger la nature et la santé des Belges.

    Les Régions

    Les Régions quant à elle peuvent interdire ou restreindre l’utilisation. C’est le processus qu’a enclenché la Wallonie notamment, qui a pour volonté d'interdire l'utilisation du glyphosate aux particuliers et d’en réguler la vente, en mettant sous clef les produits en contenant. Cette loi n’est pas encore en vigueur et doit passer devant le Conseil d’Etat.

  • Qu’implique le principe de précaution ?

    Sachant que le CIRC juge le glyphosate « probablement cancérigène », nous plaidons pour l’application du principe de précaution tel que décrit dans les traités européens.

    Mais quel est ce principe de précaution ?

    Le principe de précaution est mentionné dans l’article 191 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (UE). Il vise à garantir un niveau élevé de protection et ceci aussi bien en ce qui concerne les consommateurs, les santé humaine, animale et végétale ou encore l’environnement.

    Ce principe de précaution peut être invoqué lorsqu’un un produit peut avoir des effets potentiellement dangereux, identifiés par une évaluation scientifique et objective, même si cette évaluation ne permet pas de déterminer le risque avec suffisamment de certitude.

    Pour avoir recours au principe de précaution, trois conditions préalables doivent être remplies:

    - L’identification des effets potentiellement négatifs (dans ce cas-ci l’avis du CIRC qui dit que le glyphosate est “probablement cancérigène”)

    - L’identification des données scientifiques disponibles (les études consultées par le CIRC)

    - L’étendue de l’incertitude scientifique (les études contradictoires)

  • Que s’est-il passé au niveau Européen ces derniers mois ?

    L’autorisation d’utilisation du glyphosate expirant le 30 juin dernier, la Commission européenne souhaitait la renouveler avant cette date, mais le processus fut plus compliqué qu’imaginé.

    Initialement la Commission Européenne souhaitait renouveler cette autorisation pour 15 ans.

    Le 8 mars, les représentants des États membres auraient dû se prononcer sur cette prolongation, mais la décision a été reportée une première fois à la demande de plusieurs pays (Italie, France, Suède et Pays-Bas).

    Entretemps , inquiet, le Parlement Européen a demandé à ce que l’autorisation soit limitée à 7 ans et a recommandé une interdiction immédiate pour :

    - L’utilisation de glyphosate par les particuliers

    - L’utilisation de glyphosate dans les espaces publics, les parcs, les plaines de jeux, aux abords des routes et des chemins de fer

    - L’utilisation de glyphosate dans les cultures juste avant la récolte

    Le 19 mai dernier, la Commission est revenue avec une proposition de renouvellement pour une période plus courte (9 ans) mais sans intégrer les restrictions demandées par le Parlement.

    Le vote a été reporté une seconde fois, faute de majorité qualifiée possible : la France et l’Italie s’opposant à toute re-autorisation; et les Pays-Bas et l’Allemagne, notamment, préférant s’abstenir.

    Début juin, la Commission européenne a finalement annoncé vouloir prolonger l’autorisation du glyphosate pour une période de 12 à 18 mois, toujours sans la moindre restriction, dans l’attente de l’avis de l’Agence Européenne des produits chimiques. Mais là encore, nouveau report !

    Fin juin, le vote du comité d’appel au niveau européen ne dérogera pas à la règle de cette saga: pas d’accord et un report. Il n’y a pas de majorité qualifiée parmi les Etats-membres pour valider une prolongation d’utilisation de cette substance.

    La Commission décide alors de valider elle-même, sans le soutien des Etats-membres mais en totale légalité, la prolongation du permis d’utilisation du glyphosate. Aucune restriction n’est formellement incluse dans cette prolongation de 18 mois, mais des recommandations sont émises pour les Etats-membres.

    Après trois prolongations et alors qu’il avait initialement été délivré en 2002 pour une durée de 10 ans, le permis actuel d’utilisation du glyphosate sera finalement exploité... près de 16 ans.

    Enfin, ce 11 juillet, la Commission européenne a approuvé l’interdiction du co-formulant POE-tallowamine pour les produits contenant du glyphosate.

  • Que se passe-t-il en Belgique ?

    Au niveau Fédéral

    Les autorités fédérales belges se réfugient derrière le cadre juridique européen et se bornent à constater que le dossier du glyphosate est en ordre. Elles ne voient dès lors aucune raison de ne plus autoriser le glyphosate. Une décision qui ne témoigne décidément pas d’une volonté de vouloir protéger ni la santé des citoyens, ni l’environnement.

    Au niveau des Régions

    Les régions et communes montrent déjà le bon exemple. En Flandre, les municipalités et services publics ne peuvent plus utiliser de pesticides depuis le 1er janvier 2015. Il en ira de même à Bruxelles et en Wallonie, respectivement en 2018 et à la mi-2019.

    Bruxelles et la Wallonie souhaitent également interdire complètement l’usage du glyphosate par les particuliers. Des arrêtés allant dans ce sens ont déjà été voté dans les Parlements respectifs. En Wallonie le Ministre de l’Agriculture, M. Di Antonio, souhaite également restreindre l’utilisation du glyphosate par les professionnels et promouvoir les techniques alternatives permettant, à terme, aux agriculteurs de se passer du glyphosate.

  • Quelle est la prochaine étape dans la saga “glyphosate” ?

    Fin juin, la Commission Européenne a prolongé l’autorisation du glyphosate pour une période de 12 à 18 mois. Dans le courant de cette période, l’ECHA (Agence européenne pour les produits chimiques) examine l’impact du glyphosate sur la santé humaine afin de parvenir à un classement européen officiel. Ce processus devrait s’achever au plus tard fin 2017. Sa décision pourrait permettre de définitivement bannir le glyphosate s’il est bien prouvé qu’il est cancérigène. Les pressions seront certainement particulièrement fortes sur cette agence dans les mois à venir. Mais si l’ECHA juge le glyphosate cancérigène, celui-ci sera effectivement retiré de la circulation sans autre préambule.

  • Pouvons-nous nous passer du glyphosate ?

    Les particuliers n’ont certainement pas besoin d’herbicides nuisibles pour lutter contre les mauvaises herbes sur leur trottoir, leur allée ou dans leur pelouse. Il existe de nombreuses alternatives écologiques au Roundup et aux autres produits similaires.

    Du côté de l’agriculture, l’agriculture industrielle s’obstine à recourir aux pesticides chimiques tels que le glyphosate, alors que l’agriculture biologique prouve qu’il est parfaitement possible de s’en passer. Un institut de recherche allemand a publié en 2016 une étude comparative montrant qu'en fonction du type de culture, l'utilisation de glyphosate n'est pas toujours la solution la plus avantageuse. L’agriculture peut donc bel et bien se passer du glyphosate, en utilisant entre autres des techniques de sarclage mécanique et en combinant la rotation des terres avec des cultures intercalaires.

    Et qui plus est, la recherche montre qu’une agriculture respectueuse de l’homme et la nature peut nourrir le monde et est, en outre, moins sensible au changement climatique. Le défi consiste maintenant à appliquer cette agriculture durable à grande échelle.