Greenpeace et Amnesty International : «La liberté d'expression est sous pression »

Conférence How free is freedom of speech?

Communiqué de presse - 10 février, 2011
Bruxelles, le 10 février 2011 : de nombreuses organisations de la société civile voient de plus en plus leurs droits d'expression politique restreints suite à une judiciarisation de plus en plus rapide et disproportionnelle de certains dossiers. Des arrestations suivies de poursuites de citoyens ayant participé à un mouvement de protestation en passant par des journalistes sommés de dévoiler leurs sources, les exemples s'accumulent. Greenpeace et Amnesty International ont organisé aujourd'hui une vaste conférence commune et ont demandé l'organisation d'un débat sur l'équilibre entre sécurité et liberté d'expression.

La liberté d'expression est-elle sous pression ? La conférence s'est tenue à la Maison des Parlementaires et a réuni des intervenants belges et étrangers, chacun illustrant une des multiples facettes de la problématique. Plus de 80 représentants des sphères politique, associative ou académique ont participé à la rencontre.

Au terme de la conférence, certaines « recommandations » ont été formulées à destination du politique et de tous les acteurs clés de la société. Selon Aiden White, secrétaire général de la Fédération internationale des Journalistes, une collaboration entre journalistes et ONG est nécessaire pour initier le débat sur la liberté d'expression, le droit à la manifestation pacifique et le droit à l'investigation journalistique indépendante et à la protection des sources.

Tous les intervenants à la conférence ont constaté qu'en raison de législations toujours plus sévères (notamment dans le cadre de la lutte contre le terrorisme), la peur est de plus en plus présente et a une influence directe sur la façon d'agir de la police et de la justice. Bien sûr, ceci a un impact sur le travail des ONG et des journalistes. Et ce, de manière directe, via des poursuites judiciaires, la confiscation de biens et par le fait que de plus en plus de citoyens hésitent à participer à des manifestations pacifiques. De manière indirecte, cette peur pousse les journalistes à pratiquer l'autocensure tandis que les citoyens hésitent de plus en plus avant d'exprimer des critiques.

Professeur en droit des médias à l'Université de Gand, Dirk Voorhoof s'est penché sur l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'Homme (CEDH ) et estime que des « nuages noirs s'amoncellent sur son siège de Strasbourg ». Il a ainsi épinglé quelques articles récents émanant de cette juridiction et qui reflètent un estompement de la notion de liberté d'expression (1). Il a résumé sa préoccupation en stipulant que les « chiens de garde ne doivent pas être transformés en chiots car il leur incombe d'aboyer en cas de danger. » (2).

Ne pas bâillonner les voix critiques

Pour le professeur gantois, il est évident que la liberté d'expression telle que définie dans l'article 10 de la Convention ne doit pas être affaiblie. Il précise que la législation européenne en la matière est efficace mais que son application dans notre pays est moins rigoureuse que par le passé. La tendance inquiétante de répondre à la désobéissance civile et aux manifestations pacifiques par des poursuites juridiques et le prononcé de peines sans commune mesure avec les faits doit être inversée, a-t-il déclaré.

Parfaite illustration de cette tendance : dix militants de Greenpeace comparaîtront en justice le 17 février prochain pour avoir mené une action pacifique en faveur du climat. (3)

David Mead, professeur à l'Université d'East Anglia au Royaume-Uni, se demande jusqu'où un mouvement de protestation peut aller et à quel moment il devient illégal. Il existe, selon lui, un monde de différence entre un manifestant arborant une pancarte et un vandale jetant une pierre. Il prend l'exemple du Royaume-Uni, où certaines formes d'actions directes pacifiques mais illégales peuvent être taxées de terrorisme.

Ces atteintes à la liberté d'expression ne devraient pas nous faire oublier l'utilité première de ceux qui en sont victimes. « C'est, conclut Michel Genet, directeur général de Greenpeace, le danger qui résulte de la criminalisation actuellement observée des mouvements de protestation sociale et des organisations non gouvernementales (ONG) qui en canalisent l'expression. La liberté d'expression est essentielle quand elle jette un regard critique et contestataire sur le pouvoir et l'ordre établi car elle participe au processus démocratique. Ramener les actions pacifiques menées par des ONG à des questions de droit pénal étrangle le débat sociétal et entrave la liberté d'expression. Nous lançons un appel à tous les membres du parlement fédéral pour placer ce débat à l'agenda politique. »

Les conclusions de la conférence de ce jour seront transmises aux décideurs politiques belges.

 

Notes aux rédactions :

1) Convention européenne des droits de l'Homme : ECtHR Flux nr. 6, 29 juillet 2008

2) Convention européenne des droits de l'Homme : ECtHR Saygili and Falakaoglu v. Turkey, 17 février 2009

3) http://www.greenpeace.org/belgium/fr/actualites-blogs/actualites/eu-peut-sauver-copenhague/

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