Les substances toxiques sont partout, même dans nos intérieurs.
« Naissance d'un géant …» : conçue pour remplacer diverses
législations (dont certaines définies il y a une quarantaine
d'années), REACH insuffle un esprit neuf dans le contrôle et la
gestion des substances chimiques en Europe. Pour produire ou
importer vers l'Europe des substances chimiques en grande quantité,
les fabricants devront fournir des informations quant à leur
innocuité. Un mécanisme de substitution sera mis en place pour les
substances persistantes, bioaccumulables et toxiques si des
alternatives moins nocives sont disponibles. Le public pourra
également demander des informations relatives à la présence d'un
nombre limité de substances potentiellement dangereuses, dans les
biens de consommations.
« La situation après le vote est sans commune mesure avec celle
d'où on vient. Jusqu'à présent, les groupes chimiques pouvaient
commercialiser quasi toutes les substances sans rendre de comptes
quant à leur impact sur la santé ou l'environnement, commente Fawaz
Al Bitar, de la campagne Substances toxiques de Greenpeace. Les
restrictions n'intervenaient qu'au cas par cas et généralement
pour répondre à un scandale...»
«… aux pieds d'argile» : suite aux manquements de cette nouvelle
législation, des substances chimiques potentiellement cancérigènes,
toxiques pour la reproduction ou pouvant entraîner des
malformations congénitales pourront toujours être produites et
intégrées dans nos biens de consommation courante, et ce même si
des substances alternatives moins nocives existent. Des groupes
chimiques fabricant ou important des substances chimiques pour un
volume annuel inférieur à 10 tonnes/an ne seront d'autre part pas
obligés de fournir des informations relatives à leur sécurité.
Cette situation regretable s'applique à 60% des substances
couvertes par REACH.
«Pour assurer au public une protection efficace contre les
dangers de certaines substances chimiques, les décideurs politiques
- s'ils veulent tirer profit de cette législation - devront suivre
attentivement les révisions de REACH et les travaux de la nouvelle
Agence européenne pour la chimie, poursuit Fredéric Boutry de
Inter-Environnement Wallonie.»
Fédérations de médecins, associations de consommateurs et
certaines entreprises axées sur l'innovation comme l'ensemble du
milieu environnemental avaient, on s'en souvient, réclamé une
obligation de substitution applicable à toutes les substances
chimiques potentiellement dangereuses et pour lesquelles des
alternatives plus sûres existent. Pour ces nombreuses associations
européennes, il s'agissait là de la seule voie possible pour
prévenir d'importants problèmes de santé publique et l'augmentation
des coûts y afférant.
En effet, REACH n'empêchera pas la commercialisation de
substances chimiques «extrêmement préoccupantes» si leurs
producteurs estiment en exercer la « maîtrise valable ». La notion
de « maîtrise valable » associée à celle de « seuils d'exposition »
laisse la porte ouverte à bien des conjonctures. Il sera toujours
mal aisé de déterminer les effets de la combinaison de substances
chimiques ou de déterminer l'impact de ces substances sur nos
fonctions hormonales ou encore d'estimer leur effet sur les
mécanismes de développement chez les tout jeunes enfants.
Les manquements identifiés dans le texte voté aujourd'hui à
Strasbourg (en ce compris la propension à laisser l'industrie se
contrôler elle-même) ont indéniablement fait de REACH un géant aux
pieds d'argile que l'industrie pourra facilement 'rouler dans la
farine'. Le texte ne garantit par exemple pas que les informations
relatives à l'existence d'une alternative plus sûre - et qui
seraient apportées par des tierces parties - soient
systématiquement prises en considération.
Les organisations de défense de l'environnement, de protection
des consommateurs et de la santé qui se sont impliqués dans les
débats qui ont accompagné la lente gestation de REACH estiment
qu'il est, aujourd'hui, indispensable de poursuivre cet effort.
« Il faudra par exemple que la nouvelle agence basée à Helsinki
soit sérieusement contrôlée pour que REACH constitue un progrès
significatif par rapport à la situation actuelle. Sans cet effort
de vigilance, les substances chimiques dangereuses continueront à
s'immiscer sans y être invitées dans notre environnement et à
contaminer les organismes vivants, conclut Fawaz Al Bitar de
Greenpeace. »
L'attitude progressiste de nombreux parlementaires européens -
dont la majorité des représentants des formations du PS, du MR,
d'Ecolo, cdH, sp.a, Groen! et du N-VA - laisse à penser que les
enjeux de REACH en matière de santé publique (entre autres lutte
contre l'augmentation des cancers et des problèmes d'infertilité
humaine) ont été correctement perçus. Il est indispensable de
renforcer cette attitude.