Un chantier de démolition navale ferait arriver en
Guinée-Bissau certaines des substances les plus dangereuses qui
soient connues, et mettrait en péril l'environnement et la santé
des autochtones, a déclaré Marietta Harjono de la campagne
Toxiques de Greenpeace. Les expériences de l'Inde, du Pakistan
et d'autres pays en développement nous ont montré que les navires
en fin de vie contiennent des matières dangereuses et des résidus
pétroliers. L'industrie maritime ne doit pas être autorisée à
envoyer des déchets dangereux dans les pays en développement, en
particulier sur un site d'une telle valeur écologique.
Selon l'accord passé entre la compagnie espagnole DDY de
Comercio Exterior SA et le gouvernement de Guinée-Bissau (2), le
chantier de démolition navale serait construit sur l'île de Bolama,
dans l'archipel des Bijagos. Bolama est une île importante dans cet
archipel, qui abrite des écosystèmes fragiles et réputés, dont deux
parcs nationaux. L'archipel a été classé réserve de biosphère par
l'UNESCO en 1993. Il est connu pour la grande diversité de sa faune
dans laquelle on compte des lamantins, des hippopotames, des
loutres, six espèces de tortues de mer et deux espèces de
crocodiles marins. On trouve également 700 000 oiseaux migrateurs
et de nombreuses espèces d'oiseaux indigènes dans l'archipel et ses
environs. La pêche est une des principales ressources économiques
de la Guinée-Bissau.
La coalition internationale des Amis de la Guinée-Bissau pense
que la zone est attractive pour les compagnies espagnoles malgré la
présence de cette importante réserve naturelle parce que ce pays
n'est pas signataire de la Convention de Bâle, un traité
réglementant les mouvements transfrontiers de produits
toxiques.
Le peuple et le gouvernement de Guinée-Bissau sont victimes
de la tromperie des compagnies, déclare Leo Stolk de Novib
(Oxfam Pays-Bas). Un chantier de démolition navale entraînera la
destruction d'une zone naturelle protégée plutôt que son
développement durable. Il ne pourra que causer des dommages à des
collectivités dont la survie dépend du bon état de la mer.
En février, lors d'un débat public auquel participaient la
presse, des personnalités médiatiques, des représentants du
gouvernement et des hommes d'affaires de Guinée-Bissau,
l'implantation de la démolition navale dans les Bijagos a été
rejetée sans ambiguïté. Aujourd'hui la coalition internationale des
Amis de la Guinée-Bissau demande aux compagnies espagnoles
impliquées, au gouvernement espagnol et à l'UNESCO en tant que
gardienne de la réserve de biosphère, d'arrêter le projet
d'implantation de la démolition navale dans l'environnement
précieux de la Guinée-Bissau.
Notes :
(1) La coalition internationale des Amis de la Guinée-Bissau est
composée de Novib (Oxfam Pays-Bas), Greenpeace, ICCO (Organisation
oecuménique de coopération pour le développement), la Fédération
galicienne des organisations environnementales, l'ACEP (Association
pour la coopération entre les peuples). Bien que l'accord signé le
17 octobre 2002 mentionne d'autres domaines dans le cas d'une
future coopération, le principal objet est la mise en place d'un
accord signé à la Corogne en Espagne par M. Dario Amor Edreira,
président du conseil d'administration de DDY de Comercio Exterior
SA, et par H.E. Fernando Correia Landim, ministre du Commerce, de
l'Industrie et de l'Artisanat de la République de Guinée-Bissau.
D'après l'accord, DDY agit au nom de Hierros Ezquerro SA une autre
compagnie espagnole. L'activité commerciale normale de DDY de
Comercio Exterior SA, qui fait partie du groupe espagnol Macogasa
DDY, est l'import-export de poisson frais et surgelé. Elle exploite
des usines de réfrigération dans le port de la Corogne.
Et malheureusement aussi :
La démolition navale tue encore des travailleurs
Une nouvelle tragédie à Alang
Le 5 avril 2003 - Une nouvelle personne a été tuée par une
explosion lors du démantèlement d'un navire sur le chantier d'Alang
en Inde. Six autres ont été blessées. L'explosion s'est produite
samedi sur l'Apteram, un navire (pétrolier) maltais, alors que les
travailleurs essayaient de découper un réservoir de fioul dans la
salle des machines, hélas encore plein. Les travailleurs ont
indiqué qu'il s'agissait de la dernière partie du navire à
démonter. Seulement six semaines après le dernier accident, une
nouvelle tragédie se produit.
Cela confirme que l'obligation de dégazer les navires pour le
travail à la chaleur une fois de plus n'a pas été respectée, aux
prix d'une vie humaine. Les incendies et les accidents sont chose
courante sur les chantiers de démolition navale où la sécurité des
travailleurs est mise en danger par l'absence des précautions les
plus élémentaires, quand il doivent manipuler des substances
fortement toxiques cachées à l'intérieur des épaves où se trouvent
fréquemment en présence de substances très volatiles.
Selon les règles de la Convention de Bâle et la législation
indienne (1) tous les navires devraient être décontaminés et
dégazés pour le travail à la chaleur avant d'entrer dans le pays.
Pourtant, l'Apteram recelait une grande quantité de fioul en son
sein qui a provoqué une explosion quand les travailleurs ont
commencé à découper l'acier au chalumeau.
Greenpeace demande :
1. Que tous les navires allant dans les chantiers de démolition
navale d'Asie soient entièrement décontaminés et dégazés pour le
travail à la chaleur et l'entrée des humains avant leur
arrivée.
2. Que l'Organisation maritime internationale mette en place un
cadre obligatoire et strict garantissant l'application des mêmes
règles à tous les navires et la possibilité de tenir les
propriétaires de navires pour responsables juridiquement et
financièrement de leur navires en fin de vie et de toutes les
matières dangereuses qu'ils contiennent.
3. Que la Convention de Bâle soit strictement respectée et que
l'élimination et les mouvements transfrontiers de déchets dangereux
soient régulés conformément au droit international.
______
(1) Selon la Convention de Bâle (ratifiée par l'Inde le 24 juin
1991) et la législation nationale indienne (Gujarat Government
Gazette n°GMB/T/Alang/106/110/2000/1, août 2000) tous les navires
doivent être entièrement décontaminés et purgés de tout gaz
dangereux, substance toxique et autres déchets/substances chimiques
présentant un danger avant d'être acceptés dans un chantier de
démolition navale.