Une réserve naturelle menacée par la démolition navale

Quand les bateaux tuent : un nouveau décès en Inde

Communiqué de presse - 10 avril, 2003
Une réserve de biosphère de l'UNESCO aux paysages d'une grande beauté risquent d'être défigurée et polluée si un projet d'implantation de chantier de démolition navale en Guinée-Bissau, en Afrique de l'Ouest, se concrétisait. Des compagnies maritimes espagnoles, présentant ce projet comme une opportunité de développement respectueuse de l'environnement, ont signé un « protocole d'intention » avec le gouvernement de Guinée-Bissau en vue de la mise en place d'un chantier de démolition navale et d'une zone franche industrielle au coeur de la réserve naturelle. Greenpeace se joint aujourd'hui à une coalition d'associations internationales (1) s'opposant à ce projet.

Un chantier de démolition navale ferait arriver en Guinée-Bissau certaines des substances les plus dangereuses qui soient connues, et mettrait en péril l'environnement et la santé des autochtones, a déclaré Marietta Harjono de la campagne Toxiques de Greenpeace. Les expériences de l'Inde, du Pakistan et d'autres pays en développement nous ont montré que les navires en fin de vie contiennent des matières dangereuses et des résidus pétroliers. L'industrie maritime ne doit pas être autorisée à envoyer des déchets dangereux dans les pays en développement, en particulier sur un site d'une telle valeur écologique.

Selon l'accord passé entre la compagnie espagnole DDY de Comercio Exterior SA et le gouvernement de Guinée-Bissau (2), le chantier de démolition navale serait construit sur l'île de Bolama, dans l'archipel des Bijagos. Bolama est une île importante dans cet archipel, qui abrite des écosystèmes fragiles et réputés, dont deux parcs nationaux. L'archipel a été classé réserve de biosphère par l'UNESCO en 1993. Il est connu pour la grande diversité de sa faune dans laquelle on compte des lamantins, des hippopotames, des loutres, six espèces de tortues de mer et deux espèces de crocodiles marins. On trouve également 700 000 oiseaux migrateurs et de nombreuses espèces d'oiseaux indigènes dans l'archipel et ses environs. La pêche est une des principales ressources économiques de la Guinée-Bissau.

La coalition internationale des Amis de la Guinée-Bissau pense que la zone est attractive pour les compagnies espagnoles malgré la présence de cette importante réserve naturelle parce que ce pays n'est pas signataire de la Convention de Bâle, un traité réglementant les mouvements transfrontiers de produits toxiques.

Le peuple et le gouvernement de Guinée-Bissau sont victimes de la tromperie des compagnies, déclare Leo Stolk de Novib (Oxfam Pays-Bas). Un chantier de démolition navale entraînera la destruction d'une zone naturelle protégée plutôt que son développement durable. Il ne pourra que causer des dommages à des collectivités dont la survie dépend du bon état de la mer.

En février, lors d'un débat public auquel participaient la presse, des personnalités médiatiques, des représentants du gouvernement et des hommes d'affaires de Guinée-Bissau, l'implantation de la démolition navale dans les Bijagos a été rejetée sans ambiguïté. Aujourd'hui la coalition internationale des Amis de la Guinée-Bissau demande aux compagnies espagnoles impliquées, au gouvernement espagnol et à l'UNESCO en tant que gardienne de la réserve de biosphère, d'arrêter le projet d'implantation de la démolition navale dans l'environnement précieux de la Guinée-Bissau.

Notes :

(1) La coalition internationale des Amis de la Guinée-Bissau est composée de Novib (Oxfam Pays-Bas), Greenpeace, ICCO (Organisation oecuménique de coopération pour le développement), la Fédération galicienne des organisations environnementales, l'ACEP (Association pour la coopération entre les peuples). Bien que l'accord signé le 17 octobre 2002 mentionne d'autres domaines dans le cas d'une future coopération, le principal objet est la mise en place d'un accord signé à la Corogne en Espagne par M. Dario Amor Edreira, président du conseil d'administration de DDY de Comercio Exterior SA, et par H.E. Fernando Correia Landim, ministre du Commerce, de l'Industrie et de l'Artisanat de la République de Guinée-Bissau. D'après l'accord, DDY agit au nom de Hierros Ezquerro SA une autre compagnie espagnole. L'activité commerciale normale de DDY de Comercio Exterior SA, qui fait partie du groupe espagnol Macogasa DDY, est l'import-export de poisson frais et surgelé. Elle exploite des usines de réfrigération dans le port de la Corogne.

Et malheureusement aussi :

La démolition navale tue encore des travailleurs

Une nouvelle tragédie à Alang

Le 5 avril 2003 - Une nouvelle personne a été tuée par une explosion lors du démantèlement d'un navire sur le chantier d'Alang en Inde. Six autres ont été blessées. L'explosion s'est produite samedi sur l'Apteram, un navire (pétrolier) maltais, alors que les travailleurs essayaient de découper un réservoir de fioul dans la salle des machines, hélas encore plein. Les travailleurs ont indiqué qu'il s'agissait de la dernière partie du navire à démonter. Seulement six semaines après le dernier accident, une nouvelle tragédie se produit.

Cela confirme que l'obligation de dégazer les navires pour le travail à la chaleur une fois de plus n'a pas été respectée, aux prix d'une vie humaine. Les incendies et les accidents sont chose courante sur les chantiers de démolition navale où la sécurité des travailleurs est mise en danger par l'absence des précautions les plus élémentaires, quand il doivent manipuler des substances fortement toxiques cachées à l'intérieur des épaves où se trouvent fréquemment en présence de substances très volatiles.

Selon les règles de la Convention de Bâle et la législation indienne (1) tous les navires devraient être décontaminés et dégazés pour le travail à la chaleur avant d'entrer dans le pays. Pourtant, l'Apteram recelait une grande quantité de fioul en son sein qui a provoqué une explosion quand les travailleurs ont commencé à découper l'acier au chalumeau.

Greenpeace demande :

1. Que tous les navires allant dans les chantiers de démolition navale d'Asie soient entièrement décontaminés et dégazés pour le travail à la chaleur et l'entrée des humains avant leur arrivée.

2. Que l'Organisation maritime internationale mette en place un cadre obligatoire et strict garantissant l'application des mêmes règles à tous les navires et la possibilité de tenir les propriétaires de navires pour responsables juridiquement et financièrement de leur navires en fin de vie et de toutes les matières dangereuses qu'ils contiennent.

3. Que la Convention de Bâle soit strictement respectée et que l'élimination et les mouvements transfrontiers de déchets dangereux soient régulés conformément au droit international.

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(1) Selon la Convention de Bâle (ratifiée par l'Inde le 24 juin 1991) et la législation nationale indienne (Gujarat Government Gazette n°GMB/T/Alang/106/110/2000/1, août 2000) tous les navires doivent être entièrement décontaminés et purgés de tout gaz dangereux, substance toxique et autres déchets/substances chimiques présentant un danger avant d'être acceptés dans un chantier de démolition navale.

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