Le gouvernement wallon ne peut pas céder au chantage de Ryanair

Actualité - 18 juillet, 2013
Mardi, le gouvernement wallon s’est accordé pour réaliser 286 millions d’économie dans le budget 2014. Parmi les mesures adoptées, une taxe de 3€ sur les billets d’avion au départ des aéroports wallons. Ryanair n’a pas tardé à réagir et à… menacer de déserter Charleroi, une fois de plus. Pour Greenpeace, le gouvernement wallon doit faire preuve de fermeté.

L’idée du gouvernement wallon est louable, certes, mais elle demeure encore insuffisante par rapport aux avantages (fiscalité, infrastructures…) accordés au secteur aérien. Il n’aura, quoi qu’il en soit, pas fallu longtemps pour voir Ryanair ruer dans les brancards et crier au scandale. Cette taxe de 3€ sur les billets d’avion au départ des aéroports wallons, la compagnie aérienne ne veut pas en entendre parler. Mercredi, au lendemain de l’annonce du gouvernement wallon, Ryanair, instantanément repris par Charleroi South Airport, déclarait que « cette taxe supplémentaire » pourrait entraîner une perte de plus de 17% du trafic aérien à Charleroi, soit une diminution de plus d’un million de passagers, avec « des conséquences inévitables pour l’emploi ». Et, surtout, le groupe irlandais menaçait de poser ses bagages ailleurs, dans un pays voisin.

Une influence sur le climat

Une attitude qui démontre à nouveau que Michael O’Leary, le PDG de Ryanair, ne semble absolument pas conscient de la crise climatique actuelle et de l’impact du secteur aérien sur cette problématique planétaire. Ne déclarait-il d’ailleurs pas en mai 2013, dans le cadre du débat européen sur l’intégration des compagnies aériennes dans le mécanisme de marché du CO2 ETS (Emission Trading System) : « Si ces idiots pouvaient lever le cul de leur chaise et aider les jeunes à trouver du travail au lieu de perdre leur temps à régler des problèmes inexistants comme le réchauffement climatique… » C’est pourtant indéniable : le transport aérien influence le climat. Des études scientifiques ont d’ailleurs démontré que les émissions de CO2 en haute altitude engendraient un impact climatique plus sérieux. A l’échelle mondiale, le transport aérien est responsable d’environ 2% des émissions de CO2 d’origine humaine et croît de 5 % par an. Faire un aller-retour Bruxelles-Barcelone, par exemple, émet autant de CO2 que si vous rouliez en voiture durant cinq mois…

« Je pars quand je veux »

Michael O’Leary n’en est, cela dit, pas à son coup d’essai. Cette carte de la concurrence entre pouvoirs publics et régionaux prêts à tout pour accueillir les compagnies low cost, perçues comme une mine d’or pour l’emploi, le PDG de Ryanair l’a déjà abattue à plus d’une reprise.
En 2004, il lançait ainsi à Serge Kubla : « Je pars quand je veux ». Autre exemple : il y a quelques années, la compagnie irlandaise quittait Strasbourg pour un aéroport voisin en Allemagne. Air France avait alors dénoncé une concurrence déloyale, Ryanair percevant des subventions de la CCI locale.

En 2010 cette fois, le 13 octobre, O’Leary se rendait à Marseille pour annoncer la fermeture, à partir du 11 janvier 2011, de la base de MP2 à Marignane. Treize lignes (sur 23) allaient disparaître. Motif ? La mise en examen du PDG irlandais, par le parquet d’Aix-en-Provence, pour travail dissimulé ! Le syndicat des pilotes de ligne d’Air France avait porté plainte pour non-respect de la législation française. Enfin, en décembre de la même année, deux liaisons vers Figari en Corse du Sud étaient abandonnées. Une décision qui faisait suite au non-versement, par la Chambre du commerce et d’industrie de Corse du Sud, d’une subvention de 600 000€.

L’objectif de cette tactique pour le moins douteuse est évident : Ryanair vise à se placer dans la situation la plus confortable possible, afin de négocier des conditions avantageuses. Ce qui fut le cas en Wallonie, où le groupe irlandais retire pas mal d’avantages, tels que des frais de communication cofinancés par les pouvoirs publics ou encore la mise à disposition d'infrastructures à prix cassés.
Sans oublier qu’il profite également de sa politique de « dumping social ». Ryanair n'applique en effet pas le droit social belge, ce qui lui permet par exemple de payer ses hôtesses 15€ pour un vol d’1h45, tout en leur retirant une charge pour la location de leur uniforme !

Accord pas transparent

L’accord passé en 2012 pour une durée de dix ans entre le gouvernement wallon et Ryanair n’est toutefois pas transparent. Et il est difficile de mesurer pleinement l'étendue et la forme des aides publiques octroyées à la compagnie, Malgré plusieurs questions parlementaires, les réponses du gouvernement wallon sont toujours restées très évasives. En 2012, l'association des compagnies aériennes européennes (AEA) avait calculé que l'ensemble des réductions de taxe octroyées à Ryanair en Europe s'élevait à 793 millions d'euros annuels.

Pour Greenpeace, le message est clair : Ryanair joue la carte de la concurrence entre pays depuis bien trop longtemps. Le gouvernement wallon ne doit surtout pas céder au chantage du groupe irlandais.