Plan Wathelet : encore un cadeau estival pour Electrabel

Actualité - 19 juillet, 2013
Alors que l'état belge vient d'à nouveau saigner son budget de plus de 2 milliards d'euros, il s’apprête paradoxalement à faire un nouveau cadeau aux gestionnaires de nos grandes centrales nucléaires dont, surtout, GDF Suez Electrabel. Et comme souvent, c'est en plein été qu’on tente de faire passer cette amère pilule au contribuable forcé de se serrer la ceinture. On crie moins fort de la plage, c'est bien connu !

Le vendredi 5 juillet, le Secrétaire d'état Melchior Wathelet déposait sur la table un plan destiné à garantir la sécurité d’approvisionnement électrique de notre pays. Un plan qui prévoit, notamment, la prolongation de la centrale nucléaire de Tihange 1, soit 960MW détenu à 50% par Electrabel et à 50% par EDF Luminus. L’idée de mettre la production de ce réacteur aux enchères avait tout d’abord été évoquée mais, le 11 juillet, on apprenait que les deux géants allaient à nouveau se partager toutes les parts du gâteau. Il conviendra donc d’attendre encore quelques années avant d’assister à la fin du monopole sur la production d'électricité…

Bien décidé à ce que cette prolongation de 10 ans du réacteur tihangeois ne se fasse pas au bénéfice exclusif des géants français, le Secrétaire d'état avait cependant annoncé dans son plan la mise en place d'un mécanisme « Cost + », permettant à l’état de récupérer une part des plantureux bénéfices qu'engendre une centrale électrique déjà amortie. En théorie, le gouvernement évaluerait alors les coûts de production et les coûts d'investissements nécessaires au fonctionnement de la centrale. Il y rajouterait une marge bénéficiaire « décente » et le montant total serait garanti comme prix minimum au gestionnaire de la centrale pendant les 10 ans de son exploitation. Le surplus éventuel, qui dépend du prix de vente de l'électricité, est pour sa part supposé revenir à l'état. Une décision qui semble somme toute raisonnable sur le papier. Encore faut-il pour autant négocier cette prise de position avec Electrabel et EDF...

Comme d'habitude, avant tel débat, les deux géants ont su intensifier la pression et se mettre dans une position favorable au moment de passer à table. Acte 1: Electrabel attaque l'état belge pour non-respect de l'accord passé avec le gouvernement Van Rompuy. Dans les couloirs du gouvernement, un accord garantissant la prolongation de Tihange 1, Doel 1 et Doel 2 aurait été signé en 2009 par Van Rompuy. Un accord tout simplement illégal puisqu’il était opposé à la loi de sortie du nucléaire prévoyant la fermeture de ces centrales en 2015. Qu'à cela ne tienne, rien ne vaut une attaque en justice pour mettre un coup de pression sur le gouvernement. Et hop, un coup de bâton ! Acte 2 : en juin 2012, Electrabel laisse entendre par voie de presse interposée qu'il n'est pas intéressé par l'exploitation de la centrale et qu’il pourrait se retirer. C’est sûr, un bon vieux chantage est toujours efficace, même s’il n'est pas très crédible étant donné que le parc nucléaire belge est la vache à lait du groupe GDF Suez. Bref, la pression était bel et bien mise sur les épaules du gouvernement.

Cette « politique du bâton » semble en tout cas avoir porté ses fruits puisque le 8 juillet, le gouvernement Di Rupo approuvait la proposition d'accord pour la prolongation de Tihange 1, c'est-à-dire celle qui servira de base à la négociation entre le gouvernement, Electrabel et EDF. Et le moins que l'on puisse dire est que cette proposition semble s’assimiler à un nouveau cadeau fait aux deux énergéticiens.

En clair, le gouvernement propose à EDF et à Electrabel – gestionnaires de Tihange 1 - 41,7 € pour chaque MWh produit par ce réacteur. Sur quels critères s'est-il basé pour déterminer ce chiffre ? Nous ne le savons pas. Suivant les données rendues publiques par la CREG en 2010, les coûts de production d'un MWh varie entre 17 et 21 €. Pourtant, dans ce cas-ci, Monsieur Wathelet offre déjà 10 € supplémentaires et porte le montant à 27, 4 €/ MWh. Mais ce n'est pas tout ! Alors que, par exemple, une marge bénéficiaire décente pour de l'éolien en mer est estimée à 12%, Monsieur Wathelet l'estime cette fois à 23%. Enfin, plutôt que de diriger le surplus éventuel vers les caisses de l'état, le gouvernement laisse encore 30% de celui-ci aux deux entreprises. Sur base de la proposition faite par le gouvernement, Electrabel et EDF devraient donc recevoir un bénéfice annuel garanti de 170 millions d'euros pour l'exploitation de la centrale.

Un cadeau qui s'ajouterait aux 1,5 milliards d'euros annuel que les contribuables offrent chaque année aux producteurs nucléaires via la rente nucléaire. En effet, étant amorties depuis plusieurs années, les centrales nucléaires dégagent une rente de près de 2 milliard d'euros chaque année, sur laquelle le gouvernement fédéral ne prélève que 470 millions, laissant le reste aux gestionnaires des centrales.

En définitive, l'essentiel n'est pas de savoir comment le gouvernement récupérera cette rente du moment qu’il la récupère. En ces temps de disette budgétaire, un cadeau d'une telle ampleur promis à Electrabel et EDF est-il vraiment encore admissible alors que cet argent pourrait nous permettre de financer la transition énergétique ?