Francesca se rend au pôle Nord en compagnie de Greenpeace et tient un blog sur ce voyage. Voici l’épisode 4.

Nous nous réveillons face à la côte de Ny-Ålesund, un hameau composé d’une dizaine de maisons et de différents centres de recherche dont le Polar Institute. À la haute saison, 180 personnes vivent et travaillent ici, surtout des scientifiques. Mais en ce début octobre, le petit village ne compte qu’une cinquantaine de personnes.

« Le plus au nord »

Ny-Ålesund se targue d’être « le plus au nord » pour à peu près tout. Le bureau de poste le plus au nord, le centre de recherche permanent sur l’Arctique le plus au nord et le point de départ le plus au nord pour Roald Amundsen. En mai 1926, celui-ci part pour le pôle Nord avec son équipage à bord d’un zeppelin, une expédition de 70 heures et 1200 kilomètres. En passant au-dessus du pôle Nord, Amundsen laissa tomber de son dirigeable un drapeau norvégien (il ne pouvait pas atterrir, au risque de ne plus pouvoir repartir) avant de poursuivre sa route vers l’Alaska.

Ce voyage valut à Amundsen d’entrer dans l’Histoire comme celui qui a découvert le pôle Nord. Ny-Ålesund conserve toujours, en guise d’hommage, le pylône auquel était attaché le zeppelin avant son départ.

On pourrait facilement penser qu’on est en train de faire une balade touristique. On réalise quelques recherches historiques, on profite de la nature, on navigue en bateau. Nous réalisons toutefois à chaque instant pourquoi nous sommes là. Ce voyage sert à constater les conséquences du changement climatique dans la région du pôle Nord.

Des nouvelles alarmantes sur la fonte spectaculaire des glaces polaires ont fait la une de tous les journaux au cours des derniers mois d’été. Si le monde entier va subir l’impact du réchauffement de la planète, le Sud et le Nord le sentiront un peu plus que le reste. En Occident, les plus grands pollueurs que nous sommes n’en ressentiront qu’un impact bien moindre. C’est vraiment tragique. Aujourd’hui déjà, nous savons que la population africaine devra faire face à des périodes de plus en plus fréquentes de sécheresse extrême, entraînant de gigantesques flux de réfugiés.

Dans la région des pôles, le réchauffement intervient à une vitesse exponentielle, réduisant à vue d’œil notre système naturel (et gratuit) de climatisation. La banquise reflète en effet les rayons solaires, tandis que l’eau de mer plus sombre absorbe ces rayons, provoquant une fonte encore plus rapide des glaces résiduelles. Ce n’est pas plus compliqué que cela, et le message ne me semble pas insurmontable à faire comprendre.

Quand agirons-nous ?

À bord d’un bateau pneumatique, nous nous frayons un chemin entre les blocs de glace avant d’atteindre la rive d’un fjord où une photo d’un glacier a été prise en 1928. Quelque 73 ans plus tard, Greenpeace a sillonné les abords du Spitzberg pendant plusieurs jours pour retrouver le même endroit et prendre exactement la même photo. Une comparaison des deux clichés est saisissante. Nous regardons tous le glacier considérablement aminci qui est devenu un symbole de la campagne Save The Arctic. Que faut-il de plus au monde pour prendre conscience qu’il est grand temps d’agir ?

Je pourrais crier à l’injustice manifeste, mais je ne parviens pas et ne souhaite pas m’en contenter. Il serait trop facile de fermer les yeux sur ce qui est en train de se passer. Même si j’aimerais recevoir un surnom plus sympathique que celui de « scie écologique », je suis fière de mes convictions et de mon engagement. J’espère que d’autres s’en inspireront.

- Francesca Vanthielen est une actrice et présentatrice flamande. Avec Greenpeace, elle effectue un voyage au pôle Nord à bord de l’Arctic Sunrise, pour constater de ses propres yeux les effets des changements climatiques sur la région.