Mise à jour 1/5/2014: Le Rainbow Warrior a été arrêté par la police néerlandaise alors qu'il empêchait le Mikhail Ulyanov d'accoster au port de Rotterdam. Le pétrolier russe transporte le premier pétrole issu des eaux arctiques vers l'Europe. 

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18/4/2014 - Triste première : du pétrole issu des eaux arctiques par Gazprom est en route pour l’Europe, où il sera commercialisé. Le géant russe n’est pas en mesure de faire face à une catastrophe pétrolière. Il  doit être arrêté. Une marée noire aurait des conséquences dramatiques pour l’Arctique. (Suivez l'évolution du pétrolier ici.)

Opposons-nous aux activités de Gazprom en Arctique !

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Cela semble déjà appartenir au passé depuis longtemps. Pourtant, il y a à peine quatre mois que les « 30 de l’Arctique » étaient amnistiés pour un crime qu’ils n’ont pas commis. Ils avaient été emprisonnés deux mois (les non-Russes ont même vécu un mois supplémentaire en exil à St-Pétersbourg) suite à une action de protestation pacifique sur la plateforme pétrolière Prirazlomnaya du géant russe Gazprom. Un sentiment très particulier doit les animer aujourd’hui car malgré la reconnaissance internationale suscitée par leur action, le géant pétrolier a commencé ses forages pétroliers en décembre 2013 et importe même, aujourd’hui, la toute première cargaison de pétrole arctique en Europe.

Dans d’autres régions du pôle Nord, les entreprises pétrolières sont encore à des années voire à des décennies de concrétiser commercialement leurs opérations de forage pétrolier. Souvenez-vous des frasques de Shell en Alaska. Pour cette compagnie, il apparait de plus en plus difficile de mettre ses plans en pratique. Les Norvégiens de Statoil se montrent également bien plus prudents quant à leurs ambitions pétrolières au pôle Nord.

Mais en Arctique russe, on n’en est pas là. Alors que la crise bat son plein en Ukraine et que Gazprom y joue un rôle, celui-ci continue joyeusement ses opérations de forage pétrolier en Arctique russe, avec la plateforme Prirazlomnaya. Et plus tard cette année, un autre géant pétrolier russe, Rosneft, se lancera lui aussi, en compagnie des Américains d’Exxon, dans de nouvelles explorations pétrolières en mer de Kara, pas très loin de la plateforme de Gazprom.

Nos collègues russes ont analysé la faculté de réaction de Gazprom en cas d’accident. Il y a de quoi s’inquiéter. Une compagnie pétrolière de cette ampleur doit mettre sur papier un plan d’action et expliquer ce qu’elle ferait en cas de marée noire. Mais une telle catastrophe sur une plateforme de Gazprom parait, visiblement, impensable aux yeux de l’entreprise. Pourtant, la plateforme Prirazlomnaya est ancienne, peu fiable et certainement pas adaptée pour faire face aux conditions extrêmes de la région arctique. L’analyse du plan d’urgence de Gazprom (du moins du résumé car la totalité n’est pas publiquement accessible) nous apprend que cette compagnie n’est absolument pas préparée, ne fut-ce que pour gérer un accident de faible envergure.  

« Gazprom va donc fournir la toute première cargaison de pétrole arctique au marché international », avance mon collègue russe Vladimir Chuprov. « Le géant russe prend le risque de détruire un écosystème primordial et fragile pour quelques milliers de tonnes de pétrole brut d’une faible qualité. Gazprom a mis 20 ans pour en arriver à ce résultat mais il ne prend même pas la peine de présenter un plan d’urgence digne de ce nom ou de répondre à des questions. Le résumé de son plan d’urgence est bourré de manquements : le matériel que Gazprom utilise est complètement inadéquat pour faire face aux conditions difficiles rencontrées en Arctique. »

N’oublions pas non plus que des entreprises belges de dragage veulent elles aussi se payer leur part du gâteau arctique. DEME (via sa filiale Tideway) a joué un rôle crucial dans la construction de cette plateforme controversée. Son concurrent Jan De Nul a commencé l’été passé – avec l’appui de la compagnie public d’assurance Delcredere (et donc aussi celui du gouvernement belge) – des opérations de dragage au port Sabetta, un gigantesque port situé en Arctique russe qui, selon les Russes, doit être une plaque tournante pour le gaz et à l’avenir, pour le pétrole issu des eaux arctiques. Un joli groupe d’amis n’est-ce pas ? Ces deux entreprises de dragage n’ont nullement reculé devant la réputation environnementale catastrophique que les compagnies pétrolières russes se sont forgées suite aux fuites massives de pétrole constatées dans leurs propres installations sur le continent russe.

Ma conclusion ? Une marée noire dans les eaux arctiques est tout à fait possible et Gazprom n’est pas du tout en mesure d’y faire face. Si nous voulons protéger cette zone vierge – n’oublions pas, en ces temps de réchauffement climatique, qu’elle joue le rôle d’airco de notre planète - , nous devons massivement nous opposer à cette course au pétrole menée par des compagnies pétrolières qui ne pensent qu’au profit qu’elles en tireront.

Heureusement qu’un mouvement est en marche. Un mouvement composé de plus de cinq millions de personnes dans le monde qui tous, adhèrent à nos exigences, à savoir conférer aux eaux internationales autour du pôle Nord un statut de zone protégée et obtenir une interdiction totale des forages offshore et de la pêche industrielle dans toute la région arctique. Et suite à une carte blanche (en néerlandais) de ma collègue Faiza Oulahsen, l’une des « 30 de l’Arctique », la deuxième chambre des Pays-Bas a voté une motion voici quelques semaines pour empêcher tout transport de pétrole extrait au pôle Nord. Gazprom avait toutefois annoncé au mois de février sa volonté d’expédier le premier arctique vers le port de Rotterdam.

Un signal politique dans le pays d’origine d’un autre géant du pétrole, Shell, est évidemment encourageant et devrait être relayé en Belgique. Nous présenterons quoi qu’il en soit cette motion aux nouveaux parlementaires élus en mai, pour veiller à ce que le pétrole arctique ne puisse simplement être acheminé vers – ou transiter par - les ports belges. Merci d’avance pour votre soutien !