Notre responsable de campagne climat Joeri Thijs est en ce moment à Lima (Pérou). Il fait partie de la délégation belge qui suivra, au cours des deux prochaines semaines, les négociations internationales de ce sommet climatique important. Découvrez ses premières impressions ci-dessous.

USA et Chine encore un peu plus sur la bonne voie ?

Au cours des dernières semaines, les questions climatiques ont retrouvé une place plus importante sur l’agenda politique. Le GIEC a sorti un nouveau rapport, les Etats-Unis et la Chine ont signé un accord climatique historique, démontrant là qu’ils veulent faire (timidement) bouger les choses et le Fonds vert pour le climat de l’ONU a enfin été mis sur les rails.

Ce qui est frappant et prometteur est que les pays en développement, qui sont (et seront) souvent les premières victimes du changement climatique, prennent de plus en plus l’initiative. Ils argumentent, à juste titre, que les grandes puissances (occidentales) portent historiquement la plus lourde responsabilité en matière de climat, mais aussi que, faute d’action, ils ne laisseront plus leur destin reposer entre les mains des soi-disant pays développés. Ils sont même prêts à agir de manière concrète, ce qui donne une nouvelle dynamique aux négociations internationales sur le climat.


Greenpeace a projeté un message sur le Machu Picchu avant le début de la COP.

Nous avons plus que suffisamment écouté la rhétorique des pays développés. Il est grand temps d’agir. Tous les regards sont d’ailleurs déjà tournés vers la Conférence sur le climat de l’ONU à Paris en 2015. Car nous n’avons évidemment pas oublié que, après le flop de Copenhague, les dirigeants mondiaux s’étaient engagés à conclure un nouvel accord contraignant sur le climat pour, au plus tard, la fin de l’année prochaine en France.

Un enjeu de taille

Je suis entretemps arrivé au Pérou, dernière étape intermédiaire avant Paris. 2015 est déjà inscrit dans mon agenda mais ma première conférence internationale sur le climat à Lima n’en est pas moins primordiale. L’enjeu est en effet de taille, non seulement sur le terrain mais également en matière de négociations politiques, qui vont animer les deux prochaines semaines (1-12 décembre).

Pour sortir du petit jeu de « ping-pong » qui caractérise les négociations sur le climat, il a été convenu que tous les pays joueraient cartes sur table lors du processus menant à Paris. L’Union européenne, les Etats-Unis et la Chine l’ont déjà fait. Des engagements qui constitueront la base d’un accord global à Paris, ce dernier entrant en vigueur dès 2020.

Mais pour déboucher sur un accord l’année prochaine en France, il est nécessaire que Lima soit synonyme de clarification et serve à définir la manière avec laquelle les divers engagements se concrétiseront. Comment un équilibre équitable sera trouvé entre les efforts des pays développés et ceux des pays en développement, comment les engagements devront être appréciés et adaptés compte tenu de ce que la science du climat nous dictera et, principalement, comment ces engagements pourront conduire à un accord précis en l’espace de quelques mois.

Profiter de l'élan politique

Soyons honnêtes ! Ce dont nous avons urgemment besoin à Paris est un accord ambitieux, global et juridiquement contraignant afin de maintenir le réchauffement le plus loin possible des 2° Celsius et d’éviter un changement climatique catastrophique. Il existe toutefois une (réelle) chance  qu’un tel accord ne soit pas trouvé à la fin de l’année prochaine. Raison pour laquelle les différentes promesses de l’Union Européenne, des Etats-Unis et de la Chine ne sont pas encore suffisamment ambitieuses. Cela dit, personne ne contestera qu’il s’agit là d’un premier élan politique depuis longtemps, allant dans de la lutte contre le changement climatique.


 
A Lima, de nombreux thèmes et sujets seront abordés et la délégation de Greenpeace fera tout ce qu’elle peut pour peser sur les dossiers les plus importants. Nous plaiderons  – comme les pays les plus vulnérables dans le cadre des négociations sur le climat – pour que le cycle des objectifs fixé dans le nouvel accord (par exemple 2020-2025) soit limité à une période de 5 ans. Sinon nous risquons de nous accrocher pendant une trop longue période à des objectifs insuffisamment ambitieux.

Une révision tous les 5 ans permettrait plus souvent l’émergence d’un élan politique et offrirait également à l’accord l’opportunité d’être adapté en fonction des nouvelles perspectives scientifiques et de la baisse des coûts des technologies propres.

Et la Belgique ?

Et la Belgique dans tout ça me direz-vous ? Un pays aussi petit que le nôtre peut-il jouer un rôle significatif dans ces négociations ? La Belgique sera en tout cas bien présente au Pérou, en tant que membre de la délégation européenne. Malgré le fait que nous ayons encore un sérieux travail à faire chez nous sur le plan climatique, les dirigeants de la délégation belge ont joué un rôle positif par le passé sur la scène internationale.



C’est pourquoi Greenpeace Belgique a à nouveau décidé d’envoyer quelqu’un sur place – moi en l’occurrence - pour assister au sommet. Et aussi parce que la Belgique est l’un des rares pays qui permet aux parties prenantes de la société civile de participer au COP en tant que membre de la délégation, avec un « badge spécial » me permettant de suivre toutes les sessions. Au cours des prochaines semaines, je serai donc en mesure de me procurer des informations importantes sur les progrès effectués par les négociations, ce qui sera très utile pour toute la délégation de Greenpeace présente à Lima.

Personnellement, j'ai déjà dû faire une première concession : alors que dans ma vie privée j’évite l’avion, j’ai cette fois volé près de 10.000 km pour apporter ma petite pierre à l’édifice climatique. C’est d’un point de vue intuitif très contradictoire mais je ferai de mon mieux pour que ce déplacement, source de pollution, en vaille la peine.

Journée de jeûne

A l’occasion de ce premier jour de conférence, je participe par ailleurs à une journée de jeûne pour le climat. Cette initiative est née au moment de la grève de la faim entamée l’année dernière par le négociateur philippin pour le climat, Nadarev Yeb Saño lors du sommet climatique de Varsovie. Il l’a fait pour soutenir ses nombreux compatriotes qui, suite au passage du typhon Haiyan, n’avaient plus assez pour se nourrir, et pour protester contre l’absence de progrès dans les négociations.

Il s’agit d’une action symbolique qui devrait néanmoins donner le ton à la conférence qui s’ouvre aujourd’hui. Car il s’agit bien plus que de questions climatiques compliquées et de dossiers techniques. Il s’agit de faire un choix fondamental : allons-nous laisser le climat dérailler, avec pour conséquence de très nombreuses victimes climatiques ou profitons-nous de Lima pour emprunter définitivement une autre voie, qui nous permettra d’encore endiguer les conséquences du réchauffement ?

Je vous tiens au courant…