Qu'en est-il aujourd'hui des microfissures détectées dans les cuves des réacteurs de Doel 3 et Tihange 2 ? Personne n'est aussi bien placé pour y répondre que l'AFCN, l'organisme de surveillance officiel. Enfin, c'est ce que l'on pourrait croire.

Quelle ne fut pas notre surprise quand nous avons demandé récemment à l'AFCN une copie du rapport des tests complémentaires effectués par le Centre d'Étude de l'Énergie Nucléaire (CEN) dans le cadre de l'analyse des microfissures. Les résultats inquiétants de ces tests ont en effet à nouveau conduit à un arrêt précipité de Doel 3 et Tihange 2 fin mars de cette année. « Nous aimerions vous les donner », nous a répondu l'AFCN. « Mais nous n'avons nous-mêmes pas encore reçu les rapports de ces résultats de tests. »

Pardon ? L'organisme de contrôle – qui décidera d'ailleurs prochainement si ces réacteurs défaillants présentent un niveau de sécurité suffisant pour être redémarrés – n'est toujours pas en possession, trois semaines après l'arrêt des réacteurs, de détails plus fournis sur les tests réalisés ? Ces tests supplémentaires répondaient pourtant à une demande explicite de l'AFCN.

Nous nous sommes donc adressés au Centre d'Étude de l'Énergie Nucléaire (CEN) à Mol, un organisme public devant servir l'intérêt général. Nada. En raison de « la confidentialité relative aux informations commerciales et industrielles » et compte tenu de « l'impératif de sécurisation des substances radioactives », le CEN refuse de donner suite à notre demande. « Afin de pouvoir s'acquitter des activités concernées, le CEN a dû s'engager à respecter une confidentialité absolue à l'égard de son cocontractant, étant donné le caractère nucléaire sensible des informations », explique Eric van Walle, directeur du CEN, dans un courrier à Greenpeace.

Ce n'est pas nouveau. L'énergie nucléaire a toujours utilisé le voile du secret militaire pour se protéger des critiques de l'opinion publique, grâce au lien historique existant avec l'arme atomique. Cela implique que seul un club restreint de spécialistes aux vues similaires peut juger de la sécurité des centrales nucléaires. L'AFCN, en qualité de régulateur et superviseur indépendant, devrait avoir ici le dernier mot.

On recherche : expert critique et indépendant

En collaboration avec le mouvement populaire allemand Aktionsbündnis gegen Atomenergie Aachen, Greenpeace a demandé à l'AFCN d'élargir l'équipe internationale de spécialistes chargée d'évaluer la situation des cuves des réacteurs de Doel 3 et Tihange 2 en lui ajoutant un expert critique et indépendant. Nous avons proposé cinq noms (*). Tous les cinq ont participé au rapport Défauts dans les cuves sous pression des réacteurs des centrales nucléaires Doel 3 et Tihange 2 de 2013, une analyse critique de l'attitude d'Electrabel et de l'AFCN. Leur conclusion était on ne peut plus claire : Doel 3 et Tihange 2 auraient dû être fermés définitivement. Ces cinq experts sont en outre actifs depuis de nombreuses années dans les domaines de la sûreté des réacteurs et de la science des matériaux. Il s'agit de spécialistes indépendants qui osent émettre des critiques constructives.

Après la fermeture forcée de Doel 3 et Tihange 2 pendant près d'un an à partir de l'été 2012, l'AFCN a décidé en mai 2013 de redémarrer les réacteurs. Fin mars 2014, il est apparu que cette décision avait été imprudente. Le parton de l'AFCN, Jan Bens, nous avait toutefois assuré lors du redémarrage que les réacteurs étaient « sûrs à 101 % ». Une telle erreur ne peut pas se reproduire.

Greenpeace exige de l'AFCN qu'elle invite des experts critiques et indépendants au sein de l'équipe de spécialistes chargée d'évaluer la sécurité des deux réacteurs. L'AFCN doit prouver de toute urgence qu'elle peut jouer le rôle d'un chien de garde du secteur nucléaire, au lieu d'être le caniche d'Electrabel.

Eloi Glorieux est chargé de campagne énergie chez Greenpeace Belgique.



(*) Les cinq experts que nous avons proposés à l'AFCN sont :

  • Le professeur Wolfgang Renneberg, expert en sûreté des réacteurs et ancien collègue du directeur de l'AFCN, Jan Bens
  • Le Dr Ilse Tweer et le Prof. Wolfgang Kromp, experts en matériaux
  • L'ingénieur Dieter Majer, ancien directeur de l'organe allemand de contrôle des installations nucléaires
  • Le Dr Rainer Moormann, expert en sûreté nucléaire au centre de recherche nucléaire allemand de Jülich