Durban, on a sauvé les meubles mais pas le climat... Quel est le sentiment qui domine après l'issue de ce sommet ?

L'impression est que cette conférence qui devait être la conférence des peuples a encore été une fois la conférence des pollueurs. Un exemple ? Lors du dernier round de négociations, l'Union européenne et l'Inde avaient été invitées à examiner leurs différends concernant l'élaboration d'un traité « légalement contraignant ». Les États-Unis ont réussi à s'immiscer dans cette rencontre bilatérale et à affaiblir le texte final. L'influence des lobbies industriels sur les États-Unis a donc joué un rôle déterminant sur le sommet et explique notre frustration.

Quelle a été la plus grosse surprise du sommet ?

La position des grands pays émergents tels que la Chine et l'Inde a été LA bonne surprise de cette conférence. Ces grands pays ont fait montre d'un sens des responsabilités bien plus important que la plupart des pays riches, pourtant à la base de la crise climatique. Concrètement, les grands pays émergents ont accepté des objectifs de réduction de leurs émissions de CO2 en 2020. Ce qui constitue la plus grande avancée du sommet de Durban. Il faut également souligner l'attitude positive de l'UE tout au long des négociations. En réalité, face à la mauvaise volonté des États-Unis, du Canada ou de la Russie, il est relativement facile de passer pour constructif ! Malgré tout, Durban a été marqué par l'émergence d'une collaboration entre l'UE et les grands pays émergents. Une petite lueur d'espoir pour la suite...

A Cancùn, l'option « forêts » avait été mise à l'honneur. A Durban, c'est le recul ?

On a négocié pendant un an après Cancùn autour d'un mécanisme spécifique Forêts/Climat (intitulé REDD) pour aboutir à un accord affaibli, voire contre-productif, car il pourrait nous conduire à une subsidiation de la destruction forestière et ne répond en rien à nos préoccupations quant au respect des droits des populations locales et de la biodiversité. On s'est aussi planté quant au financement de ce programme.

La Belgique a fait bonne figure lors de cette conférence ?

L'équipe de négociation belge s'est même vue remettre un prix de la part de toutes les ONG internationales présentes à Durban pour son attitude constructive dans ces négociations... Le sens du compromis « à la Belge » est clairement un atout dans ces négociations extrêmement compliquées. Cela permet à notre petit pays dont le poids effectif est limité de jouer le rôle du médiateur qui rassemble autour de la table d'autres acteurs plus puissants.

Mais si la Belgique brille à l'extérieur, sa politique climatique intérieure est loin d'être exemplaire. Notamment, nous attendons toujours qu'elle se positionne en faveur d'un objectif de réduction de CO2 pour l'Union européenne plus ambitieux, à savoir -30% d'ici à 2020. D'autre part, les dernières décisions prises par le gouvernement fédéral de supprimer les déductions fiscales pour les investissements économiseurs d'énergie sont catastrophiques. Ce genre de décision va exactement à l'opposé de ce qu'il faudrait faire... Pour résoudre la crise climatique, nous avons un besoin criant d'actions concrètes. Beaux discours et belles promesses ne remettront pas le climat sur pied.

De plus, il n'y a certainement pas lieu de pavoiser ! Nous restons proportionnellement un des plus gros émetteurs de CO2 de la planète ! Chaque Belge émet toujours à lui seul deux fois plus de CO2 qu'un Chinois. Et encore, si on ajoute à cela les émissions liées aux produits que nous consommons et qui ne sont pas produits en Belgique, nous sommes carrément le 6° plus gros émetteur au monde !

On garde le protocole de Kyoto mais a-t-il encore du sens ?

Oui, le maintien des mécanismes mis en place dans le protocole de Kyoto est fondamental. Ce protocole est loin d'être parfait, mais c'est le seul instrument légalement contraignant qui oblige les Etats les plus riches à diminuer leurs émissions tout en prévoyant des sanctions en cas de non-respect de l'engagement. Hélas, c’est véritablement un « protocole de Kyoto croupion » qui a été décidé à Durban. Non seulement, ce protocole bis ne concernera plus la Russie, le Japon ou le Canada (qui s'est carrément retiré de l'accord !) mais les objectifs de réduction d'émissions de CO2 qu'il imposera n'ont pas été décidés. Cette décision a été renvoyée en deuxième session pour la conférence climatique de l'année prochaine.

Cette conférence de Durban n'a-t-elle pas démontré qu'on ne pouvait rien attendre de ces conférences climatiques ?

Nous n'avons pas le choix ! La réponse à un problème global comme le sont les changements climatiques ne peut être apportée que de manière globale. En d'autres termes, nous devons coordonner les efforts de chacun. Les Nations unies représentent le seul forum international où les décisions sont prises en tenant compte des pays les plus pauvres. Il serait tellement plus facile de s'arranger entre pays riches dans un forum moins « démocratique » comme le G20 ou même le G8. Cela reviendrait à nouveau à exclure les pays les plus pauvres pourtant les principales victimes du réchauffement climatique. C'est pour cette raison que nous ne pouvons pas nous permettre de baisser les bras face à ces conférences climatiques internationales...

Un prochain sommet du climat au Qatar, c'est une farce, non ?

La Qatar est tout simplement le pays qui a le plus haut niveau d'émission de CO2 par habitant de la planète. Y tenir une conférence climatique relève de la provocation. Mais au moins peut-on espérer que l'envie d'aboutir à un résultat profitable en termes de communication poussera les États du Golfe - qui freinent des quatre pieds quant il s'agit de négocier - à faire, pour une fois, montre de souplesse.