Petit à petit, les pièces du puzzle se mettent en place pour préparer le segment ministériel qui doit commencer mardi. On l’a dit et redit, ce qu’il va falloir à Cancun, c’est du courage politique. Le politique arrive… on ne sait pas encore si le courage sera là !

Les choses sérieuses commencent

Alors, où est-ce qu’on en est ? Nous sommes dimanche, il reste un jour et puis ce sera aux ministres de rentrer dans la danse et d’obtenir une décision. Ou autre chose… car n’oublions pas que tout est toujours possible. Copenhague et son accord sorti de nulle part au dernier moment sont là pour nous rappeler qu’on a (parfois ?) affaire à un jeu de dupes.

Les délégués des différents pays vont donc utiliser les dernières heures pour obtenir des textes les plus propres possibles, directement « votables », équarris, nettoyés de tout ce qui peut l’être, essayant autant que possible de limiter les options. Les présidents des groupes de travail leur ont facilité la tâche. Hier, ils leur ont remis un texte mis au propre, qui résume ce qui s’est réglé la première semaine. Les délégués vont reprendre leur travail sur cette base avec les autres pays et continuer leur travail d’équarrissage.

Mais vont-ils arriver à avancer suffisamment pour que les politiques puissent enlever la mise mercredi ? Pour ce qui est des points positifs, notons l’ambiance de travail. En discutant avec les délégués, les voix sont quasi unanimes, rien à voir avec l’année passée et l’ambiance lourde de Copenhague. La flexibilité est au rendez-vous. Les blocages sont là, mais on reste ouvert à la discussion.

Mais d’un point de vue négatif, alors que tout le monde devrait passer son temps à essayer de trouver un moyen de baisser ces satanées émissions de gaz à effet de serre, et d’au moins reconnaître que les promesses d’efforts mises sur la table jusqu’ici sont largement insuffisantes, on a plutôt l’impression que certains essaient de trouver le moyen de ne pas faire leur devoir !

N'enterrez pas votre carbone dans les pays du sud !

Un exemple : les pays pourraient accepter d’inclure les projets Carbon capture & storage (CCS) dans le clean development mechanism (CDM). Ou, CCS dans le CDM, comme on dit d’un air détaché par ici ! Je vous explique. En gros, l’idée est simple : une centrale au charbon dans le Sud enterrerait le CO2 qu’elle émet et le coût de cet enterrement serait pris en charge par les pays industrialisés qui, au passage, obtiendraient le droit d’émettre à proportion de ce qui a été enterré…

Sur le papier, ça a l’air pas mal. En pratique, c’est une catastrophe. La technologie n’est pas prête ; elle est dangereuse ; le CO2 enterré ne le restera sans doute pas longtemps ; ça coûte une fortune qui serait mieux utilisée dans des technologies qui ont fait leurs preuves ; et surtout, ça va rapporter des sous aux pays qui ont des endroits pour enterrer le carbone, à savoir, les pays pétroliers et gaziers qui ont « fait de la place » dans leur sous-sol ! En gros, pas vraiment ceux qu’on doit aider en priorité !

Alors quoi, cet accord ?

Les ministres doivent commencer leurs discussions ce mardi. En espérant que les textes sur lesquels ils seront penchés seront les plus propres possibles. Sur beaucoup de sujets, on sait que rien n’est envisageable maintenant… Ce sera donc sans doute pour plus tard. Sur d’autres (transferts de technologies vers le Sud, adaptation aux changements climatiques dans le Sud) des options claires sont sur la table, donc ça ne devrait pas poser de problème… Sauf que certains (les Etats-Unis notamment pour en citer un et non des moindres ) ont clairement dit qu’ils voulaient un « paquet » de décision. En d’autres termes, ils ne sont d’accord sur rien tant qu’on n’est pas d’accord sur tout ! Ça ne risque donc pas d’être facile de mettre tout le monde d’accord… Surtout sur tout !

Ce qu’on peut dire à ce stade, c’est que les armes se fourbissent avant cette partie de poker qui va animer la riviera maya dans les prochains jours. Mais surtout, n’oublions pas que l’optimisme est la seule option possible dans cette école du réalisme. Malgré sa confusion, ce genre de Sommet peut aboutir. La réussite (relative) de la conférence sur la biodiversité de Nagoya d’il y a quelques semaines est là pour nous le rappeler. Et puis surtout, on est tous dans le même train et il faut le ralentir à tout prix, car l’accident risque d’être mortel pour ceux qui sont à l’avant du train (les pays du Sud) et sera au minimum très douloureux pour les veinards qui sont dans les wagons de queues.