Voici les épisodes 5 et 6 du voyage de Françoise Wallemacq, journaliste à la RTBF, en Arctique au mois de juillet dernier. N'hésitez pas à suivre ses péripéties.

Vous pourrez voir le reportage de la journaliste ce samedi 1er octobre sur Transversales.

Episode 5

Nous sommes le 8 juillet. Ce matin, le beau temps est revenu, des nuages étonnants strient le ciel bleu. Comme d'habitude, Osman fait le tour des cabines pour réveiller l'équipage à 7h30. Après le petit déjeuner, chacun s'attelle à une « corvée », définie sur un tableau de bord : nettoyage du mess, des toilettes, des communs, du pont, lessive... L'Arctic Sunrise ne dispose pas de lave-vaisselle, chacun lave son assiette et ses couverts après avoir mangé. Les déchets sont bien sûr soigneusement triés. Et comme l'eau douce est rationnée, les douches sont brèves !

Sur le tableau du mess, Mike le capitaine affiche les infos du jour : la météo, les rendez-vous, les tours de garde, les tâches à accomplir… Ce vendredi, Gavin va tester sa caméra sous-marine.

Brusquement, la vigie crie au micro : « baleine en vue ! » Tout le monde se précipite sur le pont, y compris Willy, le cuisinier philippin, qui n'a pas pris le temps de se défaire de son magnifique tablier rose à fleurs !

Willy, le cuisinier philippin

Outre la baleine, un groupe de cinq morses se faufile entre les vagues. Sur le pont, les adultes retombent en enfance devant ce spectacle magnifique.

Dès que le capitaine aura repéré l'endroit propice, le bateau jettera l'ancre, et l'on pourra immerger la caméra sous-marine. Il s'agit d'explorer ce monde sous-marin méconnu, de prendre des photos, mais aussi d'identifier les dégâts causés aux coraux centenaires par le passage des chalutiers de pêche.

Episode 6

Le mess du bateau, ma cabine et le treuil

Avant dernière nuit à bord de l'Arctic Sunrise. Depuis que je suis à bord, je dors étonnement bien, profondément, que la mer soit d'huile ou tempétueuse. Bercée dans ma couchette, je me sens en sécurité, même si les vagues fouettent le hublot de la minuscule cabine que je partage avec Larissa. Je ne tarde pas à sombrer dans un sommeil profond, peuplé de rêves merveilleux.

En fait, dans le ventre du bateau, on revient sans aucun doute à la sensation du fœtus bercé dans le liquide amniotique. Mes compagnons de voyage partagent ma découverte. On dort décidément bien à bord de l'Arctic Sunrise.

Le bateau a vu le jour sur un chantier naval norvégien, en 1975. De cette époque, il garde le charme vintage, les meubles de cuisine en Formica et les fauteuils du mess aux pieds arrondis.

Avant d'être un bateau écolo, l'Arctic Sunrise a eu une vie de chasseur de baleines et de brise-glace. Il a été acheté en 1995 par Greenpeace, sous un prête-nom hollandais.

Depuis, le bateau repeint en vert et décoré de la bannière arc-en-ciel a participé à de nombreuses batailles : il a traqué les chasseurs de baleines japonais dans l'océan pacifique. En 2010, il a témoigné de la pollution par une nappe de pétrole de BP dans le golfe du Mexique.

Mais en 2013, c'est le drame. Les membres de l'équipage sont arrêtés par les russes, après avoir tenté d'aborder une plate-forme pétrolière russe en Arctique. Les 30 militants de Greenpeace vont rester trois mois en prison à Mourmansk avant d'être amnistiés. Et le bateau a été confisqué pendant un an par les Russes, avant d'être rendu à Greenpeace.

L'aventure a laissé des traces dans la conscience collective du mouvement, j'y reviendrai.

Nous remontons vers le nord de l'archipel du Svalbard. Le voyage se termine pour moi. Demain matin nous arriverons à Longyearbyen, et je quitterai le bateau. Mais l'Arctic Sunrise poursuivra son voyage pendant deux semaines, encore plus au nord. L'objectif sera cette fois d'ausculter les fonds marins, avec une caméra articulée accrochée au bout d'un câble. Cette après-midi, Gavin teste ce prototype qu'il a créé, et qu'il a déjà utilisé dans des mers chaudes.

Le bateau est ancré au pied des montagnes du Spitzberg, zébrées de neige. La mer est vert émeraude et le ciel limpide.

Dans la cale, Gavin est posté devant ses écrans de contrôle. Toute l'équipe est rassemblée autour de lui. La caméra articulée atteint le fond de la mer. Des bancs de minuscules poissons traversent l'écran, on se croirait au cœur d'une voie lactée marine. Et soudain, l'image révèle un fantastique paysage : un amas de coraux et de mousses roses et vertes... On dirait un château de contes de fée ! L'équipe est éblouie et scrute en silence les écrans de contrôle.

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Episode 1 et 2

Avant le départ