Il y a cinq ans, le Rainbow Warrior naviguait le long de la côte de Fukushima pour effectuer des mesures de radiations. Aujourd’hui, il est de retour avec à son bord le Premier ministre japonais de l’époque pour commémorer le cinquième anniversaire de la catastrophe nucléaire de Fukushima Daiichi. Jan Vande Putte, expert nucléaire pour Greenpeace Belgique, est également à bord du bateau.

Rainbow Warrior dans les eaux proches de Fukushima

Je me souviens des informations du 11 mars 2011. Bien qu’étant chez moi, en Belgique, je ne m’étais jamais senti si proche des Japonais. Ayant passé des décennies à faire campagne avec Greenpeace contre l’énergie nucléaire en Belgique et à l’étranger, je savais, tout au fond de moi, que ce n’était qu’une question de temps avant qu’une catastrophe se produise. J’espérais néanmoins me tromper, et qu’après Tchernobyl, le monde ne serait plus jamais le témoin d’un autre accident nucléaire. Cet espoir a volé en éclats quand le tsunami a frappé la centrale de Fukushima Daiichi et que trois réacteurs sont entrés en fusion, l’un d’entre eux ayant même explosé.

A l’époque, Greenpeace Japon a envoyé une équipe vers la zone d’évacuation de Fukushima, pour y mener des tests de radiations indépendants. À bord du Rainbow Warrior, des chercheurs vêtus de combinaisons de protection chimique intégrales ont récolté des échantillons d’algues flottantes dans les zones avoisinantes. Malheureusement, nos résultats furent conformes aux attentes : les taux de contamination étaient élevés. Plus récemment, nous avons également découvert que les radiations sont encore tellement présentes que les populations ne peuvent toujours pas rentrer en toute sécurité dans des quartiers entiers de Fukushima.

La majorité des Japonais est opposée au redémarrage des centrales

Près de cinq ans plus tard, je suis au Japon à bord du Rainbow Warrior, et cette fois, en compagnie de M. Naoto Kan, l’ancien Premier ministre notoirement antinucléaire. C’est un honneur et un véritable privilège de l’entendre décrire les heures et les jours qui ont suivi l’accident en mars 2011, ainsi que de lui montrer le résultat de nos recherches. En naviguant au large de la centrale, nous pouvons observer les réservoirs en acier qui contiennent des centaines de milliers de tonnes d’eau contaminée, ainsi que les quatre réacteurs désormais protégés par des structures temporaires afin de tenter d’empêcher la dispersion de substances radioactives dans l’atmosphère. Les réacteurs mêmes renferment des centaines de tonnes de combustible nucléaire fondu pour lesquelles il n’existe aucune solution crédible.

L'ancien Premier ministre japonais à bord du Rainbow Warrior

Il y a également une autre raison à la présence au Japon du Rainbow Warrior. Je passe le plus clair de mon temps à bord d’un bateau scientifique, à étudier les radiations sous-marines dans un rayon de 20 km autour de la centrale de Fukushima, accompagné par le Rainbow Warrior qui fait office de vaisseau de campagne. Grâce à cette étude, nous voulons mieux comprendre les effets et les menaces futures de l’énergie nucléaire, et en particulier, ceux de l’accident de Fukushima.

Bateau scientifique servant à étudier les radiations sous-marines

Pour Naoto Kan, qui dirigeait le Japon au moment de la catastrophe, le voyage est aussi personnel que politique. Depuis 2011, il n’a cessé de s’exprimer publiquement contre l’industrie nucléaire, aux côtés de millions de Japonais, loin de l’administration Abe actuelle qui fait la sourde oreille, essayant désespérément de sauver une industrie nucléaire en crise. Je pense que cet effort est voué à l’échec, dans la mesure où une majorité de citoyens s’y oppose et où il rencontre des obstacles techniques, financiers et juridiques de très grande ampleur.

Il y a de l’espoir

Comme de nombreuses communautés du pays qui s’orientent vers des projets innovants d’énergie renouvelable, M. Kan sait que le nucléaire devrait être relégué aux oubliettes. Les énergies renouvelables se développent au Japon. En 2015, une capacité d’énergie solaire estimée à 13 TWh a été installée, soit davantage que peuvent en produire les deux réacteurs Sendai qui ont été remis en service dans le sud du Japon.

Si le Japon veut se diriger vers 100 % d’énergie renouvelable, il doit d’urgence se doter d’objectifs plus ambitieux. Il doit mettre fin à tous les investissements prévus dans de nouvelles centrales au charbon et abandonner les plans de redémarrage des réacteurs vieillissants, ainsi que lever les obstacles institutionnels et financiers qui empêchent la croissance de l’énergie renouvelable.

Un avenir sans nucléaire est non seulement possible, mais il est essentiel. L’énergie renouvelable est la seule source d’énergie sûre et saine pour le peuple japonais et pour le reste du monde.