Notre responsable de campagne climat Joeri Thijs est en ce moment à Lima (Pérou). Il fait partie de la délégation belge qui suit les négociations internationales du sommet climatique. Découvrez son cinquième blog ci-dessous :

Qu’ils mouillent leur costume !

Mercredi, je discutais avec un collègue qui suit les négociations climatiques internationales depuis le tout premier COP, qui s’était déroulé il y a près de 20 ans à Berlin. « Les dirigeants actuels devraient éprouver nettement moins de difficultés à conclure un accord », disait-il. Il est vrai qu’en 1995, les énergies renouvelables étaient bien plus chères que les énergies fossiles. Aujourd’hui, l’éolien et le solaire sont compétitifs et seront même, dans un avenir proche, les sources énergétiques les plus abordables.

Qu’attend-on pour concrétiser cette indispensable transition ? Tant que nous continuerons à subventionner massivement les combustibles – qui sont à la base de nos problèmes climatiques -, nous ne ferons qu’ « éponger » le robinet. La Belgique a de quoi revoir sa copie sur ce point. Car chez nous, près de la moitié des aides financières à l’énergie vont au pétrole et au gaz. Le soutien dingue aux voitures de société en est un exemple frappant. A côté de ça, moins d’un quart des subventions du genre vont aux renouvelables et 6% - seulement – à l’efficacité énergétique !

Désinvestir et adapter

Un accord climatique fort pourrait inverser cette vilaine tendance dans pas mal de pays. C’est pourquoi mes collègues de Greenpeace et moi, ainsi que d’autres ONG, faisons le maximum pour obtenir des textes impliquant une vision à long terme. Car un accord climatique global, marquant une volonté d’éliminer progressivement les énergies fossiles d’ici 2050, enverrait un signal fort aux entreprises et investisseurs. Le Danemark et la Norvège ont, eux, déjà franchi le pas en adaptant toutes leurs propositions de texte dans ce sens.

A Lima, l’ombre du lobby des énergies fossiles pèse sur la conférence, tandis que les militants climatiques exhortent les dirigeants à un désinvestissement massif en la matière. Partout dans le monde, de telles campagnes de désinvestissement, ciblées sur les universités, les fonds de pension ou encore les gouvernements ont déjà vu le jour. Autant d’initiatives qui ne peuvent qu’accélérer la transition énergétique.

Comme au poker

Malheureusement, « accélérer » n’est pas un mot que j’utiliserais volontiers au moment d’évoquer la conférence climatique de Lima. Les belles paroles sont bien là mais pour le reste…  « Quand la Banque Mondiale et Greenpeace sont sur la même longueur d’ondes, c’est qu’il y a quelque chose à prendre en compte » était, par exemple, l’une d’elles. Les célébrités aussi n’hésitent pas à prononcer ce type de discours que beaucoup attribueraient à Greenpeace, tel que « Nous devons protéger notre Mère Terre pour les générations futures ». Mais en attendant, les véritables négociations, elles, sont pratiquement paralysées.

Dans les coulisses, ça discute tout de même – encore heureux – pour savoir comment débloquer la situation. Mais bon, je trouve vraiment ça fou de constater que peu de pays ont joué cartes sur table, avec l’envie de faire un pas vers l’autre pour tirer à la même corde. Chacun préfère visiblement masquer son jeu, comme s’il jouait les enjeux climatiques au poker.

Une tournure inattendue

Avec ma casquette de lobbyiste, j’observe toutes les manœuvres liées aux négociations avec beaucoup d’intérêt, à l’image d’un analyste politique rue de la Loi. Mais en tant que militant, j’avoue que je préférais voir tous ces « clowns » mouiller leur costume dans une salle de réunion jusqu’à ce qu’ils aient finalisé un accord crédible.

Et donc, pas de fumée blanche ce soir à Lima ? Peu de chance… Mais j’espère vraiment que, d’ici lundi, je pourrais vous écrire un billet plus heureux, évoquant un accord positif inattendu. C’est clair, nous ne croiserons pas les bras d’ici là. Nous continuons à bosser sur pour forcer cette « inattendue tournure » des événements.

A bientôt !

Précédemment publiés :
"USA et Chine encore un peu plus sur la bonne voie ?"
"La Belgique pointée du doigt à Lima"
"Demain" n'est pas un jour de la semaine
Inculquer une conscience climatique aux négociateurs