Greenpeace a appris que les négociateurs avaient conclu un pré-accord pour prolonger de trois ans, et peut-être même davantage, la durée de vie de Doel 1 et Doel 2. Ont-ils été victimes d’un black-out ? Cette décision est totalement irresponsable. Greenpeace exige des mesures structurelles en matière d’énergie.

Que la nouvelle du sabotage de Doel 4 a fait l’effet d’une bombe du côté de la rue de la Loi, nous pouvons encore le concevoir. On ne peut par contre pas qualifier de surprise le fait que les réacteurs fissurés de Doel 3 et Tihange 2 ne redémarreront probablement plus. Les négociateurs n’ont-ils rien appris du passé ? 

Mai 2013. Le directeur en charge du contrôle nucléaire en Belgique vient de trancher : les réacteurs fissurés de Doel 3 et Tihange 2 peuvent redémarrer. La situation ne semble pas si grave que ça. Sans vraiment connaître le fin fond de l’histoire, l’organe de contrôle part du principe que ces fissures étaient déjà présentes dès le début, au moment de la fabrication des cuves à Rotterdam. Lors de leur placement à Doel et à Tihange, on n’y a pas prêté attention mais peu importe finalement, il y a peu de risque que les fissures ne s’étendent. Bref, les réacteurs concernés peuvent continuer à fonctionner, sans problèmes. Et pour montrer à quel point l’organe de contrôle est sévère, il a gentiment demandé à Electrabel d’accomplir quelques tests supplémentaires, histoire de rassurer la population.
A la rue de la Loi, c’est le soulagement. Lors de l’hiver 2012, les quantités d’électricité étaient à peine suffisantes pour approvisionner le pays. Avec la remise en service des deux réacteurs, le problème est réglé, on repart dans le « business as usual »...

Pire qu’à Fukushima

Mais les choses ne tournent pas comme prévu. Des tests révèlent l’existence d’un problème sérieux. Si un réacteur devait être arrêté du jour au lendemain, et s’il fallait y injecter d’importantes quantités d’eau froide, la cuve pourrait ne pas résister… Une telle situation pourrait entraîner un accident encore plus grave que celui qu’ont vécu les Japonais avec Fukushima. Conséquence : les réacteurs sont à nouveau à l’arrêt. Le secteur même considère comme très faible la probabilité que ces réacteurs soient un jour remis en service… même s’il refuse de l’admettre publiquement.

A la rue de la Loi, la tension monte. Et lorsque, au mois d’août de cette année, le réacteur 4 de Doel est mis à l’arrêt suite à un acte de sabotage, la tension se transforme en panique. Ce dernier événement, on ne l’avait vraiment pas vu venir. Les politiciens évoquent une situation non prévisible. Que cet acte de sabotage n’était pas prévisible, nous pouvons encore l’admettre, mais pour ce qui est des réacteurs fissurés, les spécialistes avaient déjà d’énormes doutes et ce, dès le début. Seuls ceux continuant à se voiler la face pouvaient encore être réellement surpris.

Septembre 2014. Les négociateurs du MR, de la NVA, du CD&V et de l’Open VLD discutent depuis des semaines à propos d’un accord gouvernemental fédéral. L’approvisionnement en électricité est évidemment un thème récurrent et, aussi invraisemblable que cela puisse paraître, deux partis plaident pour plus d’énergie nucléaire : le MR et la NVA. Du côté de la NVA, on va jusqu’à plaider en faveur d’une nouvelle centrale nucléaire, peu importe le prix.

Mais les chiffres ou faits implacables semblent n’avoir aucune importance pendant ces négociations politiques. Et les partis pro-nucléaires semblent aujourd’hui obtenir, du moins en partie, gain de cause : pour garantir l’approvisionnement ces prochains hivers, le nouveau gouvernement pourrait décider de prolonger de trois ans au moins la durée de vie des vieux réacteurs de Doel 1 et Doel 2.

Pas de combustible

Et pourtant : il n’y a pas de nouveau combustible pour alimenter Doel 1 et Doel 2 et il faut au moins 18 mois pour en fabriquer. Il est donc très incertain que ces réacteurs jouent un quelconque rôle ces prochaines années, qui seront marquées par un approvisionnement en électricité précaire. L’organe de contrôle nucléaire – qui est devenu un peu plus prudent qu’en 2013 – a déjà clairement fait savoir qu’un délai encore indéterminé serait nécessaire pour obtenir les autorisations pour prolonger la durée de vie des réacteurs. Peut-être serait-ce une bonne chose que ce même organe de contrôle vérifie si les problèmes rencontrés au niveau des  réacteurs fissurés peuvent aussi se produire au niveau de Doel 1 et 2, qui ont dix ans de plus…

Entre-temps, les négociateurs fédéraux semblent soulagés : l’énergie nucléaire sera là pour résoudre les problèmes d’approvisionnement.

N’est-il pas temps que Greenpeace les secoue un bon coup ?

Jan Vande Putte, spécialiste Energie chez Greenpeace