Notre responsable de campagne climat Joeri Thijs est en ce moment à Lima (Pérou). Il fait partie de la délégation belge qui a suivi les négociations internationales du sommet climatique. Découvrez son dernier blog ci-dessous :

Le parcours menant à Paris sera parsemé d'embûches

Les 195 pays réunis au Sommet de Lima ont décidé ce week-end… de remettre les vraies décisions à plus tard. Peu surprenant, le résultat est un faible compromis qui, d’aucune façon, ne reflète l’urgence de la problématique climatique. La voie vers un accord ambitieux et contraignant l’année prochaine à Paris sera semée d’embuches.

Pour commencer, il n’y a aucune clarté quant à la façon dont les engagements nationaux que les pays doivent mettre sur la table en vue de Paris seront comparés et analysés. Car un pays peut, dans ses plans nationaux, reprendre ce qu’il veut et donc aussi, y laisser de côté ce qu’il veut. L’accord de Lima aurait dû créer un cadre plus clair.

Ce n’est pas tout : il n’y a pas non plus de plan concret pour fournir des efforts climatiques supplémentaires d’ici 2020 (année où l’accord de Paris doit être mis en œuvre). Les pays industrialisés ont refusé, à Lima, de donner des garanties aux pays plus fragiles, en développement, quant à un soutien financier structurel. Cela aurait pu pourtant donner une véritable dynamique aux négociations.

Le Brésil et l'Afrique du Sud plus constructifs

Heureusement, les nouvelles ne sont pas toutes mauvaises. La séparation classique entre le Nord et le Sud a connu pour la première fois des fissures, et cela donne de l’espoir pour Paris. Des pays comme le Brésil, l’Afrique du Sud et les Philippines (qui, par le passé, ont adopté une attitude fort extrême et peu constructive) tendent de plus en plus à placer des ponts entre le Nord et le Sud. Et les contributions de la Colombie et du Pérou au Fonds vert ont permis de percer le cliché selon lequel ce sont les pays industrialisés qui donnent et les pays en développement qui reçoivent.  

Cette ébauche d’accord en vue de Paris contient pour la première fois une perspective à long terme. L’une des options reprises dans le texte comporte notamment l’ambition d’abandonner les combustibles fossiles d’ici la moitié de ce siècle. Une ambition qui correspond à ce que dicte le panel climatique des Nations unies mais voir cette option sur la table des politiques est, par contre, tout à fait nouveau.



Du boulot à domicile

Nous pourrions peut-être avoir l’impression que les négociations climatiques internationales sont verrouillées. Mais nous ne devrions surtout pas sous-estimer le jeu politique dans ce cas à figure. Je m’explique : la conférence de Lima a très clairement démontré que plusieurs pays n’étaient pas (encore) prêts à jouer cartes sur table. Car, comme stipulé il y a trois ans à Durban, c’est en 2015 à Paris qu’un accord ambitieux et contraignant devra être trouvé.

Il est donc essentiel désormais que chaque pays fasse consciencieusement ses devoirs à la maison. Et je ne parle pas d’une simple tâche obligatoire à effectuer, mais bien d’une préparation sérieuse en vue d’un examen difficile. Le processus "ONUsien" ne sauvera pas le climat si les pays n’adaptent pas leurs plans climatiques à la réalité, en accélérant leur mise en pratique et en les rendant plus ambitieux. La Belgique n’échappe d’ailleurs pas à ce constat. Chez nous aussi, le climat doit devenir un fil rouge de notre politique en termes de mobilité, de fiscalité, d’énergie ou encore d’aménagement du territoire. Autant de choix qui définiront notre faculté à nous placer du côté des défenseurs du climat, de ceux qui mettent tout en place pour lutter contre le changement climatique.

L’Ecosse comme source d’inspiration ?

Nos ministres peuvent peut-être ouvrir les yeux, observer ce qui se fait dans d’autres pays européens. Prenons l’Ecosse par exemple. Celle-ci est parvenue à réduire ses émissions de 12 millions de tonnes l’année passée. Une prouesse qu’elle doit entièrement au secteur des énergies renouvelables, qui n’est pas uniquement indispensable pour contrer le changement climatique mais aussi pour créer des emplois durables de qualité et éviter tout black-out énergétique. Pour la première fois, la production d’énergie venant du vent, de l’eau ou d’autres sources propres a dépassé la production d’énergie nucléaire en Ecosse. Preuve qu’une transition énergétique est bel et bien possible.

Si la Belgique veut conserver une certaine crédibilité sur la scène internationale, elle doit urgemment mettre sur pied une politique climatique coordonnée entre ses différentes Régions. Notre pays ne peut se permettre de grosses bévues telles que l’absence de contribution au Fonds vert pour le climat – ce qui a finalement été corrigé en toute dernière minute – ou encore les querelles continues sur la répartition des efforts par Région pour réduire nos émissions de gaz à effet de serre.

Mesdames et messieurs les Ministres, à vous de jouer ! Vous savez ce qu’il vous reste à faire d’ici la prochaine conférence sur le climat, en décembre 2015 à Paris…

Précédemment publiés :
"USA et Chine encore un peu plus sur la bonne voie ?"
"La Belgique pointée du doigt à Lima"
"Demain" n'est pas un jour de la semaine
Inculquer une conscience climatique aux négociateurs
Qu'ils mouillent leur costume !