En admirant de mes propres yeux la beauté sublime et spectaculaire de l’Arctique, je me suis rendu compte que nous vivions sur une planète profondément interconnectée. Ce qui se passe dans le monde entier affecte sérieusement cette région de façon complexe et fondamentale. Et ce qui se passe ici en Arctique affecte, à son tour, le monde entier.
 
Mon séjour en Arctique, accentué par nos incursions aux confins de la banquise et sur les magnifiques glaciers autour de Svalbard, était une expérience significative. J’ai vu de près la splendeur et le rayonnement de la nature au sommet du monde. Etre debout sur les glaces flottantes de l’Océan Arctique et marcher à côté de glaciers en fonte s’est révélé époustouflant. Une telle expérience nous ramène à notre « infinitésimalité », ainsi qu’à notre humble mortalité. Il est fascinant de se rendre compte comme nous sommes petits, plus spécialement lorsque nous sommes exposés aux éléments hostiles de cette région glaciale. Mais ce qui est déconcertant dans cette rencontre, c’est qu’elle souligne la fragilité de la planète sur laquelle nous vivons et que l’Arctique, malgré sa magnificence, est elle aussi une région très fragile.
 
Ce que nous pouvons voir à l’heure actuelle en Arctique risque de disparaître à jamais. Déjà au cours des sept dernière années, la couverture de glace a été la plus basse jamais enregistrée et cette année 2014 est sur le point de s’inscrire, à son tour, sur cette funeste liste. Les répercussions sont sérieuses. Le déclin continu de la banquise arctique peut engendrer des conséquences fatales pour notre planète. Il est clair que l’empreinte humaine a profondément altéré la Terre d’une façon que nous n’avions pas imaginée. La tendance est tellement évidente : les glaces de l’Arctique disparaissent sous nos yeux  et notre génération risque d’être la seule à encore voir l’Arctique gelé, comme ce devrait être le cas.

Debout sur le sommet du monde, je suis pris d’un profond sentiment d’appréhension. La fonte des glaces de l’Arctique aura des conséquences catastrophiques dans le monde entier. Originaire d’un pays ravagé par des typhons de plus en plus puissants, j’assimile mon témoignage en Arctique à une occasion de « relier les points »  - les points très clairs et épais - du changement climatique.
 
Ce qui est encore plus vexant quand on évoque la situation critique de la planète, c’est que la véritable cause du changement climatique et de la fonte de l’Arctique – les énergies fossiles – entraîne une course folle pour explorer davantage l’Océan Arctique. De plus en plus exposée, la région laisserait ainsi la place à une exploitation facilitée de ses ressources et à plus de transport de charbon, de quoi boucher la route vers le Grand Nord. Il s’agit d’une folie aux proportions fatales.

Nous pouvons arrêter cette folie. Sauver l’Arctique demandera un effort immense,  le défi sera difficile à relever. Mais nous pouvons y arriver. Aux dirigeants de ce monde ne pas l’oublier, et d’agir. Une prise de conscience planétaire et massive est indispensable pour nous sortir de ce profond sommeil. Détournons-nous des énergies fossiles et exigeons une transition rapide vers un avenir énergétique propre et durable, visant à atteindre cet objectif de 100 % d’énergies renouvelables en 2050.
 
Sauver l’Arctique, c’est sauver notre planète. Sauver l’Arctique, c’est prévenir des impacts catastrophiques que le monde pourrait subir. Confronté à des tempêtes dévastatrices, mon pays vaut la peine que l’on se batte pour lui. Le constat est identique pour l’Arctique : cette sublime région, si importante pour l’équilibre climatique de notre planète, mérite qu’on l’a préserve de cette avidité sans limite.

Yeb Saño, Commissaire au Changement Climatique des Philippines,
à bord de l’Esperanza en Arctique

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