Aujourd’hui marque le 29e anniversaire du pire désastre nucléaire de l’histoire – la catastrophe de Tchernobyl du 26 avril 1986. Et malheureusement, vouloir empêcher de nouveaux dégagements massifs de radioactivité dans l’environnement semble relever de la course contre la montre. Comme l’indique un nouveau rapport de Greenpeace détaillant les efforts réalisés sur place, aucune solution concrète n’est en vue.

Près de trois décennies après le début de la catastrophe de Tchernobyl, son héritage atomique nous rappelle d’une façon sinistre que l’énergie nucléaire ne pourra jamais être une source d’énergie sûre.

Ce jour-là

En 1986, deux explosions détruisent le réacteur n° 4 de Tchernobyl, en Ukraine. Les émissions radioactives contamineront lourdement ce qui deviendra une zone d’exclusion de 2.600 km², comprenant 76 villes et villages. En raison de la puissance de l’explosion, de l’incendie et de la fusion du cœur du réacteur, la radioactivité est projetée à des altitudes tellement élevées que le nuage est transporté sur des milliers de kilomètres, balayant l’Europe et contaminant de vastes étendues de terre. En termes de césium radioactif (Cs137), un total d’au moins 1,3 million de km2 de terre seront contaminés à des degrés divers, soit une surface d’approximativement deux fois la France. Et cette contamination durera pendant de nombreuses générations, étant donné la demi-vie de 30 ans du Cs137.

Contamination de la population

Des centaines de milliers de citoyens et d’agents de décontamination ont été exposés à des niveaux de radiations considérables – au moins 300.000 de ces agents ont reçu des doses de radiations s’élevant à 500 fois le seuil admissible pour la population sur une année.

Vingt-neuf ans plus tard, la population continue de souffrir des conséquences de l’accident, et des estimations scientifiquement étayées évaluent à plusieurs dizaines de milliers le nombre de cancers et décès.

L’intégrité des structures sur le site constitue un motif de préoccupation majeur. L’explosion de 1986 a causé de sérieux dégâts. Et en raison des niveaux de radiations élevés, les travaux au bâtiment endommagé par l’accident ont dû être interrompus. L’usure et la corrosion n’ont fait qu’accroître la détérioration de ces structures. De plus, certaines d’entre elles qui ont été touchées lors de l’accident, par exemple en se fissurant, ne sont découvertes qu’aujourd’hui en raison de l’inaccessibilité du site.

Un effondrement du sarcophage, qui entraînerait un dégagement de substances radioactives dans l’environnement du site, ne peut être exclu. Ce scénario pourrait poser de graves problèmes.

Les ruines de la centrale abritent plus de 1,5 million de tonnes de poussières radioactives. Si le sarcophage s’effondre, une quantité gigantesque de matières radioactives sera libérée, provoquant une exposition aux radiations jusqu’à 50 kilomètres de distance. Il y a aussi près de 2.000 tonnes de matériaux inflammables à l’intérieur du sarcophage. En cas d’incendie, même sans effondrement, la chaleur produite pourrait causer un dégagement important de particules de poussières radioactives.

Structure de protection

Afin d’aider à limiter ce risque, le « Shelter Implementation Plan » (plan de réalisation d’un massif de protection) ou SIP a été établi en 1997. La pierre angulaire de ce projet à moyen terme est le « New Safe Confinement » (nouvelle arche de confinement) ou NSC – une structure d’acier massive, autoportante, en forme d’arche : 257 mètres de large, 165 mètres de long et 110 mètres de haut. Elle ne peut être assemblée directement au-dessus du réacteur détruit en raison des niveaux élevés de radiations. Elle est toutefois en cours de construction en deux parties à côté du réacteur endommagé. Ces éléments seront assemblés puis glissés au-dessus du réacteur grâce à un système de levage hydraulique. Ce processus prendra trois jours. Une fois terminée, il s’agira de la plus grande structure mobile au monde.

Le coût total du Shelter Implementation Plan est actuellement estimé à 2,15 milliards d’euros. À cause des retards et des augmentations significatives des coûts, il y a aujourd’hui un déficit de plusieurs centaines de millions d’euros. Très prochainement, une conférence internationale organisée par le gouvernement allemand se penchera sur les menaces que représente actuellement Tchernobyl. Les nations qui ont financé ce projet discuteront de la manière de combler ces énormes déficits.

L’arche de confinement en elle-même est conçue avec les objectifs excessivement limités d’empêcher toute nouvelle infiltration et contamination d’eau dans le réacteur détruit – comme cela s’est produit avec la dégradation du sarcophage actuel – et de contenir les matières radioactives en cas d’effondrement total du sarcophage du réacteur existant. Il a l’ambition de ne durer que pendant 100 ans.

Comme le conclut l’auteur du nouveau rapport de Greenpeace : « Un inconvénient majeur du SIP est cependant que la récupération des matériaux contenant du combustible ne fait pas partie du projet, alors que la plus grande menace pour l’environnement et la population vient justement de ces substances porteuses de combustible et hautement radioactives. Bien que le massif de protection soit conçu pour permettre une récupération de ces matériaux contenant du combustible à un stade ultérieur, les moyens financiers destinés à la réalisation concrète d’une telle opération ne sont pas prévus dans le cadre du SIP. Dès lors, la menace à long terme que représente le réacteur détruit ne pourra pas être écartée par les efforts actuellement fournis. En résumé, force est de constater que, 29 ans après la pire catastrophe nucléaire que le monde ait connue, le réacteur endommagé reste une source de danger. Aucune véritable solution à cette situation n’est en vue. »

La « sûreté nucléaire » n’existe pas

À l’instar de la catastrophe nucléaire plus récente de Fukushima Daiichi, il n’existe aucune solution prévisible pour Tchernobyl. Malgré le déclin continu du secteur de l’énergie nucléaire dans le monde entier, des centaines de réacteurs vieillissants continuent de fonctionner, tandis que de nouveaux réacteurs sont construits, augmentant considérablement les risques nucléaires. Quel que soit le moment du prochain accident au XXIe siècle, il est pratiquement certain que les opérations destinées à contenir et gérer les sites de Tchernobyl et de Fukushima Daiichi seront toujours en cours.

Ce que Tchernobyl, Fukushima et des centaines d’autres plus petits accidents nucléaires démontrent clairement, c’est le risque inhérent de la technologie nucléaire : il y aura toujours une combinaison imprévisible d’erreur humaine, de défaillance technologique et de catastrophe naturelle susceptible de déboucher sur un accident de grande ampleur dans un réacteur et sur une libération massive de radiations. Les leçons à tirer sont claires : la « sûreté nucléaire » en tant que telle n’existe pas. La seule manière de s’assurer qu’il n’y aura plus de Tchernobyl ni de Fukushima, c’est d’abandonner le nucléaire.