Notre plus grande crainte vient d'être vérifiée. J'étais au Congo quand on a appris que les autorités congolaises avaient délivré un certain nombre d'autorisations pour l'exploration des réserves pétrolières dans le parc national des Virunga. Pour tous ceux qui se préoccupent de l'environnement au Congo, c'est pire qu'une baffe en pleine poire...

Le parc national des Virunga, ce n'est rien moins que la réserve naturelle la plus ancienne de toute l'Afrique. Situé à l'est de la République démocratique du Congo (DRC), à la frontière avec l'Ouganda et le Rwanda. C'est là que vivent éléphants, hippopotames et plus de 700 espèces d'oiseaux. Les touristes prennent de plus en plus le chemin des Virunga pour y admirer les derniers spécimens sauvages de gorilles des montagnes. Les Virunga jouent aussi un rôle crucial pour l'approvisionnement en eau potable de tout le secteur. De plus, 50.000 personnes vivent du produit de la pêche, non loin du lac Albert. L'intérêt écologique de la région n'a pas échappé aux Nations unies. Les Virunga ont été classés patrimoine mondial de l'humanité en 1979.

Compagnies pétrolières

L'est du Congo est encore et toujours en zone de turbulence. On y déplore depuis près de 20 ans des combats sanglants. Cette agitation permanente se traduit entre autres par la présence de bandes armées qui errent dans le parc où elles massacrent éléphants et hippos. De nombreux gardiens ont perdu la vie dans cette lutte sans merci avec les braconniers. Le véritable moteur du conflit à l'est du Congo, c'est la lutte pour le contrôle des ressources naturelles comme le coltan et le diamant. La région contient par ailleurs du pétrole et il est possible qu'à terme, des conflits naissent concernant ces réserves. Conflits qui pourraient rapidement se solder par un regain de violence. 

Officiellement, toute l'exploitation pétrolière est interdite dans les Virunga. Tant en raison de la législation nationale qu'en fonction de traités internationaux signés par la RDC. Cela n'a pas empêché l'octroi ces dernières années de concessions pétrolières pour une superficie équivalente à 85% du parc ! Pour l'instant, plusieurs compagnies pétrolières européennes, dont SOCO International et Total, convoitent le pétrole qui sommeille sous les Virunga.

Accords internationaux

Cette ruée vers l'or noir a déclenché ces dernières années une tempête de protestations, tant en RDC que sur le plan international. Et ce, pour des raisons évidentes : si les autorités congolaises tolèrent l'exploitation pétrolière dans une réserve naturelle, qui jouit pour l'instant d'une protection juridique de tout premier plan, c'est la porte ouverte à l'exploitation commerciale de tout ce que le Congo compte encore comme espace naturel... Ce serait aussi le signal que ce pays d'Afrique centrale ne fait finalement pas grand cas des accords internationaux en matière de protection de l'environnement.

En janvier 2011, le gouvernement congolais avait officiellement répété son intention de respecter l'interdiction d'exploitation pétrolière dans le sous-sol des Virunga. En mars 2011, le ministre congolais de l'Environnement avait annoncé la suspension de toutes les activités liées au pétrole tant que l'étude d'incidence environnementale n'était pas terminée. C'est d'autant plus choquant de découvrir que le gouvernement congolais avait déjà donné le feu vert pour l'exploration du pétrole des Virunga à la SOCO en septembre 2011 !

Vagues de protestation

Les compagnies pétrolières en lice nient le fait que l'exploitation pétrolière soit illégale dans cette zone et n'attendent même pas les résultats de l'étude d'incidence... Au moins une société est déjà sur les starting blocks pour l'exploration. Cette attitude de la part de compagnies pétrolières européennes est pour le moins inquiétante. L'Union européenne investit depuis des dizaines d'années dans la protection du parc. Et c'est aussi l'UE qui finance l'étude d'incidence environnementale consacrée à l'impact de l'exploitation pétrolière. Des Etats membres comme le Royaume-Uni (où se trouve le siège de la SOCO) et la France (où se trouve celui de Total) ont ratifié les conventions de l'Unesco pour la protection de cette zone classée patrimoine mondial de l'humanité. Ces conventions y interdisent clairement des activités extractives ou liées à l'exploitation pétrolière. Mais, la ruée vers le pétrole peut se révéler très, très lucrative et donc, les intérêts économiques priment au détriment de l'environnement.

Reynders donne le ton

L'opposition à cette destruction annoncée du parc entre dans une phase cruciale tant au Congo qu'à l'extérieur du pays. Didier Reynders, ministre belge des affaires étrangères n'a pas tardé à faire connaître le point de vue de la Belgique : il y a deux semaines, il a fait savoir qu'il considérait l'exploration pétrolière dans le parc comme illégale. Pour Didier Reynders, l'exploitation pétrolière dans les Virunga est en porte-à-faux avec la législation congolaise et les accords internationaux. Reste à espérer que le gouvernement congolais respecte la loi à la lettre et assure un futur à cette perle de l'environnement congolais.