L'état des océans



 A l'origine des problèmes actuels, il y a une incompréhension de ce qu'est la mer. Nous sommes habitués à y puiser sans limite poissons et fruits de mer que nous aimons manger. Parce que les fonds des océans nous sont invisibles, nous avons imaginé qu'ils étaient sans limites. Or, la pêche est une activité de prélèvement sur un stock : plus on pêche, moins il y’a de poissons pour se reproduire et renouveler le stock initial. Quand on passe un seuil critique, la masse de poissons existante ne suffit tout simplement plus à renouveler la masse initiale… C’est l’effondrement du stock.

 

Une économie qui méprise les océans


Parce que nous avons oublié cette évidence, nous pratiquons une pêche industrielle qui épuise les fonds marins. La pêche illégale se développe, comme si la mer devait être une zone de non droit. Les prises accessoires, c'est-à-dire les organismes capturés pendant des opérations de pêche, qui ne les visaient pas, comme les éponges, les requins, dauphins ou tortues, peuvent représenter jusqu’à 80% des prises selon les types de pêche… probablement 20 millions de tonnes par an rejetées à la mer, soit l’équivalent d’un poisson pêché sur quatre. L’aquaculture (de carnivores, saumon, crevettes ...) pollue l’environnement, détruit les mangroves et ne résout en rien le problème de la surpêche, car il faut pêcher du poisson sauvage pour nourrir le poisson d’élevage. Au nom de la croissance et de la liberté de circuler, nous acceptons l’augmentation constante du trafic maritime qui pollue les mers, mais pas le renforcement des règles de navigation. Nous parlons de la nécessité de réduire nos émissions de CO², mais la raréfaction des ressources en énergies fossiles entraine une course aux gisements : les compagnies pétrolières forent de plus en plus loin, de plus en plus profond et négligent les risques de catastrophes environnementales majeures. Les scientifiques peuvent bien tirer la sonnette d'alarme, les politiques laissent perdurer ce massacre. Les industriels ont carte blanche. Les intérêts à court terme déterminent les décisions politiques.

 

Une décharge à ciel ouvert


Les pollutions dues à nos activités achèvent de faire de nos mers et océans une gigantesque poubelle. Il y a bien sûr les pollutions dues au passage des pétroliers et des chimiquiers ou aux plates formes pétrolières. Mais 80% des polluants retrouvés dans les mers et les océans proviennent de nos activités à terre. Ce sont les eaux usées, les plastiques, les rejets industriels, les pesticides et les engrais agricoles, les déchets radioactifs. On trouve ainsi en mer des métaux lourds toxiques comme le mercure ou des polluants organiques persistants aussi dangereux que les PCB ou le DDT, sans parler des quantités de pétrole déversées. Notre production de déchets est telle qu'il existe dans le Pacifique Nord une zone plus grande que la France où les déchets tournent en spirale à l'infini. A cela s'ajoutent les pollutions sonores qui menacent gravement les mammifères marins.


Les dérèglements climatiques


C'est une autre conséquence des activités humaines. La manifestation la plus évidente en est la fonte des glaces, avec pour effet la montée des eaux : 17 cm au cours du XXème siècle, peut-être un mètre d'ici 2100. Certains Etats insulaires (comme les Maldives ou la Micronésie) disparaîtraient. Des zones côtières (y compris en Europe) seraient inondées. D'autres phénomènes sont tout aussi préoccupants : la montée de la température, la modification des courants océaniques, l'acidification des eaux ou les changements de salinité, le développement d'espèces invasives… Les océans deviendraient alors de nouveaux vecteurs de dérèglements climatiques. C'est le cercle vicieux : les changements climatiques affectent gravement les océans, en retour ces bouleversements des équilibres de nos mers accélèrent à leur tour les changements climatiques…


Une biodiversité menacée


Cette exploitation sans limite de nos océans, et plus généralement de notre planète, a des effets directs et manifestes sur la biodiversité marine. De nombreuses espèces sont éteintes ou en voie d'extinction, de nombreux poissons sont menacés. Les plus connus sont les baleines et les dauphins, les requins, la morue ou le thon rouge. Mais la liste est plus longue. Ce sont 80% des espèces commerciales, qui sont surexploitées ou au bord de la surexploitation. Lorsqu’une espèce est menacée, lorsque un stock menace de s’effondrer, les conséquences touchent l’ensemble d’un écosystème et a un impact sur toute une chaîne alimentaire. Au rythme actuel, il n'y aura plus de poissons dans les océans d'ici 2048. Que ferons-nous ce jour-là ? Mangerons nous des méduses ? Cette question se pose déjà pour le milliard de personnes sur terre qui dépendent totalement des produits de la mer pour leurs apports en protéines animales. La destruction de la biodiversité marine est aussi un enjeu de sécurité alimentaire pour l’homme.

 

Quelles solutions ?



Abandonner un modèle de pêche dépassé


Notre politique de pêche est archaïque. D'abord, parce qu'elle ne considére les ressources que de manière quantitative. Comme si les poissons sortaient des chaînes d'une usine dont on pouvait augmenter les rendements. Il faut prendre conscience que les poissons font parti d’un écosystème, qu’ils sont interdépendants avec les autres espèces, que leurs habitats doivent être protégés et que l’on ne peut pas pêcher tous les juvéniles et tous les reproducteurs en même temps. Ils ont besoin de temps pour se reproduire et grandir. Nous devons cesser de gérer de manière purement quantitative, espèce par espèce les niveaux de capture jusqu’à l’effondrement (le thon rouge, la morue, etc.). Il est nécessaire d'avoir une approche globale, et de prendre en compte les écosystèmes. Quand on pêche tel ou tel poisson, c'est toute une chaîne alimentaire que l'on perturbe.


Appliquer le principe de précaution


Il est grand temps d'écouter et de prendre en compte les alertes du monde scientifique et de la société civile. Nous devons préserver nos ressources marines. En l'absence de certitudes ou de preuves irréfutables, nous devons appliquer le principe de précaution. Cela veut dire prendre des mesures qui préviendraient toute disparition d'espèces, mais aussi toute disparition des pêcheries. Pour cela il faut que les gouvernements, l’Union européenne, arrêtent de subventionner les industriels de la pêche, de les défendre dans les conventions internationales, de négocier des quotas le plus élevés possible pour leurs pêcheurs.


Une question de volonté politique


Les solutions existent, elles sont relativement simples, il n'y a aucunes raisons de reporter les prises de décisions, il faut juste du courage politique. Le plus désolant est que souvent les objectifs internationaux sont ambitieux : Avec la convention sur la biodiversité qui a des objectifs de restauration de la biodiversité et des écosystèmes mais aussi de création d’aires marines protégées Aux Nations Unies avec des objectifs de restauration à des niveaux durables des stocks de poissons. L'Union européenne avec l’objectif de ramener les niveaux des stocks de poisson à un niveau durable en 2015. Tout le monde s’accorde sur la nécessité de passer à une approche écosystémique, mais les intérêts nationaux, les enjeux économiques à court terme, le poids des lobbys industriels ou le manque de volonté politique, font que les décisions courageuses sont toujours reportées. Le problème n'est pas de se donner des objectifs ambitieux et de s’engager à sauver nos océans, mais de le faire !


Lutter contre la pêche illégale


Lorsque les règles existent, elles ne sont tout simplement pas respectées. Un poisson sur quatre est issu de la pêche pirate. Un plan d'action international doit être mis en œuvre pour mettre fin à ce scandale. Les autorités doivent mieux contrôler les arrivages de poissons. Les ports doivent refuser de blanchir le poisson illégal. Les supermarchés, poissonneries et marchés doivent s'interdire de revendre de la marchandise volée. Enfin, les pays en développement doivent être soutenus pour mieux lutter contre la pêche illégale qui épuise leurs ressources marines.




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