22 activistes ont mené une action pacifique contre Fluxys à Zeebrugge le 29 avril. Ces militant·es dénonçaient les activités de l’opérateur gazier qui vont à l’encontre des objectifs climatiques et des droits humains. 14 de ces activistes sont désormais poursuivi·es en justice. Après une première comparution devant le tribunal de 1ère instance de Bruges le 7 juin passé et plus de 200 personnes mobilisées en soutien des activistes, une seconde audience aura lieu le mercredi 4 octobre à 9h. Avant cette date importante, 4 activistes poursuivies racontent leur expérience depuis le jour de l’action. Découvrez ici l’interview de Nina, Juri, Kelly et Paula. 

Des activistes de Greenpeace Belgique protestent dans le terminal gazier de Fluxys à Zeebrugge. 29/04/2023.
© Eric De Mildt / Greenpeace

Quel a été votre rôle durant cette action ?

(N) Je faisais partie des grimpeuses qui ont escaladé le terminal gazier de Fluxys à Zeebrugge. 

(J) Avec d’autres activistes, j’ai escaladé le terminal et accroché deux banderoles. Nous n’avons endommagé aucune infrastructure. Lorsque nous sommes arrivé·es sur le site, nous avons vu du personnel. Nous leur avons expliqué pourquoi nous étions là et que cette action n’était pas dirigée à leur encontre. 

(K) J’étais chargée de relayer l’action sur les réseaux sociaux de Greenpeace. 

(P) J’étais aux commandes du bateau électrique de Greenpeace Pays-Bas. Le bateau “sécurité et médias”. 

Nina

Nina faisait partie de l’équipe des grimpeur·euses. Elle a 23 ans et vit à Vienne, en Autriche.

Juri

Juri faisait partie de l’équipe des grimpeur·euses. Elle a 22 ans et vit en Allemagne. 

Kelly

Kelly faisait partie de l’équipe Réseaux sociaux. Elle a 29 ans et vit à Vilvoorde en Belgique.

Paula

Paula conduisait le bateau “comms & safety”. Elle a 35 ans et vit au Royaume-Uni.   

Comment s’est déroulée votre arrestation ?

(J) Après quelques heures de blocage du terminal et la réussite de l’action, nous sommes descendu·es volontairement. La police était très présente. Après une identification, les agents nous ont emmené·es au poste. À ce moment-là, je ne m’attendais pas à devoir rester enfermée deux jours entiers en cellule.

(K) Une personne sur notre bateau était en contact avec la police. Nous leur avons immédiatement dit ce que nous allions faire et que l’action ne serait pas violente. Les garde-côtes se sont approché·es et ont immédiatement demandé notre carte d’identité. J’étais tellement occupée par mon travail que je n’ai même pas réalisé que nous allions être arrêté·es. J’étais dans le bateau “comms” et nous avons dû suivre la police maritime jusqu’à la terre ferme.

Vous avez été arrêtée pendant 48 heures. Pouvez-vous expliquer ce qui s’est passé pendant ces deux nuits et comment vous vous êtes sentie pendant ces 48 heures ?

(K) J’ai été placée dans une cellule avec sept autres femmes. Ces femmes m’ont beaucoup aidée. Si j’avais été seule dans une cellule, cela aurait été bien pire. Deux hommes qui participaient aussi à l’action étaient dans une cellule à côté de nous. 

(J) Après avoir pris mes empreintes digitales, ma description personnelle et des photos, on m’a emmenée dans une cellule avec d’autres militantes de Greenpeace. Il n’y avait pas d’horloge donc il était très difficile de garder la notion du temps. La lumière des néons a brillé 24 heures sur 24, donc même pendant la nuit. J’ai aussi eu l’impression que la manière dont on était traitée variait beaucoup en fonction des policier·es présent·es. Le déséquilibre des pouvoirs était vraiment pénible.

(P) C’était déroutant car la police ne parlait pas anglais et je n’étais pas certaine de connaître les charges retenues pour mon arrestation. Au début, la police était très brusque. Ils·elles limitaient la quantité d’eau que nous pouvions avoir. Ils·elles refusaient de tirer la chasse d’eau aussi souvent que nécessaire. Nous devions aussi supporter la fumée de cigarette. Mais heureusement, j’étais entourée par des femmes extraordinaires.

(N) J’ai d’abord pensé que nous ne resterions que quelques heures et que nous serions libéré·es en fin de journée. Nous n’avions aucune information sur ce qui allait se passer. J’ai été choquée qu’ils nous gardent 48 heures en détention et qu’ils nous aient traitées comme des criminel·les. Je pense que la police voulait nous dissuader de poursuivre nos actions. C’était la première fois que je me retrouvais dans une cellule. C’est un sentiment très lourd que de perdre sa liberté de choix et d’être exposée à l’arbitraire de la police. 

(J) Après exactement 48 heures, la durée maximale de détention dans ces circonstances, nous avons été interrogé·es et nous avons été autorisé·es à sortir. Des membres de Greenpeace nous attendaient. J’étais tellement contente de pouvoir prendre une douche, d’aller aux toilettes avec la porte fermée, de me laver les mains et de me brosser les dents. Je pense que par rapport à d’autres personnes détenues en garde à vue, notre groupe n’a objectivement pas connu le pire. Néanmoins, ce fut un moment assez stressant pour moi. 

Des activistes de Greenpeace Belgique protestent dans le terminal gazier de Fluxys à Zeebrugge. 29/04/2023.
© Eric De Mildt / Greenpeace

Après ces deux nuits, avez-vous des regrets ?

(P) J’ai regretté d’avoir mangé autant de sucre pendant l’action ! Nous n’avons pas pu nous brosser les dents pendant des heures… Mais je ne regrette pas d’avoir participé à cette action.

(N) Aucun regret ! Après avoir passé deux nuits en prison, je me suis sentie plus forte qu’avant. Cette action a bénéficié d’une très large couverture médiatique et a permis de sensibiliser l’opinion publique à cette problématique urgente. Pour moi, cela valait donc la peine de participer.

(K) Je ne regrette pas d’avoir participé mais j’étais surtout très heureuse d’être libre.

(J) Non, je ne regrette absolument pas d’être une activiste climatique. Je ne veux pas laisser ce type de répression empêcher la lutte pour un avenir et un climat vivable.

Pensez-vous qu’une telle action est importante ? Pourquoi ?

(N) C’est la seule voie qui nous reste. Pendant longtemps, les avertissements des scientifiques sur la crise climatique ont été ignorés. Les personnes qui descendent dans la rue pour tenter de sensibiliser à l’urgence de la situation ne sont pas écoutées. Pour provoquer le changement et promouvoir une action climatique efficace, nous devons agir de la sorte. Les actions sont importantes parce qu’elles montrent la résistance des gens à l’incapacité du gouvernement à agir de manière responsable.

(J) Nous devons cesser de lutter contre les symptômes et nous attaquer aux causes profondes. Le GNL (gaz naturel liquéfié), en tant que combustible fossile, continue d’alimenter le dérèglement climatique. Les effets de cette crise climatique sont catastrophiques dans les pays du Sud global. À ces dégradations environnementales s’ajoute aussi la composante sociale. Des populations qui vivent dans les régions productrices de GNL en subissent les conséquences, notamment sur le plan de la santé.

(P) Certaines entreprises sont implicitement autorisées à mener des activités néfastes pour les populations autour des zones d’extractions. Cela mène même parfois à des morts. Or nous avons connaissance de ces impacts. Malheureusement, ces entreprises ne veulent rien entendre, c’est pourquoi nous sommes amené·es à agir.

Des activistes de Greenpeace Belgique protestent dans le terminal gazier de Fluxys à Zeebrugge. 29/04/2023.
© Eric De Mildt / Greenpeace

Qu’est-ce qui vous a donné envie d’agir pour le climat ?

(J) Je ne supporte plus le « business as usual ». Cela fait des décennies que nous connaissons le dérèglement climatique et que nous savons qu’il s’agit d’une crise de plus en plus grave. Depuis des années, les scientifiques affirment qu’il est urgent d’agir. Nous en ressentons de plus en plus les effets, mais en même temps nous fermons les yeux.

(N) Je ne peux plus accepter que cette planète soit détruite. Il n’y a pas de temps à perdre. Je ne peux donc plus rester assise et regarder, alors que nous sommes en pleine crise climatique. Je crois que si beaucoup de gens se levaient pour la justice climatique, nous pourrions changer le monde.

(P) J’agis car je veux pouvoir dire que j’ai vraiment fait tout ce que j’ai pu pour arrêter l’inévitable destruction mondiale qui se profile à l’horizon. Je suis quelqu’un qui a le privilège de pouvoir agir, et ce privilège s’accompagne d’un certain niveau de responsabilité.

(K) Je veux un avenir vivable. Je trouve qu’on ne s’intéresse pas assez aux grandes entreprises. On dit aux gens de baisser leur chauffage d’un degré, mais nous n’y parviendrons pas de cette manière. Nous devons cibler les personnes qui gagnent de l’argent en profitant de cette crise.

Que ressentez-vous au fait d’être traduit·e en justice pour votre participation à cette action ?

(P) Je ne suis pas naïve, je savais que ce serait une issue possible. Mais il est triste de voir que le système juridique continue à poursuivre les personnes qui essaient de protéger les autres, et épargne ceux qui, tout le monde le sait, font du mal aux autres.

(J) On poursuit les mauvaises personnes. Oui, nous sommes monté·es sur un terminal GNL. Mais nous sommes en pleine crise climatique ! Les vrais « criminels » dans cette affaire sont ceux qui s’accrochent aux combustibles fossiles et refusent de reconnaître les multiples crises dans lesquelles nous nous trouvons.

(N) Je suis déçue. Je suis choquée par leur réaction et par le fait qu’ils essaient vraiment de nous intimider et de nous priver de notre droit de protester. Et je suis en colère parce que les criminels du climat comme les pollueurs, qui sont responsables de la crise climatique, peuvent poursuivre leur business sans problème. Mais nous, qui nous inquiétons de l’avenir et agissons nous-mêmes pour le climat, nous sommes traduit·es en justice. 

(K) Je trouve vraiment ridicule que nous soyons poursuivi·es et que l’on se trompe de coupable. Je me demande pourquoi les médias n’enquêtent pas davantage sur Fluxys et ses pratiques. 

Comment s’est déroulée l’audience du 7 juin ?

(K) Lorsque je suis arrivée, j’ai été impressionnée par le nombre de personnes présentes. Les discours m’ont émue. Il est évidemment agréable d’être soutenue de la sorte, notamment par des organisations de défense des droits humains. Plus particulièrement encore quand l’audience se déroule un mercredi à 9h du matin à Bruges. 

(N) Je n’y étais pas moi-même, mais j’ai suivi l’événement via les médias et j’ai été bouleversée par toutes les personnes merveilleuses qui ont rejoint la manifestation et qui nous ont soutenu·es. C’est un signe fort de solidarité.

Comment peut-on vous manifester notre soutien ?

(N) Parlez de cette action et de l’intimidation des autorités à notre encontre. Parlez de tous les problèmes auxquels nous sommes confronté·es à cause de la crise climatique. 

(K) Venez à Bruges le 4 octobre et portez attention aux raisons de notre action. La crise climatique est urgente et il faut agir car nos responsables politiques ne semblent pas prendre la mesure du problème. 


Une seconde audience aura lieu le mercredi 4 octobre à 9h. Notez bien cette date dans votre agenda, nous comptons sur votre présence ! Il est important de se mobiliser pour envoyer un signal fort : nous ne nous laisserons pas intimidé·es. Le mouvement climatique ne se laissera pas muselé. Les militant·es qui dénoncent pacifiquement la responsabilité du secteur des énergies fossiles dans la crise climatique n’ont rien à faire dans les tribunaux. 

Rendez-vous le mercredi 4 octobre à 9 heures devant le tribunal de Bruges !

Merci !

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