Depuis l’accord de Paris, les banques européennes ont prêté environ 256 milliards d’euros à des entreprises actives dans des secteurs qui menacent les forêts et d’autres espaces naturels fondamentaux pour lutter contre les dérèglements climatiques. Certaines de ces institutions financières opèrent aussi en Belgique. C’est ce que révèle un nouveau rapport du cabinet d’études Profundo, commandé par Greenpeace International.

Le rapport a analysé les relations entre les institutions financières européennes et 135 grandes entreprises dont les activités menacent la nature. L’étude se concentre sur une période qui s’étend de 2016, juste après l’Accord de Paris, jusqu’en 2023. [1] Il en ressort que le secteur financier européen a soutenu ces entreprises problématique à hauteur de 256 milliards d’euros de crédit et 60 milliards d’euros d’investissements directs. Le secteur financier européen est donc le deuxième bailleur de fonds de ces entreprises au niveau mondial, derrière le secteur financier des Etats Unis.

Le rapport se penche également sur les activités de six entreprises internationales : les négociants en matières premières Bunge et Cargill, les producteurs de viande JBS et Marfrig, et les géants de l’huile de palme et de la pâte à papier RGE et Sinar Mas. Ces entreprises ont été associées à plusieurs reprises ces dernières années à la déforestation et aux violations des droits humains.

« L’Europe aime se profiler en grande défenseuse de la nature, au premier plan de la lutte contre la crise climatique… Mais elle ferme paradoxalement les yeux quand ses banques financent la destruction massive de la nature et les violations des droits humains. C’est inadmissible. Nous ne pouvons pas lutter contre la crise climatique et l’effondrement de la biodiversité tout en finançant la destruction de la nature », a déclaré Philippe Verbelen, chargé de campagne biodiversité chez Greenpeace Belgique. 

Des banques belges 

Le rapport met en exergue le rôle d’institutions financières belges. Durant la période étudiée, le groupe KBC, BNP Paribas, le groupe ING et la Deutsche Bank ont accordé 100 milliards d’euros de crédit à des secteurs qui détruisent la nature. Ensemble avec des plus petits acteurs comme Argenta, Belfius Bank, Ackermans & van Haaren et la Banque Degroof Petercam, ces mêmes banques ont également investi 8,8 milliards d’euros dans des secteurs à risque pour le climat et la nature.

Cela représente 39 % du total des crédits et 15 % du total des investissements au sein de l’Union Européenne. 

La banque Belfius, détenue à 100 % par l’État, propose des produits d’investissement à ses clients par l’intermédiaire de Candriam Belgium, qui a investi 261,1 millions d’euros dans les secteurs pour le climat et la nature.

Les banques échappent à la loi européenne contre la déforestation

En mai 2023, un règlement européen luttant contre la déforestation (EUDR) a été adopté. Il s’agissait d’une première étape essentielle pour mettre fin à l’implication européenne dans la destruction de la nature à l’échelle mondiale. Cette loi doit permettre de retirer du marché de l’Union Européenne, dès 2025, les produits qui contribuent à la déforestation. 

Mais ce règlement ne s’applique pas aux institutions financières. Cela conduit à une situation paradoxale où les banques européennes sont autorisées à financer des entreprises impliquées dans la déforestation, et cela alors que les produits de ces mêmes entreprises se verront interdits sur le marché européen.

Greenpeace et les autres organisations qui ont commandité ce rapport demandent une réglementation européenne pour empêcher les flux financiers vers les entreprises qui détruisent la nature. Le secteur financier doit de toute urgence être contraint de respecter les objectifs mondiaux en matière de climat et de biodiversité.

« Notre rapport démontre de manière limpide que les banques et les investisseurs continuent d’injecter des milliards d’euros dans des entreprises qui détruisent la nature, et ne cesseront de le faire que s’ ils y sont contraints. Des joyaux de notre biodiversité, également essentiels à la stabilité de notre climat, tels que les forêts tropicales d’Amazonie, d’Asie du Sud-Est et du bassin du Congo, ou les forêts boréales du Nord, disparaissent à un rythme alarmant. L’UE doit de toute urgence réglementer son secteur financier et mettre fin à son flux destructeur », conclut Philippe Verbelen. 

Note

[1] Le rapport Bankrolling ecosystem destruction se base sur des données collectées et analysées par l’organisation de recherche indépendante Profundo. Il est publié par Greenpeace International, Milieudefensie (Les Amis de la terre Pays-Bas) et Harvest. En Belgique, les ONG FairFin et BOS+ soutiennent également le rapport. 

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