Technologie toxique
Débranchez l'électronique toxique
Une nouvelle et dangereuse catégorie de déchets est en train de
se développer rapidement. La forte progression de la consommation
de biens électroniques et électriques dans le monde a entraîné une
explosion de déchets électroniques (dits "e-déchets") contenant des
toxiques, des substances chimiques persistantes et des métaux
lourds. Parce qu'ils ont été fabriqués en utilisant ces substances,
les produits ne peuvent être éliminés ou recyclés sans risque quand
ils sont mis au rebut.
Chaque année, des centaines de milliers d'ordinateurs et de
téléphones portables usagés sont déversés dans des décharges ou
brûlés dans des fonderies. Des milliers d'autres sont exportés,
souvent illégalement, de l'Union européenne (UE), des Etats-Unis
(USA), du Japon et d'autres pays industrialisés vers l'Asie.
Là-bas, les ouvriers des chantiers de récupération de ferraille
sont exposés à un cocktail de substances chimiques toxiques
lorsqu'ils désassemblent les produits.
La vitesse à laquelle ces montagnes de produits électroniques
obsolètes se développent va atteindre des proportions de crise si
les groupes électroniques qui tirent profit de la fabrication et de
la vente de ces appareils n'assument pas leurs responsabilités. Il
est possible de fabriquer des produits propres et durables qui
peuvent être recyclés, mis à jour ou éliminés en toute sécurité,
plutôt que de finir en déchets dangereux dans une arrière-cour.
Quel est le problème ?
La quantité de produits électronique mis au rebut dans le monde
a fait un bond dans les dernières années, avec 20 à 50 millions de
tonnes générées à travers le monde chaque année. Les déchets
électroniques (e‑déchets) représentent maintenant 5% de la totalité
des déchets municipaux solides dans le monde, soit presque autant
que les emballages plastiques. Les pays développés les génèrent,
mais aussi l'Asie (environ 12 millions de tonnes chaque année).
Les e‑déchets constituent aujourd'hui le secteur du flux de
déchets municipaux solides qui croît le plus rapidement. Les gens
n'hésitent pas à changer souvent de téléphone portable et
d'ordinateurs, mais aussi de téléviseur, d'équipement audio,
d'imprimante… En Europe, par exemple, les e‑déchets augmentent de
3 à 5% par an, presque trois fois plus rapidement que le flux total
des déchets. D'ici 2010, les pays en développement pourraient
tripler leur production d'e‑déchets.
Qu’y a-t-il dans les appareils électroniques?
Les appareils électroniques sont composés d'un mélange complexe
de plusieurs centaines de matériaux. Un téléphone portable par
exemple, contient entre 500 et 1000 composants.
Une grande partie de ces matériaux contient des métaux lourds
(plomb, mercure, cadmium, béryllium) ainsi que des substances
chimiques dangereuses, comme les retardateurs de flamme bromés -
polybromodiphényles (polybrominated biphenyls, PBB), éthers
diphényliques polybromés (polybrominated diphenylethers, PBDE) et
tétrabromobisphénol-A (tetrabromobisphenol-A, TBBPA ou TBBA)..
Ces substances chimiques dangereuses génèrent une pollution
importante et des risques sanitaires pour les travailleurs qui les
produisent ou les éliminent. L'exposition au plomb et au mercure
des enfants et des femmes enceintes est particulièrement
préoccupant. Même à un faible niveau d'exposition, ces métaux
extrêmement toxiques peuvent porter atteinte aux enfants et aux
fœtus.
Où finissent les e‑déchets?
Un grand nombre d'appareils électroniques usagés prennent la
poussière dans des centres de stockage en attendant d'être
réutilisés, recyclés ou détruits. L'agence américaine de protection
de l'environnement (Environmental Protection Agency, EPA) estime
que les trois quarts des ordinateurs vendus aux Etats-Unis sont
empilés dans des garages et des débarras. Quand ils sont mis au
rebut, ils finissent dans des décharges ou des incinérateurs ou,
plus récemment, sont exportés vers l'Asie.
Décharge: Selon l'EPA, plus de 4,6 millions de tonnes
d'e‑déchets ont fini dans des décharges aux Etats-Unis en 2000. Les
substances toxiques des produits électroniques peuvent à la longue
s'infiltrer dans le sol ou être rejetés dans l'atmosphère, ce qui
représente un danger pour les communautés riveraines et
l'environnement. De nombreux pays européens ont donc légiférer pour
empêcher l'enfouissement des déchets électroniques. C'est néanmoins
encore une pratique courante dans de nombreux pays. A Hong Kong par
exemple, on estime que 10 à 20% des ordinateurs obsolètes sont mis
en déchargé.
Incinération: Incinérer des produits électroniques libère des
métaux lourds, tels que le plomb, le cadmium et le mercure. Le
mercure dégagé dans l'atmosphère peut s'accumuler dans la chaîne
alimentaire, notamment dans le poisson - qui constitue le vecteur
principal de risque pour le grand public. Quant au PVC, son
incinération provoque des rejets de dioxines et de furanes.
Réutilisation: Voilà une façon d'allonger la durée de vie d'un
produit. De nombreux produits usagés sont exportés vers des pays en
développement, ce qui leur assure un équipement à peu de frais mais
ne règle pas le problème. Que deviennent ces produits électroniques
une fois inutilisables ? Ils sont mis au rebut dans des décharges
la plupart du temps pas équipées pour traiter sans risque les
déchets dangereux.
Recyclage: Le recyclage peut constituer une bonne manière de
réutiliser les matières premières contenues dans un produit. Mais
comme les e-déchets contiennent des substances chimiques
dangereuses, leur traitement doit se faire dans des conditions
spéciales pour être sans danger pour les travailleurs des centres
de recyclage.
Dans les pays développés, le recyclage des produits
électroniques a lieu dans des unités construites à cet effet et
dans des conditions plus ou moins contrôlées. Dans de nombreux
Etats de l'UE, les plastiques d'e-déchets ne sont toutefois pas
recyclés pour éviter le rejet de furanes et de dioxines bromées
dans l'atmosphère. Mais dans les pays en développement, le
recyclage est fait manuellement dans des chantiers de récupération
de ferraille, souvent par des enfants.
Exportation: Les e‑déchets sont généralement exportés par des
pays développés vers des pays en développement, fréquemment en
violation de la Convention de Bâle. L'inspection de 18 ports
maritimes européens en 2005 a montré que 47% des déchets exportés,
e-déchets y compris, étaient illégaux. En 2003, 23 000 tonnes de
déchets électroniques clandestins ou provenant du marché 'gris' ont
été expédiées illégalement de Grande-Bretagne vers
l'Extrême-Orient, l'Inde, l'Afrique et la Chine. Et on estime
qu'aux USA, 50 à 80% des déchets collectés pour être recyclés sont
exportés. Cette pratique est légale car les USA n'ont pas ratifié
la Convention de Bâle.
La Chine continentale a essayé d'empêcher ce commerce en
interdisant l'importation d'e‑déchets en 2000. Greenpeace a
cependant découvert que les lois ne sont pas respectées ; des
e‑déchets continuent d'arriver à Guiyu dans la région de
Ghuangzhou, dans la province de Guangdong, principal centre de
ferraillage en Chine.
Greenpeace a également révélé qu'en Inde aussi le commerce
d'e‑déchets se développe. Rien qu'à Delhi, 25 000 travailleurs sont
employés dans des chantiers de récupération de ferraille où 10 à
20 000 tonnes d'e‑déchets, dont 25% d'ordinateurs, sont traités
chaque année. Greenpeace a aussi localisé des chantiers de
récupération ont également été localisés à Meerut, Ferozabad,
Madras, Bangalore et Bombay.
Comment le marché a-t-il évolué?
Dans les années 90, l'UE, le Japon et certains Etats des
Etats-Unis ont mis en place des systèmes de « recyclage » des
e‑déchets. Incapables de gérer les e-déchets (trop grande quantité,
toxicité), de nombreux pays ont donc commencé à exporter le
problème vers des pays en développement où les lois protégeant les
travailleurs et l'environnement sont inadaptées ou inappliquées. De
plus, « recycler » les e-déchets dans des pays en développement
coûte moins cher que de le faire dans des pays industrialisés.
Ainsi le coût de recyclage du verre des écrans d'ordinateurs
s'élève à 0,50 USD la livre aux Etats-Unis, contre 0,05 USD en
Chine.
La demande asiatique de déchets électroniques a commencé à
croître lorsque les chantiers de récupération de ferraille ont
découvert qu'ils pouvaient extraire des substances de valeur comme
du cuivre, du fer, du silicone, du nickel et de l'or pendant le
processus de recyclage. Un téléphone portable contient par exemple
dix-neuf pour cent de cuivre et huit pour cent de fer.
Quelle est la réglementation en vigueur ?
Convention de Bâle
La Convention de Bâle sur le contrôle des mouvements
transfrontaliers de déchets dangereux et de leur élimination, en
vigueur depuis 1992, et l'Amendement sur l'interdiction des
exportations adopté en 1995, interdisent toutes les exportations de
déchets dangereux depuis des pays développés vers des pays en
développement. La convention considère que les déchets
électroniques sont dangereux et qu'en conséquence leur commerce
obéit aux règles de l'Amendement.
De nouvelles lois en Europe et au Japon commencent à déplacer la
responsabilité des e‑déchets placée sur les contribuables, les
autorités locales et les gouvernements pour la transférer aux
fabricants de ces produits. Certaines compagnies ont déjà réagi en
concevant des produits qui ne contiennent plus de matières
dangereuses. Greenpeace se félicite de ces politiques progressistes
mais s'attend à ce qu'elles fassent augmenter les exportations
d'e‑déchets si elles ne sont pas accompagnées de mesures
garantissant que les compagnies recyclent, réutilisent ou éliminent
les produits en toute sécurité après les avoir récupérés.
Directives européennes
L'UE a reconnu que les e‑déchets posaient des problèmes, qu'ils
soient brûlés, déchargés ou recyclés. En 2002, elle a adopté deux
directives pour essayer de maîtriser les déchets électroniques.
1/ La directive RoHS (restriction de l'usage de certaines
substances dangereuses) exige des fabricants d'électronique qu'ils
arrêtent d'utiliser des substances chimiques toxiques et des métaux
lourds dans leurs produits. Elle interdit l'usage de cadmium, de
mercure, de plomb, de chrome hexavalent et de deux types de
retardateurs de flamme bromés (PBDE et PBB) dans les produits
commercialisés à partir de juillet 2006, avec des exceptions
spécifiques. Ceci concernera tous les produits électroniques
importés sur le marché européen.
Greenpeace se réjouit de l'adoption de la Directive RoHS, mais
souhaite qu'elle soit étendue afin d'interdire l'usage de toutes
les substances chimiques dangereuses. L'organisation souhaite
notamment que des restrictions supplémentaires concernant tous les
retardateurs de flamme bromés et autres matières halogénées, y
compris le PVC, soient incluses dans la directive.
2/ La DEEE (directive sur les déchets des équipements
électriques et électroniques) adoptée en novembre 2002 et
transposée par tous les Etats membres à la fin 2005, rend les
producteurs responsables de la collecte de leurs e‑déchets lorsque
les produits sont mis au rebut.
Responsabilité étendue du producteur au Japon
La réglementation de la Responsabilité étendue du producteur, en
vigueur au Japon depuis avril 2001, exige que les fabricants
reprennent cinq types d'appareils électroménagers quand ils sont
mis au rebut: les réfrigérateurs; les machines à laver, les
climatiseurs; les télévisions et, plus récemment, les ordinateurs
personnels.
Quelle solution ?
Les fabricants d'électronique qui ont tiré profit de la vente
des produits doivent en assumer la responsabilité, depuis la
production jusqu'à l'élimination. Pour empêcher une crise des
e‑déchets, les fabricants doivent concevoir des produits
électroniques propres, à durée de vie plus longue, sans risques et
faciles à recycler, qui n'exposeront pas les ouvriers et
l'environnement à des substances chimiques dangereuses.
Les fabricants d'électronique doivent cesser d'utiliser des
matières dangereuses. Dans de nombreux cas, il existe actuellement
des alternatives moins risquées.
Ce n'est pas au contribuable de supporter le coût de recyclage
des produits électriques usagés. Les fabricants doivent assumer
l'entière responsabilité de leurs produits et, lorsque ceux-ci ont
atteint la fin de leur vie utile, ils doivent les reprendre pour
les éliminer, les réutiliser ou les recycler en toute sécurité.
Ce que vous pouvez faire :
· Soutenir les entreprises qui fabriquent des produits
propres. Si vous achetez un produit, informez-vous sur les
performances environnementales des fabricants ou consultez
www.greenpeace.org
· Réfléchir à deux fois avant d'acheter pour savoir si vous
avez réellement besoin d'un nouvel appareil.
Renvoyer votre matériel au fabricant quand vous n'en avez plus
l'utilité.