Lobby Toxique - ou: Comment l'industrie chimique cherche à tuer REACH
Ce rapport évoque la diffusion par l'industrie d'études au
contenu incohérent qui ont contribué à créer un climat de méfiance
vis-à-vis de REACH. Il dénonce également la tactique fréquemment
usitée qui consiste à installer à des fonctions-clés de la
Commission européenne des "poissons-pilotes" de l'industrie, connus
pour leur position anti-REACH (2).
Trois parlementaires européens luxembourgeois semblent avoir
succombé à ce lobbying industriel.
Le rapport intitulé "Lobby Toxique, ou Comment l'industrie
chimique essaie de tuer REACH", décrit de quelle façon l'industrie
chimique a effrayé et trompé les politiques en refusant d'admettre
le problème que constitue la contamination chimique, et ce afin de
vider de son contenu la réforme de la législation chimique
européenne (REACH). Ce rapport démontre également comment
l'industrie s'est attachée à monter en épingle les coûts
économiques et les pertes d'emplois qu'engendreraient REACH et
comment elle a tué dans l'oeuf le volet innovation de cette réforme
législative.
"L'industrie chimique a produit des études sur les coûts
engendrés par REACH, ces coûts apparaissant comme exorbitants. Très
rapidement, ces études ont été jugées irréalistes et n'ont pas
soutenu la comparaison avec d'autres études d'impact, notamment
publiées par la Commission européenne. Selon cette dernière, les
coûts de REACH se limiteraient à 0,04% des ventes annuelles de
l'industrie chimique", précise Paul Delaunois, directeur de
Greenpeace Luxembourg. "Des coûts négligeables par rapport aux
bénéfices engendrés par REACH en terme de santé publique"(3).
Une partie du travail de sape orchestré par l'industrie chimique
était concentrée sur les petites et moyennes entreprises (PME) qui
sont aujourd'hui persuadées que REACH ne sera pas viable pour
elles, alors que dans la grande majorité, elles ont pourtant tout à
gagner d'un système REACH ambitieux. En effet, la majorité des PME
ne sont pas productrices de substances chimiques mais seulement
utilisatrices. REACH pourrait considérablement alléger leur charge
de travail, en garantissant, par exemple, que l'essentiel de
l'évaluation des substances chimiques qu'elles utilisent soit
réalisé par leurs producteurs ou encore, en mettant à leur
disposition des informations de meilleures qualité, notamment les
données de sécurité, sur les substances qu'elles utilisent.
La législation REACH qui vise à imposer aux industries chimiques
d'enregistrer leurs substances et d'en faire une évaluation des
risques avant de recevoir une autorisation de commercialisation
sera probablement définitivement adoptée fin de cette année.
"La portée de REACH a déjà été considérablement affaiblie par
l'industrie et cela a influencé les votes préliminaires effectués
au Parlement européen et au Conseil des ministres européens en
2005. Les données toxicologiques que les entreprises devront
désormais fournir ne permettront pas d'identifier une immense
majorité des substances les plus dangereuses",commente Fawaz Al
Bitar, responsable de la campagne 'Substances Toxiques' à
Greenpeace.
Malgré ces efforts intenses d'édulcoration, le Parlement
européen s'est prononcé en faveur d'un remplacement systématique
des substances chimiques dangereuses par des alternatives plus
sûres, quand elles existent. Ceci correspond au principe de
substitution.
"Le principe de substitution est fondamental et doit
impérativement rester inscrit dans le texte de REACH", poursuit
Fawaz Al Bitar. "Nous demandons aux parlementaires européens de
sauver ce qui peut encore l'être de ce REACH déjà fortement
affaibli et de confirmer leur soutien au principe de substitution,
comme l'on déjà fait Mmes Hennicot-Schoepges et Polfer ainsi que M
Turmes."
Greenpeace s'inquiète dès lors de l'attitude de Madame Lulling
et de Messieurs Spautz et Goebbels qui se sont opposés au principe
de substitution en novembre 2005, se démarquant ainsi des autres
parlementaires européens luxembourgeois ainsi que du gouvernement
luxembourgeois qui ont soutenu le principe de substitution.
"Dans quelques mois, Madame Lulling, Monsieur Spautz et Monsieur
Goebbels auront l'occasion de prouver qu'ils accordent plus
d'importance à la santé des consommateurs et la défense de
l'innovation en Europe qu'au chant des sirènes de l'industrie",
conclut Paul Delaunois.
Pour que REACH ne permette pas l'utilisation continue de
substances chimiques pouvant provoquer des cancers et des maladies
reproductives, il est crucial qu'une majorité absolue de
parlementaires européens se prononce en faveur du principe de
substitution. L'industrie ne peut pas nier que des alternatives
plus sûres existent et que stimuler la création de nouvelles
substances plus sûres constitue un défi porteur pour les ténors
européens de la chimie.
Other contacts:
Paul Delaunois, Directeur de Greenpeace Luxembourg, tel 54 62 52 22 ou 021 49 30 14
Fawaz Al Bitar, responsable de la campagne 'Substances Toxiques', Greenpeace Belgique, tel + 32 496 12 22 31.
Notes:
1) REACH, pour EnRegistrement, Evaluation et Autorisation des substances Chimiques, est la réforme européenne de la législation communautaire sur les substances chimiques. Débutée en 1998, elle devrait trouver sa conclusion lors du vote en deuxième lecture cet automne.
2) Lena Perenius, ancienne directrice de l'unité REACH au CEFIC (Conseil européen des industries chimiques) a été une des personnes de contact dans le cadre du livre blanc sur REACH; Uta Jensen-Korte, ayant travaillé 14 ans pour Bayer et 7 ans comme lobbyiste pour le CEFIC, travaille pour la Commission européenne (DG Entreprise et Industrie) dans l'unité REACH; Ralf Burgstahler, qui a travaillé dans l'unité "sécurité des produits" pour BASF a d'abord rejoint l'unité REACH de la DG Entreprise et Industrie de la Commission européenne avant de rejoindre le ministère allemand des affaires économiques au sein duquel il est toujours en charge de REACH.
4) Une étude de la Commission européenne fait état d'un bénéfice, en terme de santé publique, engendré par REACH de 50 milliards d'euros en 30 ans (Extended Impact Assessment, European Commission, 2003) alors qu'une autre étude conclut que REACH engendrerait un bénéfice supplémentaire de 95 milliards d'euros en 25 ans (The Impact of REACH on the environment and human health, European Commission 2006).