Les sirènes de l'industrie chimique séduisent-elles encore?

Madame Lulling et Messieurs Spautz et Goebbels subiront-ils encore longtemps le lobby corrosif et mensonger des industries chimiques?

Communiqués de presse - juin 21, 2006
Greenpeace vient de publier un rapport démontrant comment les grandes industries chimiques ont mené une action concertée afin de saper les tentatives de l'UE de protéger la santé des consommateurs et de promouvoir l'innovation en Europe, par la voie d'une nouvelle législation chimique REACH (1).

Lobby Toxique - ou: Comment l'industrie chimique cherche à tuer REACH

Ce rapport évoque la diffusion par l'industrie d'études au contenu incohérent qui ont contribué à créer un climat de méfiance vis-à-vis de REACH. Il dénonce également la tactique fréquemment usitée qui consiste à installer à des fonctions-clés de la Commission européenne des "poissons-pilotes" de l'industrie, connus pour leur position anti-REACH (2).

Trois parlementaires européens luxembourgeois semblent avoir succombé à ce lobbying industriel.

Le rapport intitulé "Lobby Toxique, ou Comment l'industrie chimique essaie de tuer REACH", décrit de quelle façon l'industrie chimique a effrayé et trompé les politiques en refusant d'admettre le problème que constitue la contamination chimique, et ce afin de vider de son contenu la réforme de la législation chimique européenne (REACH). Ce rapport démontre également comment l'industrie s'est attachée à monter en épingle les coûts économiques et les pertes d'emplois qu'engendreraient REACH et comment elle a tué dans l'oeuf le volet innovation de cette réforme législative.

"L'industrie chimique a produit des études sur les coûts engendrés par REACH, ces coûts apparaissant comme exorbitants. Très rapidement, ces études ont été jugées irréalistes et n'ont pas soutenu la comparaison avec d'autres études d'impact, notamment publiées par la Commission européenne. Selon cette dernière, les coûts de REACH se limiteraient à 0,04% des ventes annuelles de l'industrie chimique", précise Paul Delaunois, directeur de Greenpeace Luxembourg. "Des coûts négligeables par rapport aux bénéfices engendrés par REACH en terme de santé publique"(3).

Une partie du travail de sape orchestré par l'industrie chimique était concentrée sur les petites et moyennes entreprises (PME) qui sont aujourd'hui persuadées que REACH ne sera pas viable pour elles, alors que dans la grande majorité, elles ont pourtant tout à gagner d'un système REACH ambitieux. En effet, la majorité des PME ne sont pas productrices de substances chimiques mais seulement utilisatrices. REACH pourrait considérablement alléger leur charge de travail, en garantissant, par exemple, que l'essentiel de l'évaluation des substances chimiques qu'elles utilisent soit réalisé par leurs producteurs ou encore, en mettant à leur disposition des informations de meilleures qualité, notamment les données de sécurité, sur les substances qu'elles utilisent.

La législation REACH qui vise à imposer aux industries chimiques d'enregistrer leurs substances et d'en faire une évaluation des risques avant de recevoir une autorisation de commercialisation sera probablement définitivement adoptée fin de cette année.

"La portée de REACH a déjà été considérablement affaiblie par l'industrie et cela a influencé les votes préliminaires effectués au Parlement européen et au Conseil des ministres européens en 2005. Les données toxicologiques que les entreprises devront désormais fournir ne permettront pas d'identifier une immense majorité des substances les plus dangereuses",commente Fawaz Al Bitar, responsable de la campagne 'Substances Toxiques' à Greenpeace.

Malgré ces efforts intenses d'édulcoration, le Parlement européen s'est prononcé en faveur d'un remplacement systématique des substances chimiques dangereuses par des alternatives plus sûres, quand elles existent. Ceci correspond au principe de substitution.

"Le principe de substitution est fondamental et doit impérativement rester inscrit dans le texte de REACH", poursuit Fawaz Al Bitar. "Nous  demandons aux parlementaires européens de sauver ce qui peut encore l'être de ce REACH déjà fortement affaibli et de confirmer leur soutien au principe de substitution, comme l'on déjà fait Mmes Hennicot-Schoepges et Polfer ainsi que M Turmes."

Greenpeace s'inquiète dès lors de l'attitude de Madame Lulling et de Messieurs Spautz et Goebbels qui se sont opposés au principe de substitution en novembre 2005, se démarquant ainsi des autres parlementaires européens luxembourgeois ainsi que du gouvernement luxembourgeois qui ont soutenu le principe de substitution.

"Dans quelques mois, Madame Lulling, Monsieur Spautz et Monsieur Goebbels auront l'occasion de prouver qu'ils accordent plus d'importance à la santé des consommateurs et la défense de l'innovation en Europe qu'au chant des sirènes de l'industrie", conclut Paul Delaunois.

Pour que REACH ne permette pas l'utilisation continue de substances chimiques pouvant provoquer des cancers et des maladies reproductives, il est crucial qu'une majorité absolue de parlementaires européens se prononce en faveur du principe de substitution. L'industrie ne peut pas nier que des alternatives plus sûres existent et que stimuler la création de nouvelles substances plus sûres constitue un défi porteur pour les ténors européens de la chimie.

Other contacts:

Paul Delaunois, Directeur de Greenpeace Luxembourg, tel 54 62 52 22 ou 021 49 30 14

Fawaz Al Bitar, responsable de la campagne 'Substances Toxiques', Greenpeace Belgique, tel + 32 496 12 22 31.

Notes:

1) REACH, pour EnRegistrement, Evaluation et Autorisation des substances Chimiques, est la réforme européenne de la législation communautaire sur les substances chimiques. Débutée en 1998, elle devrait trouver sa conclusion lors du vote en deuxième lecture cet automne.
2) Lena Perenius, ancienne directrice de l'unité REACH au CEFIC (Conseil européen des industries chimiques) a été une des personnes de contact dans le cadre du livre blanc sur REACH; Uta Jensen-Korte, ayant travaillé 14 ans pour Bayer et 7 ans comme lobbyiste pour le CEFIC, travaille pour la Commission européenne (DG Entreprise et Industrie) dans l'unité REACH; Ralf Burgstahler, qui a travaillé dans l'unité "sécurité des produits" pour BASF a d'abord rejoint l'unité REACH de la DG Entreprise et Industrie de la Commission européenne avant de rejoindre le ministère allemand des affaires économiques au sein duquel il est toujours en charge de REACH.
4) Une étude de la Commission européenne fait état d'un bénéfice, en terme de santé publique, engendré par REACH de 50 milliards d'euros en 30 ans (Extended Impact Assessment, European Commission, 2003) alors qu'une autre étude conclut que REACH engendrerait un bénéfice supplémentaire de 95 milliards d'euros en 25 ans (The Impact of REACH on the environment and human health, European Commission 2006).