Lorsque Greenpeace Afrique et ses partenaires vous ont parlé pour la première fois d’Herakles Farms et de ses projets d’huile de palme au Cameroun, la compagnie américaine avait des projets ambitieux et destructeurs. Connue alors sous le nom de SG Sustainable Oils Cameroon ou SGSOC, elle avait l’intention de raser près de 70,000 hectares de forêt tropicale, malgré l’absence de permis et l’opposition des communautés locales et de la société civile.  Herakles Farms avait pris pour cible la région sud-ouest du pays, une région abritant des milliers de personnes et des espèces sauvages menacées comme le chimpanzé et le drill.

Après plus de trois, et l’intervention d’activistes et d’ONG dont Greenpeace Afrique, la concession ne représente qu’une petite partie de la taille initiale, la compagnie a fermé la plupart de ces bureaux et a recours à la vente de bois illégal pour augmenter ces revenus. SGSOC n'aurait pour autant pas avoir abandonné la partie et semble recourir aux tribunaux, à des agressions physiques et à l’intimidation pour réduire les oppositions au silence. 

Nasako Besingi, défenseur des forêts contre la plantation d'huile de palme d'Herakles Farms condamné au Cameroun

Quand manifester pacifiquement est un crime

Nasako Besingi est un activiste local. Il a été reconnu au niveau international pour ses manifestations pacifiques contre les projets Herakles Farm/ SGSOC. La semaine dernière, il a été reconnu coupable sur quatre chefs d’accusation dont diffamation et diffusion de publications mensongères. A l’issue d’un procès ponctué de nombreux doutes quant à l’impartialité du système judiciaire camerounais,  il a été condamné à payer une lourde amende ainsi que les frais de l’instruction – ou faire face à trois ans de prison.

Besingi a simplement fait usage de son droit à la protestation pacifique, et sa condamnation est inquiétante. Herakles Farms/SGSOC a constamment tenté de faire taire ses critiques et Besingi a été intimidé et agressé physiquement au court de ces dernières années. Une coalition d’ONG appelle le Cameroun à faire cesser la répression sur les citoyens et activistes qui essaient simplement de faire part de leurs inquiétudes concernant leurs terres et leurs forêts.

Faire taire les oppositions 

Alors même que Besingi était victime de cette injuste condamnation, de nombreuses informations ont fait surface sur d’autres plaintes portées contre Herakles Farms / SGSOC. 

Abattage d'arbres, déforestation dans le bassin du Congo

Plus de 60 anciens employés d’Herakles Farm ont appelé à l’aide des activistes locaux, dont Nasako Besingi, au sujet d’allocations non payées. Plusieurs employés ont porté plainte contre la compagnie, et huit plaintes ont été portées par une même personne, accusant entre autres Herakles Farm de discrimination raciale et salaires impayés.

Herakles Farms/SGSOC se défend de ces actions en brandissant notamment la clause d’arbitrage figurant dans les contrats de travail – une clause qui désigne la commission d’arbitrage de New-York comme la seule autorité habilitée à se prononcer sur ces plaintes.
Cette procédure constitue pour les employés une contrainte injuste et insurmontable.

La société a par ailleurs demandé l’appui de la Présidence du Cameroun pour faire appliquer cette clause d’arbitrage, et ainsi d’intervenir pour mettre fin aux procédures en cours contre Herakles Farms/SGSOC.

Les actions d’Herakles Farms/SGSOC au plus haut niveau de l’état camerounais pour intimider et faire taire ses opposants remettent en cause l’indépendance de la justice et la liberté des procédures judiciaires.

L’illusion du développement local

Les actions d’Herakles Farms/SGSOC forment un contraste saisissant avec le discours tenu à l’annonce de leur projet, se targuant d’amener un développement économique nécessaire.

Cette année, les employés ont appris qu’Herakles Farms mettait fin à ses opérations dans les  villages de Mundemba et Toko afin d’intensifier ses plantations dans la région de Nguti. Mais il semble que toutes les activités aient cessé sur l’ensemble des concessions. Le bureau principal de Limbe a fermé pour faire place à une petite antenne à Manyemen.

forêt dense, bassin du Congo

Les images satellite de janvier à mai 2015 montre que 50 hectares de forêts ont été coupés dans les concessions d’Herakles Farms/SGSOC, une indication claire du peu d’activités. Personne ne sait si la société a payé son loyer (environ 300,000 dollars US). Greenpeace Afrique a cependant pu confirmer un impayé de taxes de plus de 38,000 dollars US notifiées par actes extra-judiciaires en mai de cette année.

De plus, les chefs locaux des communautés avoisinantes ont souligné que les obligations sociales promises par Herakles Farms/SGSOC n’ont pas été tenues.

Un changement de leadership

Greenpeace Afrique a confirmé qu’un nouveau directeur des opérations avait été nommé pour la SGSOC, Jonathan Watts, et que le projet avait changé d’investisseurs. Watts est également le directeur général du projet d’huile de palme Volta Red  au Ghana – un autre ancien projet d’Herakles Farms faisant partie du groupe anglais Wyse Group.

Les conséquences de ce changement de direction ne sont pas claires, mais ce projet est toujours le mauvais projet, au mauvais endroit. Il reste un exemple de mauvaise pratique d’investissement en huile de palme au Cameroun.

Greenpeace Afrique insiste sur l’importance l’un plan de gestion des terres effectif au Cameroun et dans le bassin du Congo en général prenant en compte les droits des communautés locales et ouvrant la voie à un développement respectant l’environnement.

Amy Moas est responsable de campagne forêt senior pour Greenpeace USA et Eric Ini est un responsable de campagne forêt pour Greenpeace Afrique