On dansait dans les rues de Mundemba et Fabe quand la nouvelle est arrivée, il ya deux semaines, indiquant que le gouvernement camerounais avait suspendu les opérations d'exploitation forestière d'Herakles Farms. En effet, les communautés de cette région du Cameroun, qui craignaient de perdre leurs terres et leurs moyens de subsistance suite au projet de plantation industrielle de palmier à huile d'Hérakles, ont cru un instant que leur forêt était sauvée.

La nouvelle a été également bien accueillie, quoique de manière un peu moins exubérante, par les ONG camerounaises et les agences internationales basées dans la capitale, Yaoundé. J'ai personnellement rencontré plusieurs acteurs clés qui ont décrit la suspension comme une décision courageuse et juste qui rendra le climat des affaires au Cameroun plus attrayant pour les investisseurs internationaux. En effet, en suspendant ce projet, qui aurait des conséquences sociales et environnementales dévastatrices, le gouvernement renforce sa crédibilité aux yeux de la communauté internationale.

Jai donc été, comme bien d'autres, choqué d'apprendre que la suspension avait été levée la semaine dernière, sans un seul mot d'explication. Les allégations de corruption et de violations du droit national qui pèsent sur le projet d'Herakles Farms, depuis sa création, n'ont pas été prises en compte, et encore moins résolues.

Ces allégations ont été décrites en détail dans un rapport publié par Greenpeace International et l'Institut Oakland la semaine même où la décision de suspension a été publiquement annoncée. Révélant des communications internes de l'entreprise, le rapport exposait comment Herakles Farms a systématiquement trompé le gouvernement et ses investisseurs. Ces documents démontraient qu'apparemment la société savait qu'elle fonctionnait au Cameroun sans les permis et autorisations requis, et que la corruption a vraisemblablement été utilisée pour rassembler des soutiens autour du projet.

Ces derniers temps, il semble de plus en plus clair que la société est également confrontée à de graves problèmes de trésorerie. Ce qui signifie que l'entreprise n'est pas un partenaire de développement viable à long terme, et ne sera pas en mesure d'honorer toutes les promesses qu'elle a faite aux collectivités locales, au gouvernement et aux investisseurs.

En ordonnant la suspension, le gouvernement camerounais a montré qu'il mettait les intérêts de son propre peuple au-dessus de ceux des entreprises étrangères. Mais malheureusement en revenant sur sa décision, les communautés qui dansaient de joie, il y a seulement deux semaines, se sentent aujourd'hui frustrées et abandonnées.

Greenpeace appelle le gouvernement camerounais à mettre fin à ce projet, et à mettre en place un moratoire sur l'attribution de toutes les concessions foncières à grande échelle au Cameroun jusqu'à ce que des gardes fous soient mis en place pour protéger les moyens de subsistance des communautés locales et les forêts dont ils dépendent.