Ce mercredi 15 mai 2013, tous les yeux de ceux qui se sentent concernés par la protection des océans sont tournés vers Washington DC. La "Blue Frontier Campaign" va procéder, officiellement, à la remise des prix de la 6ème édition des "Peter Benchley Awards", récompensant des femmes et des hommes qui se sont distingués pour leurs contributions à la préservation des océans et la défense des intérêts des peuples qui en dépendent.

Lauréat de la catégorie "Stewardship on Oceans", le Président du Sénégal, Macky Sall, ne fera pas le déplacement. Et une question brûle, aujourd’hui, toutes les lèvres :continuera-il de donner raison à tous ceux qui, comme Greenpeace, avaient soutenu sa candidature à cette récompense ?

Cette question trouve ses racines dans une interview accordée par le Président Sall à Inter Press Service (IPS)1, à Washington DC en marge de la cérémonie organisée par le comité d’organisation de la 6ème édition des Benchley Awards au cours de laquelle son prix lui a été remis par anticipation.

"Nous donnons au stock un an et demi pour récupérer. Maintenant, nous devons trouver une approche responsable pour la gestion de cette pêcherie afin que nos pêcheurs  et les chalutiers étrangers puissent pêcher, dans des conditions strictement contrôlées», a-t-il dit à IPS[1].

Comme un cauchemar,  cette déclaration hante, aujourd’hui, le sommeil des communautés de pêcheurs du Sénégal et de la sous-région ouest-africaine qui avaient déjà vu en Macky le héraut de la bonne gestion des pêcheries. 

Elle a subitement plongé dans le doute des millions d’individus qui voyaient en Macky l’incarnation d’un nouveau type de dirigeants africains. Un leader qui porterait le combat de la préservation des ressources marines et de la défense des intérêts des communautés victimes du pillage des ressources dont elles dépendent.

Pour rappel, Macky Sall avait pris des engagements importants allant dans le sens de la protection de nos océans Ce fut le cas notamment dans son dernier discours de la campagne présidentielle en mars 2012 et à l’occasion de son adresse à la nation le 03 avril de la même année[2] .

Il faut dire qu’en ces temps où les lacunes en matière de gouvernance des océans sont criantes, en particulier en Afrique de l’Ouest, la position du Président Sall était porteuse d’espoir. Jadis connue pour la richesse de ses eaux, l’Afrique de l’Ouest n’est pas épargnée par l’épuisement des ressources marines dont dépendent l’emploi et la nourriture de millions de personnes.

De la Mauritanie à l’Angola, les communautés de pêcheurs tirent le diable par la queue. La pêche ne nourrit plus son homme. Alors que certains tentent de s’adapter à la nouvelle situation, d’autres ont été contraints à l’exil.  

Ceci est bien entendu la conséquence de plusieurs facteurs naturels mais surtout humains, au premier rang desquels des politiques de pêche mal pensées, exclusivement portées vers la recherche court-termiste de devises et très souvent dans l’opacité la plus totale.

C’est pour toutes ces raisons que la décision de Macky Sall de chasser des eaux sénégalaises 29 chalutiers pélagiques qui les pillaient fut exemplaire. Elle redonnait aux communautés de pêcheurs du pays leur dignité perdue au fil des temps.

Que s’est-il donc réellement passé dans l’esprit de Macky pour envisager si tôt le retour de ces monstres des mers ? Alors même que les organisations de conservation et de campagne, dont Greenpeace, l’exhortent à prendre son bâton de pèlerin pour promouvoir la bonne gouvernance des pêches dans la région et sur le continent !

Une déclaration d’autant plus surprenante qu’aucun argument social, économique, scientifique ou politique ne saurait la justifier.

J’ose espérer que cette sortie médiatique maladroite du Président Sall sera vite corrigée afin que l’espoir qu’il avait  suscité chez des millions de personnes à travers le monde ne s’éteigne pas avant même d’avoir eu le temps de s’enflammer.