Greenpeace a rencontré récemment les membres de la Plateforme des Acteurs de la Pêche Artisanale au Sénégal (PAPAS) à Joal. L’occasion de recueillir les impressions des pêcheurs artisans, les plus touchés par la surpêche, sur la situation actuelle. Leurs récits.

Gnagna Seck, Saint Louis, Sénégal

Gnagna SECK, femme transformatrice à Saint Louis

" Je suis femme transformatrice, j’habite à St Louis au Nord du Sénégal. Je suis dans la pêche depuis mon enfance. Mais je constate qu’avec le temps beaucoup de choses ont changé dans ce secteur. Il n’y a plus de poissons comme avant. Depuis que l’Etat du Sénégal a commencé à signer des accords de pêche avec les compagnies de pêche étrangères, le poisson se fait de plus en plus rare. Je constate aussi des cas fréquents de disparition de pêcheurs en mer et dont on ignore les causes réelles. Les pêcheurs artisans n’ont aucun intérêt dans ces accords. La pression est très forte sur les ressources halieutiques, en plus des mauvaises pratiques de pêche notamment l’utilisation des filets à petites mailles, les mono filaments. Nous invitons le gouvernement du Sénégal à trouver des solutions à la surpêche et aux pratiques de pêche illégale afin de permettre aux générations futures de bénéficier de la ressource. "

Aby Diouf, Mareyeuse à Ngaparou, Sénégal

Aby Diouf, trésoriere du CLPA de Sindia/Nord à Popenguine.

" Je m’appelle Aby Diouf je travaille comme mareyeuse depuis plusieurs années déjà. Je pense que l’absence d’identification des acteurs de la pêche est un problème important qu’il faut résoudre le plus rapidement possible. La pêche est devenue une porte ouverte à tout le monde, tous ceux qui n’ont pas de qualification ou de métiers se dirigent maintenant dans la pêche. Le secteur est devenu très saturé. Le poisson est devenu une denrée rare parce que l’effort de pêche augmente de jour en jour. Certaines organisations proposent aux pêcheurs des activités de reconversion mais qui ne sont pas durables. Nous devons penser à allier la pêche à d’autres activités génératrices de revenus. A mon avis il faut une bonne gestion du stock existant, arrêter les mauvaises pratiques de pêche ; créer des aires marines protégées ; des sites de reproduction des poissons ; instaurer un repos biologique régulier que tous les acteurs doivent respecter. "

Abdou Karim Sall, pêcheur et Président du PAPAS

Abdou Karim Sall, pêcheur et Président de la Plateforme des Acteurs de la Pêche Artisanale au Sénégal (PAPAS)

" Le problème le plus urgent dans le secteur et auquel il faut trouver une solution rapidement est l’utilisation des mono filaments. L’Etat doit appliquer le règlement sur l’interdiction des mono filaments tel que prévu dans le nouveau code de la pêche adopté en juin 2015. L’utilisation des mono filaments fait partie des facteurs qui font que la pêche ne progresse pas au Sénégal. Pratiquement tous les pêcheurs du Sénégal utilisent les mono filaments, ce qui n’est pas acceptable. J’invite le ministre de la pêche à appliquer la loi à la lettre.

Le deuxième point concerne le programme de subvention des moteurs des pirogues. C’est un projet du ministère qui va à l’encontre de la réduction de l’effort de pêche tant demandé par tous les acteurs de la pêche pour faire face à la pression sur la ressource. Je pense qu’il est incohérent de demander aux pêcheurs de réduire l’effort de pêche et ensuite revenir leur dire qu’on va subventionner les moteurs de pêche pour leur permettre d’aller pêcher davantage.

Je déplore aussi la prolifération des usines de transformation de poissons dans tout le pays. Il y a au moins onze usines de farine de poissons au Sénégal et d’autres sont en construction. Cela n’augure rien de bon pour la pêche sénégalaise qui souffre déjà de surexploitation et de toutes les formes de pêche illégale. J’appelle les pêcheurs du Sénégal à aller vers la mise en place d’une organisation nationale forte pour que nous puissions avoir notre mot à dire sur tout ce qui se décide dans ce pays particulièrement concernant la pêche dont dépendent des millions de sénégalais. "