Le mois dernier, Greenpeace Afrique a publié un rapport sur la façon dont le secteur de l’exploitation forestière illégale en République démocratique du Congo (RDC) se trouve dans un état de chaos organisé,  de nombreuses compagnies bafouant la réglementation et menaçant les vastes forêts du pays.

Le rapport intitulé « 
Coupez ! L’exploitation forestière illégale en RDC »  prévoyait également que ce chaos rendrait extrêmement difficile, voire impossible, le respect du nouveau règlement sur le bois de l’Union européenne (RBUE), entré en vigueur le 3 mars, par les négociants établis dans l’UE et commercialisant du bois de RDC.

Un peu plus d’un mois plus tard, tant ces préoccupations que la nécessité d’un règlement ont été démontrés dans le port belge d’Anvers, un important port d’entrée en Europe pour le bois en provenance de RDC. Une cargaison de 40m3 d’Afrormosia (teck africain), expédiée par la société d’exploitation forestière Tala Tina, est actuellement bloquée par les autorités belges, après qu’un travail d’enquête mené par Greenpeace Belgique a soulevé des interrogations sur sa légalité. 

La RBUE interdit la commercialisation du bois et des produits dérivés du bois, issus d’une récolte illégale, sur le marché européen. Le règlement vise ainsi à réduire les activités d’exploitation clandestine qui exercent un impact sur des millions de citoyens congolais qui dépendent des forêts pour leurs moyens d’existence, alimentent la corruption et privent le gouvernement de la RDC de recettes fiscales.

Cette cargaison d’Afrormosia à Anvers constitue un premier test du nouveau règlement. Greenpeace a alerté les autorités sur la cargaison, dont la valeur est estimée entre 80,000 et 90,000 USD.

Il existe de nombreuses raisons de se montrer suspicieux. Premièrement, le contrat de concession de Tala Tina en RDC n’a jamais été publié, ce qui constitue une violation de la législation congolaise. Deuxièmement, aucune trace de l’«Autorisation de Coupe Industrielle du Bois d’Œuvre» (ACIBO) annuelle, également requise par la loi, n’a été retrouvée. Troisièmement, la province de Bandundu, où Tala Tina détient son permis d’exploitation forestière, n’abrite presque pas d’Afrormosia. Il est donc possible que l’entreprise ait acheté ce bois à un tiers, ce qui comporte aussi un risque considérable d’illégalité.

Cette essence forestière étant menacée d’extinction, le commerce de l’Afrormosia est soumis à des conditions strictes  balisées dans  la Convention sur le commerce international des espèces menacées d’extinction (CITES). Greenpeace a contacté les organes de la CITES en RDC et en Belgique afin de leur exprimer sa préoccupation, étant donné que les pays d’exportation et d’importation sont conjointement chargés de veiller au respect de ces conditions commerciales. Malheureusement, il s’agit trop souvent d’un exercice purement administratif. Pour les pays à risques tels que la RDC, où le secteur est miné par la corruption et où les contrôles sur le terrain brillent par leur rareté, une vérification administrative est loin d’être suffisante. En cas de doute, les organes de la CITES sont légalement tenus de vérifier la légalité – laquelle est d’autant plus importante dans le cadre du RBUE, qui a créé une « allé verte » pour les essences forestières énumérées dans la CITES qui pénètrent dans l’UE avec un certificat valide. À défaut d’une application stricte, il pourrait en résulter une brèche importante.

Ce cas démontre une fois de plus que le secteur de l’exploitation forestière en RDC échappe à tout contrôle. Il est temps, pour le gouvernement de la RDC, de lutter contre la corruption et de sévir contre la violation de la législation congolaise par les agents forestiers et les sociétés forestières, ainsi que de faire passer les intérêts de sa population et de ses forêts en premier.