La presse le révélait en fin de semaine passée : la création d’un méga projet de centrale électrique biomasse est dans les cartons du gouvernement wallon. Pourquoi "méga" ? Car il s’agirait d’une centrale d’une puissance de 200 MW - la moitié du réacteur nucléaire Doel 1 - dont l’essentiel de la biomasse serait importée du… Canada et des Etats-Unis !

La Wallonie y croit tellement qu’elle réserverait pour l’occasion 965.000 certificats verts pour la biomasse en 2021. C’est presque six fois plus que pour l’éolien et quinze fois plus que les certificats verts pour le photovoltaïque. Celles-ci sont pourtant les technologies les plus matures et les moins chères sur le marché aujourd’hui.



Critères environnementaux stricts

On distingue essentiellement la biomasse générée au départ de déchets de celle provenant de matières végétales spécialement produites. Dans le premier cas, il peut s'agir de déchets végétaux comme, par exemple, des noyaux d'olive, des boues d'épuration ou des déchets non recyclables en décharge. Quant à la biomasse produite, elle peut provenir de forêts ou de cultures. Ce qui pose différents problèmes, notamment de souveraineté alimentaire et d'affectation des sols.

Greenpeace reconnaît depuis longtemps la place que la biomasse peut remplir dans un mix énergétique renouvelable. Mais dans notre scénario de la [R]évolution énergétique, nous insistons également sur l'importance d'appliquer des critères environnementaux stricts. En ce qui concerne la biomasse forestière, l'utilisation de déchets de scierie ou d'usines de pâte à papier peut être une option valable. Mais le "boom" sur la biomasse impose une telle pression qu'on observe à présent une tendance à déforester. Ce qui n'est bon ni pour le climat, ni pour la biodiversité ni pour la qualité de l'air.

Pas une solution pour diminuer nos émissions de CO2

La biomasse n’est donc pas une arme efficace pour diminuer nos émissions de gaz à effet de serre. En effet, le C02 libéré lors de la combustion de la biomasse n'est neutralisé que lorsque les plantes poussent à nouveau. Et il est nécessaire de tenir compte du CO2 émis lors des opérations de récolte et d'exploitation.

Et sur le rendement d’une installation biomasse, il faut avoir en tête que le pouvoir calorifique du bois est faible. Sa transformation en électricité nécessite des volumes importants. La biomasse forestière est constituée pour moitié d'eau. Il faut donc la sécher d'abord. Lorsque l'on brûle 100 arbres, le pouvoir calorifique de 75 arbres est perdu. De nouvelles technologies comme la cogénération permettent d'optimaliser un peu le rendement de la biomasse forestière.

Par ailleurs, l'analyse du cycle de vie des pellets permet de démontrer que l'équivalent de 25% du pouvoir calorifique des pellets est perdu lors de la transformation du bois en pellets. Cette portion pourrait même être plus importante lorsqu'il s'agit de pellets fabriqués au départ de biomasse prélevée dans les forêts.



Electrabel, encore et toujours

Beaucoup de questions sans réponse demeurent, tant sur la rentabilité que sur la durabilité de la biomasse en général. Et sur ce projet en particulier. Le gouvernement wallon mentionne dans sa "déclaration de politique régionale" qu’il s’engagera à définir des critères de durabilité pour la biomasse. Il est temps que cela se fasse et que ce soit aussi appliqué à ce futur projet.

Mais en est-il seulement capable ? Il semble en effet qu’Electrabel soit aussi très proche du cabinet Furlan. Ou, du moins, qu’ils puissent bien s’entendre sur le dossier biomasse, après avoir mis la main le nucléaire et le cabinet Marghem...  C’est que, en tant que propriétaire des Awirs 4, centrale biomasse actuellement en fonction en Wallonie, Electrabel s’inquiète. Eh oui, l’octroi des certificats verts pour cette installation cessera en 2020 ! Faute de ce soutien, Electrabel devra alors mettre la clé sous le paillasson aux Awirs, manque de rentabilité oblige.

On suppose donc qu’ils sont ravis de constater (voire même d’avoir influencé le débat ?) la réservation de 965.000 CV pour la biomasse en 2021 ! Le projet d’appel d’offres du ministre semble en tout cas intéresser le géant énergétique. Celui-ci est d’ailleurs bien informé puisque dans le  groupe de discussion "bois-énergie" chargé de mener les discussions sur la biomasse en Wallonie, le seul producteur d’électricité présent n’est autre qu’Electrabel…

Cherchez l’erreur !