Une nouvelle investigation de Greenpeace l’affirme à nouveau ce jeudi : des importateurs de bois belges contribuent à l’exploitation forestière illégale en Amazonie brésilienne. Un triste constat qui n’est malheureusement pas neuf puisque nous avons déjà, par le passé, dénoncé à de multiples reprises les pratiques frauduleuses menant à l’importation, en Europe, de bois illégal ou suspect provenant de l’Amazonie brésilienne.

Les résultats d’une enquête menée par le parquet fédéral brésilien confirment ce que nos précédents rapports avaient clairement identifié : la fraude au moyen de documents officiels est un phénomène très répandu. Le 24 août dernier, le parquet  de Santarém et la police fédérale brésilienne ont révélé une fraude à grande échelle portant sur des documents officiels utilisés pour blanchir du bois illégal. Une vaste opération « choc » mobilisant plus de 100 policiers sur le terrain et débouchant sur l’arrestation de 21 personnes… dont des fonctionnaires en poste dans plusieurs institutions publiques du pays.

Madeireira Iller et 12 entreprises belges

L’entreprise impliquée dans ce qui était peut-être l’un des plus grands réseaux de commerce de bois illégal du pays s’appelle Madeireira Iller Ltda. Outre l’exploitation, l’entreprise dispose également de scieries et exporte le bois hors du pays. Ses propriétaires ont été arrêtés et inculpés de diverses infractions pénales.

Parmi les clients de Madeireira Iller au cours des 18 derniers mois, on recense pas moins de 12 entreprises belges. Selon nos informations, Vogel Import Export NV (Anvers) et Leary Forest Products (Merksem) ont directement acheté du bois à la compagnie brésilienne. Leary Forest Products est intervenu en qualité d’agent entre 2014 et 2015, au profit des entreprises belges suivantes : Byttebier Hout (Lier), Hout Debeuckelaere (Kortemark), Desindo (Gand), DDW Hardwoods et  Denderwood (Erpe-Mere), W. Houthoff & Zoon (Anvers), Lagae (Courtrai), Martens (Schoten), Omniplex (Harelbeke) et Vandecasteele Houtimport (Aalbeke). Bon nombre d’entre elles avaient déjà été citées dans les précédents rapports de Greenpeace, tandis que Leary Forest Products, lui, avait été mentionné à chaque fois.

Absence de bonne volonté

Dès lors, la question, lancinante, se pose à nouveau : qu’attendent les autorités belges et les entreprises importatrices  pour agir de manière crédible afin de lutter contre l’exploitation forestière illégale au lieu de l’encourager ? Car une fois de plus, notre nouveau rapport met en évidence, au-delà des discours, le manque de volonté de la plupart des acteurs belges lorsqu’il s’agit d’appliquer strictement le Règlement Bois de l’Union européenne.

Les investigations du parquet brésilien devraient pourtant suffire à alerter tous les opérateurs du secteur : le bois amazonien du Brésil doit être considéré comme étant à très haut risque. Répétons-le, vu que les autorités belges et les entreprises importatrices préfèrent faire la sourde oreille : des documents officiels ne suffisent pas à attester la légalité du bois amazonien du Brésil et ils servent souvent à blanchir du bois illégal.

Et la législation européenne dans tout ça ? Et les mesures qui doivent être prises par les entreprises importatrices pour atténuer le risque d’acquérir du bois illégal ? Négligées. A notre connaissance, et à une exception près, aucune compagnie identifiée par notre enquête à laquelle Madeireira Iller a proposé du bois n’a fait le nécessaire. Il existait pourtant suffisamment d’information publiquement disponible pour conclure que le risque d’illégalité était élevé.

Plaque tournante

Pour Greenpeace, c’est clair : la Belgique ne fait toujours presque rien, continuant de prendre la problématique du bois illégal à la légère. L’espoir d’assister à un retournement de situation est même plutôt mince. Et pour cause, seuls un mi-temps et 20 000€ par an sont consacrés à l’application du Règlement Bois de l’Union européenne, pour le contrôle de près de 6.000 entreprises.

Jusqu’à présent, les actions entreprises par notre pays pour faire respecter à la lettre la législation européenne sont évidemment trop faibles. Depuis juin 2014, l’autorité compétente belge a procédé à 16 contrôles tandis qu’aucune sanction n’a été imposée, malgré la présence de bois à haut risque d’illégalité sur le marché belge.

Alors oui, la Ministre de l’Environnement Marie-Christine Marghem a annoncé en juin de cette année un renfort d’effectifs au niveau des inspecteurs mais à ce jour, nous n’avons pas vu la moindre mesure concrète. Les opérateurs négligents peuvent dès lors poursuivre leurs activités habituelles en toute impunité, avec pour conséquence une concurrence déloyale vis-à-vis d’entreprises qui, elles, respectent leurs obligations.

"Belgique, plaque tournante du bois illégal en Europe" disions-nous en octobre 2014. Un an plus tard, le constat reste identique. Madame Marghem, combien de fois devrons-nous encore tirer la sonnette d’alarme ?

En savoir plus ?

La crise silencieuse de l’Amazonie (Mai 2014) 

La crise silencieuse de l’Amazonie : La nuit, tous les crimes sont permis (Octobre 2014) 

The Amazon’s  Silent Crisis: Licence to Launder (Juin 2015)

The Amazon’s Silent Crisis: Partners in Crime (Novembre 2015)