La liberté d'expression contre le réchauffement climatique : victoire juridique de Greenpeace contre Esso

Actualité - novembre 19, 2005
Après trois ans de bataille juridique, le géant pétrolier ESSO échoue à museler la liberté d'expression. Assignée en référé en juin 2002 et accusée de contrefaçon pour avoir parodié le logo de la compagnie sur son site Internet STOP E$$O, Greenpeace vient de gagner le 16 novembre 2005 l'appel de la procédure de fond.

Le logo ESSO parodié par Greenpeace

Estimant que Greenpeace France est "restée sur le seul terrain de la polémique...", "n'a pas critiqué les produits vendus sous la marque ESSO..." et "a inscrit son action dans les limites de la liberté d'expression", la cour a rejeté l'action en contrefaçon menée par Esso. Et ce, notamment, en raison du  "principe à valeur constitutionnelle de la liberté d'expression, par ailleurs reconnu par les traités et conventions internationales qui permet à l'association Greenpeace de dénoncer dans ses écrits ou sur son site, sous la forme qu'elle estime appropriée au but poursuivi, les atteintes à l'environnement et les risques causés à la santé humaine par certaines activités industrielles."

La Cour a également écarté l'argument de l'entreprise selon lequel Greenpeace serait intervenue dans la vie des affaires en vendant des tee-shirts portant la marque ESSO contrefaite et a stigmatisé la "plus parfaite mauvaise foi de la société ESSO" sur ce point (Les tee-shirts en question ayant été commercialisés par une structure britannique et non par Greenpeace France). L'action du pétrolier fondée sur les prétendus agissements parasitaires et de dénigrement de l'association est également rejetée car, estime la Cour d'appel, "la critique concernant la politique de la société ESSO, ouverte au public par l'association GREENPEACE FRANCE sur son site Internet n'excédant pas les limites de la liberté d'expression, il ne saurait y avoir dénigrement". La Cour souligne encore que ESSO a reconnu dans ses propres écritures (page 17§5) que "les produits et services ESSO ne souffrent d'aucune critique de la part de Greenpeace".

"Il s'agit d'une excellente nouvelle sur le fond et sur la forme, explique Laetitia de Marez, chargée de campagne Climat pour Greenpeace. Sur la forme, cela signifie que la liberté d'expression ne peut être muselée juridiquement. Sur le fond, et à moins de 10 jours de la COPMOP de Montréal où sera discuté l'après 2012 pour Kyoto, il faut rappeler qu'ESSO a déjà dépensé des millions de dollars pour saboter l'action internationale contre les changements climatiques, notamment en achetant la complaisance du Président Bush à l'égard de l'industrie pétrolière. Ce coup de projecteur sur la responsabilité d'une entreprise comme ESSO dans le réchauffement climatique global est donc particulièrement intéressant."

Pour rappel, Greenpeace a lancé en 2001 une campagne internationale de dénonciation de l'attitude d'Esso qui bien que compagnie pétrolière la plus riche et la plus influente du monde met tout en oeuvre depuis ces dix dernières années afin d'empêcher le consensus scientifique sur le réchauffement climatique et de s'assurer la complicité de l'administration Bush contre le protocole de Kyoto.

"Après cette victoire et en attendant une conclusion identique en janvier prochain dans le procès similaire intenté par Areva, nous continuons de montrer que les luttes légitimes peuvent et doivent se faire entendre, analyse Yannick Jadot directeur des campagnes de Greenpeace France. Une entreprise comme Esso doit absolument comprendre que son comportement et son impact sur la planète ne sont plus supportables. Au delà du cas ESSO, c'est une grande victoire pour la liberté d'expression".

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