Lettre ouverte à Madame Viviane Reding, Vice-présidente de la Commission européenne

Actualité - mars 11, 2010
Madame la Vice-présidente, Le 2 mars 2010, la Commission européenne a autorisé la culture dans l’Union européenne de la pomme de terre OGM «Amflora» développée par le géant allemand de la chimie BASF. Alors que 2010 a été déclarée année internationale de biodiversité, qui est notamment menacée à travers le monde par les cultures OGM, on retiendra que la Commission Barroso II autorise dans le cadre de l’une de ses toutes premières décisions la culture d’une pomme de terre génétiquement modifiée, ce qui constitue la première autorisation de ce type depuis 1998!

Pour éviter tout débat au sein de la Commission européenne, le Commissaire à la santé, M. Dalli, en accord avec le Président Barroso a préféré utiliser en catimini une démarche qui manque tout à fait de transparence, la procédure dite « écrite », pour permettre l'autorisation de cette pomme de terre. C'est-à-dire que chaque Commissaire avait trois jours pour apporter ses objections par écrit contre l'autorisation de la culture de la pomme de terre OGM en Europe. Apparemment, aucun Commissaire européen n'a réagi dans les courts délais impartis, ce qui a permis à M. Dalli de prononcer l'autorisation avant la période d'ensemencement.

Madame la Vice-présidente, les organisations de l'Initiative «Luxembourg sans OGM» sont stupéfaites et fortement déçues par votre manque de réaction dans ce dossier. Vous ne vous êtes pas prononcée publiquement contre la pomme de terre OGM et, d'après nos informations, vous n'avez pas insisté auprès des autres Commissaires, notamment auprès de M. Dalli, pour qu'ils refusent de donner l'autorisation à la culture de cette pomme de terre OGM très controversée. Que vous annonciez, deux jours après l'autorisation de «Amflora», dans un courrier-réponse à une lettre qui vous été envoyée le 11 février 2010 par une des organisations de l'Initiative «Luxembourg sans OGM»: «...ma position sur la question (des OGM) ne diffère pas de celle du Président José Manuel Barroso» est incompréhensible. Il est inacceptable que la Commissaire européenne  proposée par le Gouvernement luxembourgeois - qui, lui refuse les OGM - accepte de jouer le jeu des lobbies pro-OGM à Bruxelles et soutient en connaissance d'évidences scientifiques alarmantes relatives aux OGM et contre l'opinion des citoyennes et citoyens la politique résolument pro-OGM du Président Barroso.

Dans la Charte «Luxembourg et Grande Région 2009 sans OGM» les organisations de l'Initiative «Luxembourg sans OGM» demandent notamment l'application du principe de précaution et l'adoption d'un moratoire sur les nouvelles autorisations d'organismes génétiquement modifiés au niveau de l'Union européenne. Nous tenons à vous rappeler, Madame la Vice-présidente, qu'au Luxembourg 83% des citoyennes et citoyens se sont prononcés contre l'utilisation des OGM dans l'agriculture et la chaîne alimentaire, que déjà 86 communes se sont déclarées «commune sans OGM» suite à un vote dans leurs conseils communaux et que le programme gouvernemental se prononce clairement contre les OGM. Le gouvernement soutient toutes les  démarches en faveur de zones sans organismes génétiquement modifiés et adopte le principe de précaution en matière d'OGM. Il affirme aussi son soutien à l'Initiative «Luxembourg et Grande Région sans OGM». En 2009, les citoyennes et citoyens du Luxembourg vous ont exprimé leur confiance sur la base d'un programme électoral qui se prononce contre les OGM et pour la protection de la biodiversité. Votre décision à Bruxelles renie l'engagement que vous avez pris sur ce point.

Que vous souteniez en tant que Vice-présidente de la Commission européenne une politique résolument pro-OGM va à l'encontre du choix des consommateurs de l'Union européenne qui refusent en grande majorité les OGM. Il en est de même pour la plupart des Etats membres, à commencer par le Luxembourg. Les ministres luxembourgeois se battent avec engagement depuis des années dans les différents conseils des ministres européens pour protéger les consommateurs, les agriculteurs et l'environnement contre les effets négatifs des OGM. L'Initiative «Luxembourg sans OGM» encourage d'ailleurs le Gouvernement luxembourgeois à poursuivre ses efforts au niveau européen. 

Vous n'êtes pas sans savoir que la pomme de terre génétiquement modifiée que vous venez d'autoriser à la culture partout en Europe contient des gènes marqueurs résistants à certains antibiotiques. L'Organisation Mondiale de la Santé et l'Agence européenne des médicaments se sont toutes deux prononcées contre les marqueurs utilisés dans la pomme de terre «Amflora» qui a recours à des «antibiotiques d'importance critique» pour la santé humaine et animale. La dissémination d' «Amflora» dans l'environnement pourrait accroître la résistance des bactéries aux antibiotiques notamment utilisés dans le traitement de maladies comme la tuberculose. Bien que destinée à un  usage industriel, il ne faut pas être naïf. Les risques de dissémination incontrôlée, comme vient de le montrer encore récemment le cas de la contamination OGM du lin, existent aussi pour la pomme de terre OGM. En cas de contamination OGM de cette filière agricole et alimentaire, les conséquences économiques et sanitaires seraient dramatiques.

Madame la Vice-présidente, au cours des dernières semaines les organisations de l'Intiative «Luxembourg sans OGM» vous ont fait parvenir tous ces éléments et études relatifs à cette plante OGM. D'après nos informations, c'est donc probablement en connaissance de cause que vous avez soutenu le Président Barroso dans sa poltique irresponsable en matière d'OGM et que vous avez contribué à ce que la Commission européenne autorise la pomme de terre OGM qui comporte d'énormes risques pour l'environnement, la santé des consommateurs et l'avenir de l'agriculture. Face aux études qui démontrent les effets négatifs à long terme des OGM sur la santé et l'environnement, la politique affichée par la Commission européenne d'autoriser de plus en plus d'OGM est un acte irresponsable. La Commission n'a pas le droit de léser les agriculteurs et les consommateurs européens au profit de quelques multinationales productrices d'OGM.

Nous vous demandons instamment de respecter vos engagements et de vous prononcer publiquement contre l'autorisation de nouveaux OGM dans l'Union européenne et d'agir en conséquence. Nous vous demandons également de communiquer dorénavant en toute transparence et de vous concerter avec le Gouvernement luxembourgeois sur la politique en matière d'OGM que vous allez défendre à l'avenir à Bruxelles.

Les 29 organisations de l'Initative «Luxembourg sans OGM»:

Aide à l'Enfance de l'Inde, Association Solidarité Luxembourg Nicaragua, ASTM, Attac Luxembourg, Bauerenallianz, bioLABEL Lëtzebuerg, BIONA, Caritas Luxembourg, Demeter Bond Lëtzebuerg, Église Catholique à Luxembourg, Ëmweltberodung Lëtzebuerg asbl. (EBL), FCPT - SYPROLUX, FNCTTFEL - Landesverband, Fondation Hëllef fir d'Natur, Frères des Hommes, GREENPEACE Luxembourg, Haus vun der Natur, Initiativ Liewensufank, LCGB, Lëtzebuerger Natur- a Vulleschutzliga, Lëtzebuerger Landesverband fir Beienzuucht, Life asbl., Mouvement Écologique, OGBL, Slow Food Lëtzebuerg, SOS Faim Luxembourg, Stroossekanner Sao Paulo a.s.b.l., TransFair - Minka a.s.b.l., Union Luxembourgeoise des Consommateurs (ULC).