Le contraste marqué entre la forêt pluviale vierge d'Indonésie et le territoire dégagé pour faire place aux plantations destinées à la production d'huile de palme.
Une alliance de 18 organisations et institutions
luxembourgeoises avait, à la mi-avril, invité le gouvernement
luxembourgeois à se prononcer contre cet objectif des 10%
d'agro-carburant. Le 20 mai, des représentants de cette plateforme
se sont exprimés à cet égard lors d'une consultation organisée en
présence de la Commission Environnement et de la Commission
Agriculture du Parlement.
Vos déclarations sur le thème des agro-carburants lors de la
Déclaration sur l'état de la Nation du 22 mai n'ont fait
qu'accroître notre inquiétude.
Le 5 juin et le 6 juin, les Ministres de l'Environnement et de
l'Energie de l'Union européenne se réuniront afin de discuter entre
autres des questions d'avenir en matière d'énergie et de protection
du climat. En tant qu'organisations luxembourgeoises signataires,
nous souhaitons notamment vous faire connaître notre point de vue
quant aux arguments avancés dans la Déclaration sur l'état de la
Nation visant à justifier l'addition obligatoire d'agro-carburant
dans l'essence et le diesel.
Nous lançons un appel solennel au gouvernement luxembourgeois
afin qu'il intervienne au niveau des institutions européennes en
faveur de l'annulation pure et simple de la mesure absurde que
constitue le quota obligatoire d'intégrer 10 % d'agro-carburant
dans le secteur des transports..
Les chefs d'Etat et de gouvernement de l'UE avaient accepté au
printemps 2007 l'objectif d'un quota obligatoire de 10 %
d'agro-carburant, sous réserve de la garantie que la production se
ferait de façon durable et de la disponibilité d'agro-carburant de
2ème génération sur le marché.
Les connaissances scientifiques acquises depuis lors nous
permettent toutefois d'affirmer que cet objectif ne peut être
atteint sous respect du critère de durabilité:
- les agro-carburants mettent en danger la sécurité alimentaire
de millions de personnes supplémentaires;
- la production d'agro-carburant dans les pays émergents et les
pays en voie de développement conduit fréquemment au vol de terres,
se fait dans des conditions de travail inhumaines et entraîne de
graves violations des droits de l'homme;
- l'assertion selon laquelle l'utilisation des agro-carburants
permettrait de réduire les émissions de gaz à effet de serre est
douteuse;
- la production d'agro-carburant entraînera de manière
significative une destruction supplémentaire des écosystèmes
naturels, notamment des dernières forêts vierges, et contribuera de
manière dramatique à l'émission de gaz à effet de serre et à la
disparition de la biodiversité.
La directive projetée a pour objectif de contribuer à la
réduction du CO2 et de lutter contre le réchauffement climatique
par le biais des énergies renouvelables. La biomasse sera sans
aucun doute amenée à jouer un rôle dans l'approvisionnement
énergétique futur. Nous souhaitons, à ce titre, souligner
expressément que nous ne nous opposons pas a priori à l'utilisation
de la biomasse à des fins énergétiques. Mais la fixation d'un
objectif quantitatif précisément dans le cadre de l'utilisation la
plus inefficace qui soit de la biomasse, à savoir en tant que
carburant pour les automobiles et les poids lourds, équivaudrait
forcément à un gaspillage de ressources et d'espaces naturels.
La biomasse produite de manière durable peut en effet être
utilisée de manière beaucoup plus efficace dans le cadre de la
cogénération de chaleur et d'électricité et contribuer ainsi bien
davantage à la lutte contre le réchauffement climatique que
l'utilisation inefficace des agro-carburants dans le secteur des
transports. Aussi la question essentielle n'est plus de savoir si
un quota obligatoire de 10 %, 5 % ou 2 % se justifie.
Nous demandons la suppression pure et simple dans la proposition
de directive de la clause relative au quota d'utilisation des
agro-carburants. Seule cette suppression permettra de garantir une
utilisation de la biomasse à des fins énergétiques dans les
secteurs où elle est susceptible de fournir une contribution
optimale à la lutte contre le réchauffement climatique.
Nous exigeons en outre un renforcement des critères
environnementaux proposés par la Commission européenne en matière
d'utilisation de la biomasse en vue de lui octroyer une réelle
dimension durable. Par ailleurs, nous trouvons essentiel que des
normes strictes dans le domaine social et les droits de l'homme
soient intégrés à ces critères.
Les agro-carburants dits de "2ème génération" ne constituent pas
non plus un remède miracle: ils n'en sont encore qu'au stade de la
recherche et de l'expérimentation et ne représentent pas une base
solide permettant de déterminer des objectifs quantitatifs.
Peut-être seront-ils à même d'offrir de telles garanties dans dix
ans, mais sans aucune certitude. Comme dans le cas des
agro-carburants de 1ère génération, la question se pose de savoir
comment assurer une mise à disposition écologiquement et
socialement responsable des quantités considérables de matières
premières nécessaires à la production de ces carburants. L'Institut
de recherche de la Commission européenne, le Joint Research Center
(JRC), parvient dans son analyse de mars 2008, à la conclusion que
les carburants de 2ème génération ne pourront, d'ici 2020,
vraisemblablement pas être compétitifs, en raison de leurs coûts de
production élevés par rapport aux carburants de 1ère génération
(tels que l'huile de palme, l'huile de soja et l'agro-éthanol). Le
JRC a mis en outre en évidence le fait que les matières premières
servant à la production des carburants de 2ème génération, tels que
le bois, devront en grande partie être importés de pays se trouvant
en dehors de l'UE, compte tenu du fait que les ressources propres
en bois suffisent à peine à approvisionner en matières premières
l'industrie de transformation du bois et les centrales thermiques
et électriques.
Les agro-carburants de 2ème génération ne manqueront pas non
plus d'entraîner une hausse des prix des denrées alimentaires. Il
est illusoire de croire qu'il pourrait exister des agro-carburants
"neutres en terme de crise alimentaire", alors que le mécanisme du
prix des terrains utilise obligatoirement les meilleures surfaces
pour produire les rendements les plus élevés, sans tenir compte de
l'existence d'une éventuelle "réserve de surfaces" visant à
sauvegarder l'indispensable sécurité alimentaire.
La directive relative aux énergies renouvelables a notamment
pour objet la lutte contre le réchauffement climatique et, partant,
la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Les réductions
de CO2 dans le secteur des transports devront être réalisées par
d'autres moyens, par ex. par une augmentation de l'efficacité des
automobiles et par le développement et l'utilisation accrue des
transports en commun ainsi que par la prise en charge par le rail
du trafic des marchandises.
Plus de 50% de la consommation finale luxembourgeoise en énergie
trouve son origine dans le secteur des transports. Les difficultés
du Luxembourg à respecter les obligations lui incombant en vertu du
protocole de Kyoto proviennent principalement de son incapacité à
prévoir en temps utile une sortie de la politique du "tourisme à la
pompe".
Il semblerait que le Luxembourg souhaite "verdir" sa politique
non durable dans le domaine des finances publiques et des
transports, en recourant de manière excessive aux agro-carburants
pour atteindre la part nécessaire des énergies renouvelables, au
lieu de chercher à diminuer sa dépendance des ventes de
carburant.
En d'autres termes, tout porte à croire que le Luxembourg
accepte que sa consommation élevée d´énergie s´accompagne de la
violation des droits de l´homme, de crises alimentaires et
d'atteintes à l'environnement. Une telle attitude ne saurait se
justifier.
Les organisations signataires:
Action Solidarité Tiers Monde
Archevêché de Luxembourg
Caritas Luxemburg
Cercle de Coopération Luxembourg
Eurosolar Lëtzebuerg
d´Haus vun der Natur
Hëllef fir d´Natur
Greenpeace Luxemburg
Lëtzebuerger Natur-a Vulleschutzliga
Luxemburger Kommission "Justitia et Pax"
Mouvement Ecologique
Transfair Minka
Veräin fir biologesch-dynamesch Landwirtschaft Lëtzebuerg
(Demeter Bond)
Verenegung fir biologesche Landbau Lëtzebuerg (bio-LABEL)