La Cour administrative enterre la protection des zones Natura 2000

Communiqués de presse - décembre 15, 2011
La Cour administrative vient de rendre son jugement dans l’affaire qui oppose Greenpeace à la construction de la ligne haute tension de la société Sotel (Société de Transport d'Energie Electrique du Grand-Duché de Luxembourg) prévue pour connecter le réseau luxembourgeois au réseau français. Cette ligne doit permettre d'importer de l’électricité produite dans des centrales nucléaires afin d'alimenter les aciéries d'ArcelorMittal. La Cour administrative a confirmé et en partie réformé le jugement du tribunal administratif du 28 mars 2011 et est d’avis que la loi luxembourgeoise très stricte sur la protection de la nature ne doit pas être appliquée pour des projets qui sont susceptibles d’avoir un impact sur les zones Natura 2000.

La loi luxembourgeoise sur la protection de la nature prévoit selon l'article 12 que «Tout projet ou plan, individuellement ou en conjugaison avec d’autres plans et projets, susceptible d’affecter une zone protégée prévue par la présente loi fait l’objet d’une évaluation de ses incidences sur l’environnement». Selon la loi luxembourgeoise, le ministre ne peut pas formuler un jugement sans évaluation des incidences. La directive européenne est moins stricte et ne demande une évaluation des incidences  que pour les plans et programmes qui sont susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement. Afin de déterminer si un projet peut avoir un impact sur une zone protégée, l’auteur du projet doit faire une étude d’impact ou une pré-évaluation et c’est l’État qui juge si une évaluation des incidences plus détaillée est nécessaire ou non.

Dans son jugement, la Cour administrative n’a pas appliqué la loi luxembourgeoise mais est d’avis que l’étude d’impact (ou étude préliminaire) de Sotel a suffi au Ministre de l’environnement pour savoir si les travaux réalisés pour le compte de Sotel (avec pelles mécaniques, gros camions, travaux de remblai et de déblai, etc.) vont avoir un impact ou non sur la zone Natura 2000. On pourrait donc croire que la non application de la loi luxembourgeoise a pour corollaire la volonté de respecter l'esprit de la directive européenne. Ce qui n'est pas le cas, puisque l'étude Ecotop sur laquelle s'est fondée le ministre pour prendre une décision ne respecte pas les conseils méthodologiques formulées par la Commission européenne dans un guide «Evaluation des plans et projets ayant des incidences significatives sur des sites Natura 2000» paru en novembre 2001. Du reste, l’expert français, Monsieur Jean-Luc Mériaux, chargé par Greenpeace d’analyser l’étude d’impact de Sotel, avait sévèrement critiqué cette étude et avait conclu que:

 - la période tardive des inventaires nécessaires à l’état initial,

- l’absence de mise à jour des études de terrain réalisées en 2006,

- l’absence de méthodologie reconnue sur le plan scientifique et précise dans la détermination des habitats, avec une cartographie non adaptée pour ces habitats de type «agropastoraux», en particulier la pelouse de l’Alysso-Sedion albi, d’intérêt communautaire prioritaire (état de conservation A),

- une bande d’étude insuffisante au regard de l’avifaune nicheuse et du risque de perturbation de la nidification,

font que «l’étude de pré-évaluation» (nommés ainsi par les auteurs) réalisée présente plusieurs défauts qui ne permettent pas de conclure à la nécessité ou non d’une étude d’évaluation complète.

Ce qui signifie que l'étude Ecotop ne peut pas être assimilée à une étude d'impact parce qu'elle ne se fonde pas sur une méthodologie correspondant aux critères retenus par la Commission européenne pour élaborer une évaluation rigoureuse.  Si en droit, le législateur luxembourgeois a prévu, avec l'article 12 de la loi du 19 janvier 2004, un cadre plus sévère que la directive qu'il transposait, en fait, la pratique luxembourgeoise, selon l'avis rendu par la Cour administrative, serait beaucoup plus souple puisqu'elle obéit à des critères d'opportunité n'ayant pas de cadre légal. 

«Ce jugement ouvre la porte à la destruction des zones Natura 2000», a déclaré Roger Spautz de Greenpeace Luxembourg. «Un ministre peut juger sur la base d’une étude bidon si un projet va avoir un impact négatif ou non sur la faune et la flore protégée. Le ministre juge d’après les intérêts économiques de certains acteurs et non de la protection de la nature».

Suite au refus de la commune de Sanem d’accorder une autorisation de construction à Sotel – puisque le projet de ligne haute tension n’est pas en accord avec le plan d’aménagement général (PAG) de la commune – et le jugement du tribunal administratif dans l’affaire du recours de Sotel contre ce refus du 14 novembre 2011, les travaux pour le raccordement au réseau nucléaire français restent néanmoins suspendus.

Greenpeace Luxembourg a introduit une plainte auprès de la Commission européenne contre l’État du Grand-Duché du Luxembourg pour non-respect de la Directive 92/43/CEE du Conseil concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages et de la Directive 79/409/CEE du Conseil concernant la conservation des oiseaux sauvages.

Pour toute information supplémentaire: Roger Spautz; tel: 54625227 ou 621233361