Imaginez les huit heures que vous passez chaque jour au travail, à l’école, ou encore à parcourir votre fil d’actualité Facebook. Maintenant, imaginez que vous passez ces huit heures sur une moto-neige par -37 degrés (voire même -50, si on prend en compte le facteur éolien), sur une route cahoteuse, dans la nuit, au coeur de la forêt.

C’est le temps qu’il nous a fallu pour enfin arriver dans la vallée de la Broadback.

Broadback

Notre arrivée dans la Vallée de la Broadback

Durant les mois d’hiver, la moto-neige est le seul moyen de transport qui permette d’atteindre certains territoires autochtones de la forêt boréale. Bien que certains endroits soient accessibles grâce aux milliers de chemins forestiers qui sillonnent la forêt et qui sont utilisés par les exploitants forestiers, d’autres espaces, laissés intacts par cette industrie, sont restés vierges.

Don Sanagash, dont nous visitons le territoire, espère bien qu’ils demeurent ainsi.

Don Saganash

Don Saganash

Don nous raconte en plaisantant qu’il est connu dans la ville comme “L’homme qui a résisté”. Il est fier de s’être opposé à l’industrie, et d’avoir décidé que ses terres n’étaient pas à vendre. Depuis ce temps-là, il n’a de cesse de travailler à mettre fin à l’exploitation forestière sur son territoire et de protéger les derniers 10% du territoire de Waswanipi (Eeyou Istchee), qui ont, pour le moment, été épargnés.

Et au cas où vous vous posiez la question: protéger son héritage et conduire une moto-neige ne sont pas incompatibles.

Il y a longtemps de cela, le père de Don lui a inculqué l’importance de faire vivre son héritage, tout en n’ayant pas peur d’utiliser les technologies modernes qui lui permettraient de préserver le mode de vie traditionnel des Cris. Les motos-neige sont efficaces et représentent le moyen le plus sûr et le plus rapide de voyager durant l’hiver. Elles permettent aux Cris de sillonner régulièrement leurs territoires pendant les mois les plus froids, et de rapporter le gibier pour nourrir les plus âgés parmi la communauté, certains ne pouvant plus faire ces trajets épuisants.

Il est difficile de décrire les émotions qui vous envahissent lorsque vous posez le pied dans une forêt préservée… Une forêt qui n’a jamais été impactée par l’industrie. C’est tout simplement à couper le souffle. Pas une route, pas une coupe à blanc, pas une mine, pas une ligne électrique ni un pipeline en vue…une forêt dans son état naturel.

La vallée de la Broadback est un havre de paix pour les caribous forestiers, menacés au Canada, qui viennent y mettre bas; et le dernier refuge pour plusieurs autres espèces menacées comme le carcajou, la martre, ou l’aigle à tête blanche. Mais la question est… combien de temps cela va-t-il durer?

Pendant les quelques jours qu’a duré notre expédition dans la Broadback, les histoires des plus anciens, des pointeurs (maîtres de trappe) et des trappeurs cris avaient toutes une chose en commun: le nombre croissant de routes forestières qui menacent le mode de vie des Cris. Ces routes passent à travers la forêt, perturbant ce fragile écosystème. Les pratiques industrielles, non durables, mettent à mal les méthodes de chasse, de pêche et de trappe traditionnelles – rien n’y échappe.

Au cours des années, les Cris ont remarqué que, lentement mais sûrement, l’exploitation industrielle a évincé de leur habitat la martre américaine, le carcajou, le pékan et le caribou forestier. Chaque année, les pistes laissées par ces animaux sont moins nombreuses. Chaque année, les imposants camions de l’industrie forestière se rapprochent. Les Cris savent que bientôt, les dommages infligés à la forêt seront trop importants. Ils vivent ici, et voient ces changements au quotidien.

Il est temps de sauver la Broadback. 

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