Québec – Greenpeace était présent au huis clos à Québec dans le cadre du budget québécois 2020-2021 du gouvernement Legault. Voici la réaction de Patrick Bonin, responsable de la campagne Climat-Énergie, à la publication du budget :
« Nous saluons les investissements supplémentaires en transport collectif et dans la lutte climatique, mais ces sommes restent largement insuffisantes pour répondre à l’urgence climatique, reconnue unanimement par l’Assemblée nationale. Alors que la science exige la réduction des émissions mondiales de CO2 d’au moins 50% d’ici 2030, il est décevant que le gouvernement ne propose presque aucune mesure structurante permettant de jeter les bases d’un futur plan climatique qui assurerait l’atteinte et le dépassement des engagements climatiques du Québec. Nous sommes particulièrement inquiets de l’absence d’indicateurs financiers forts pour décourager les émissions du secteur industriel ainsi que le développement autoroutier et l’auto solo tandis que la consommation de pétrole et de gaz continue d’augmenter au Québec.
2020 doit être l’année de l’ambition climatique alors que toutes les nations, incluant le Québec, doivent rehausser leur cible de réduction des émissions de gaz à effet de serre de manière à respecter l’Accord de Paris et limiter le réchauffement planétaire à 1.5 °C. Ce budget laisse à désirer, car il ne propose pas de mesures permettant des réductions drastiques des GES ni même de la consommation de pétrole et de gaz tel que l’exige la science du climat. Alors que la planète surchauffe, le gouvernement fait passer l’urgence climatique derrière une volonté de croissance économique encore trop associée au pétrole et au gaz. Le gouvernement propose encore une vision incomplète et parcellaire du virage climatique à opérer, alors que la population est mobilisée comme jamais et exige beaucoup mieux de la part du gouvernement. Le gouvernement a certes fait des efforts, parce qu’il a été poussé, entre autres, par la jeunesse, mais les contradictions restent trop nombreuses et le manque d’ambition est criant. »
Principales demandes et attentes pour le budget 2020-21:
Pour Greenpeace, la principale attente pour ce budget était que ce dernier permette de répondre à l’urgence climatique, entre autres, en jetant les bases pour l’adoption d’une loi climat et d’un plan doté d’un mécanisme de reddition de compte rigoureux et incluant un « budget carbone », présenté et déposé annuellement. À cela s’ajoute l’adoption de cibles de réduction des GES renforcées et enchâssées dans la loi de manière à respecter la science du climat. La restructuration de la société québécoise de manière à accélérer la sortie du pétrole et gaz constituait également une demande centrale de Greenpeace. Finalement, Greenpeace exigeait la mise d’un plan de transition juste pour les travailleurs et les communautés du Québec.
Résumé de l’analyse du budget par Greenpeace
Pour Greenpeace, ce budget marque un certain virage en faveur du transport collectif, mais les retombées de ces investissements seront insuffisants en l’absence de mesures écofiscales fortes qui permettent de décourager l’auto solo et l’étalement urbain qui contribuent à l’augmentation de la consommation d’essence. De plus, les extensions proposées au réseau autoroutier viendront contrecarrer en partie les gains prévus par la bonification du transport collectif et l’électrification du parc automobile. Greenpeace est particulièrement inquiète du fait que le gouvernement ne respecte son engagement à rééquilibrer les investissements en infrastructure de transport afin d’obtenir un « pourcentage de 50-50 entre le réseau routier et le transport collectif ». Cet objectif a été exprimé en campagne électorale et répété à plusieurs reprises au cours de la dernière année par le gouvernement. Or, le Plan québécois des infrastructures (PQI), ramène ce ratio à 2/3 pour le système autoroutier versus 1/3 pour le transport collectif.
Greenpeace est également déçue que les mesures incitatives à l’achat de véhicules électriques ne soient pas remplacées par un véritable système de bonus-malus (remise-redevance) qui permettrait des rabais pour les véhicules écoénergétiques, mais qui seraient financés par des pénalités dissuasives lors de l’achat de véhicules énergivores, comme les camionnettes et les VUS. De plus, le budget ne s’attaque pas suffisamment à la réduction de la consommation d’hydrocarbures, incluant le gaz fossile.
Greenpeace rappelle que l’ensemble des secteurs de la société : transports, aménagement urbain, habitations, agriculture et alimentation, industries, etc., doivent être repensés de manière à relever le défi climatique. Cette décennie déterminera si nous pourrons collectivement limiter l’augmentation des bouleversements catastrophiques et relever le plus grand défi auquel l’humanité fait face. Or, les quelques mesures positives proposées par ce budget nous font craindre que le plan de lutte contre les changements climatiques (Plan d’économie verte (PEV)), qui sera publié sous peu, ne permette pas une restructuration en profondeur de la société québécoise. Greenpeace dénonce d’ailleurs la nouvelle appellation “Plan d’économie verte” alors que le Québec a besoin d’un plan global de lutte contre les changements climatiques qui nécessite des changements sociaux et comportementaux qui vont bien au-delà de la dimension purement économique. Le refus du gouvernement d’adopter une véritable loi climat qui donnerait l’assurance du respect des cibles du Québec est également très inquiétante. Ce budget présente des contradictions certaines alors qu’il met de l’avant une série de bonnes mesures, mais ne s’attaque pas suffisamment à plusieurs des principales sources d’émissions de GES comme le transport ou les industries.
Malgré certaines avancées, le budget 2020-2021 maintient le Québec dans un modèle dépassé, ancré dans l’illusion de la croissance infinie, alors qu’il est impératif de développer un nouveau projet de société pour qu’elle soit plus résiliente et plus juste tout en permettant l’atteinte de la carboneutralité bien avant 2050. La transition doit être un projet de société beaucoup plus vaste qu’un simple plan annuel budgétaire de développement économique.
Greenpeace rappelle que le Fonds vert prévoyait déjà des investissements de l’ordre d’un milliard par année et que, par conséquent, les quatre milliards sur quatre ans annoncés par le gouvernement pour lutter contre les changements climatiques ne représentent pas de véritables investissements supplémentaires.
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Loujain Kurdi, Conseillères aux communications, Greenpeace Canada