Montréal– À la suite de la publication ce matin du rapport d’investissement durable 2020 de la Caisse de dépôt et placement du Québec (CDPQ), la Coalition Sortons la Caisse du carbone salue le geste fort qui constitue la vente de 78 % des actions (610 M$) de ExxonMobile Corporation au cours de l’année 2020. Notons que depuis 2017, la baisse de détention s’élève à 91%  (1,1 G$ à 99,5 M$). Néanmoins, de nouveaux investissements majeurs de la Caisse dans des compagnies pétrolières et gazières, dont Suncor, Enbridge, Shell et BP font tache d’huile dans l’ensemble de ses efforts de décarbonisation et appellent à une plus grande cohérence. (*Analyse complète à la fin du communiqué)

À la lumière de l’analyse de Sortons la Caisse du Carbone, la CDPQ n’a pas opéré en 2020 une sortie significativement plus rapide que ne le fait le marché dans le secteur du pétrole et du gaz, qui entre en phase terminale. La baisse des détentions globales (la valeur des avoirs totaux, incluant les actions et obligations) en 2020 a été de 26%, ceci alors que le rendement boursier des sociétés qui composent son portefeuille a subi une baisse de 35% pendant la même année (Carbone 50 CDPQ).

La Caisse maintient des investissements dans le portefeuille obligations gaz et pétrole à un moment critique de notre histoire où l’appel à la sortie des énergies fossiles est le plus criant. Nous reconnaissons néanmoins la sortie hautement symbolique de la société « voyou climatique » qu’est Exxon.

« Avec la sortie d’Exxon et de 17 autres titres boursiers du secteur du gaz et du pétrole, mais avec des investissements dans d’autres compagnies du secteur, la Caisse envoie un signal contradictoire aux autres grands investisseurs institutionnels au Québec et au Canada.  Nous sommes perplexes, alors que d’un côté la Caisse désinvestit, de l’autre elle fait de nouveaux investissements, plus modestes, mais fort contradictoires dans les énergies fossiles, comme la hausse de la détention d’actions de 37 % (+218 M$) dans Suncor », déclarent d’une même voix les membres de la Coalition.

« La Caisse indique dans  son rapport qu’elle a dépassé son objectif de diminuer l’intensité de ses émissions de 25 % en 2025 (en 2020, elle a atteint 38 %) et qu’elle a dépassé ses cibles d’investissements sobres en carbone, ce que nous saluons. Elle indique également avoir augmenté ses investissements sobres en carbone de 2 G$ en 2020, ce qui semble bien peu alors que son actif net était de 365,5 milliards au 31 décembre 2020. Considérant  l’urgence climatique, la Caisse doit rapidement rehausser ces cibles pour s’aligner et dépasser ce que commande la science du climat et les objectifs de réduction de GES du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) pour 2030.  La décennie décisive que nous entamons, pendant laquelle se jouera l’avenir de l’Humanité, ne permet pas les détours ni les pas en arrière que représentent ces nouveaux investissements de la Caisse dans le pétrole et le gaz », concluent les membres de la Coalition.

À propos de la Coalition Sortons la Caisse du carbone: créée en 2016, la Coalition Sortons la Caisse du carbone regroupe plusieurs organismes environnementaux et de la société civile soucieux des impacts climatiques des choix d’investissement de la CDPQ. La Coalition publie régulièrement des rapports sur les pertes de rendement de la Caisse dans le secteur des énergies fossiles. Elle informe et mobilise la population du Québec autour de ces questions. La coalition Sortons la Caisse du carbone regroupe le Réseau Action Climat Canada, la Fondation David Suzuki, Greenpeace Canada, Recycle ta Caisse, La Société pour la nature et les parcs (SNAP Québec), le Projet de la réalité climatique Canada, l’Association pour la voix étudiante au Québec (AVEQ), Justice climatique Montréal (JCM), Leap Montréal, Mobilisation environnement Ahuntsic-Cartierville (MEAC), Eau Secours!, ainsi que d’autres groupes citoyens, syndicats et représentants des peuples autochtones.

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Contact :
Diego Creimer, solutions nature pour le climat et relations gouvernementales, SNAP Québec
514-999-6743 [email protected] 

Analyse détaillée (à partir des renseignements additionnels du rapport annuel 2020)

  • Valeur du portefeuille actions gaz et pétrole en baisse de 45 % ou -3,5 G$ (7,8 G$ à 4,3 G$). Cette baisse n’est pas principalement expliquée par les ventes d’actions opérées par la CDPQ, mais plutôt par une diminution de valeur des actions. En effet, la perte de rendement du carbone 50 était de 35 % de sa valeur en 2020. De plus, en 2020, la détention d’actions a été en baisse de 10 % ou plus pour 57 compagnies et la détention d’actions a été en hausse de 10 % ou plus pour 45 sociétés. La grande majorité de la baisse de valeur du portefeuille s’explique donc par la baisse de rendement.
  • Valeur du portefeuille obligations gaz et pétrole en baisse de 5% ou 400 M$.
  • Valeur du portefeuille global (actions et obligations) gaz et pétrole en baisse de 26 % ou  3,9 G$ (14,1 G$ à 11,4 G$).
  • Sortie complète de 17 titres boursiers du secteur de gaz et pétrole. Aucun nouveau titre boursier répertorié (seulement l’ajout d’une catégorie d’actions d’une même société, par exemple la CDPQ opère la vente d’actions ordinaires d’une société et achète des actions privilégiées de la même société alors qu’elle n’en possédait pas avant).
  • Il reste 971 M$ dans les sables bitumineux (la CDPQ détenait 6,2 G$ en 2016). La baisse de détention d’action dans ce secteur n’est pas proportionnellement plus importante que dans le portefeuille global pétrole et gaz. La Caisse a liquidé toutes ses actions dans Seven Generation Energy et Cenovus Energy.

Analyse par sociétés – Désinvestissements

  • Exxon Mobil Corp : vente de 78 % des actions (610 M$*). Baisse de 91% depuis 2017 : il reste 99,5 M$ dans Exxon alors que la Caisse détenait 1,1 G$.
  • Pembina Pipeline Corp : Vente de 100 % des actions (445 M$*), notons que la CDPQ conserve des obligations dans cette société
  • TransCanada Corporation : Vente de 36 % des actions (259 M$*)
  • CNOOC Ltd : vente de 92 % des actions (221 M$*)
  • Gazprom : vente de 100 % des actions (164 M$*), demeure des obligations.
  • Seven Generations Energy Ltd : vente de 100 % des actions (126 M$*)
  • TOTAL SA : vente de 9 % d’actions (97 M$*)
  • Petrofac Ltd : vente de 100 % des actions (87 M$*)
  • Tourmaline Oil Corp : vente de 100 % des actions (75 M$*)

Analyse par sociétés – Investissements

  • Schlumberger Ltd : hausse de la détention d’actions de 44 % (+235 M$*)
  • Suncor : hausse de la détention d’actions de 37 % (+218 M$*)
  • Enbridge Inc : hausse de la détention d’actions de 25 % (+155 M$*)
  • Shell : hausse de la détention d’actions de 46 % (+60 M$*)
  • BP PLC : hausse de la détention d’actions de 56 % (+42 M$*)
  • MOL Hungarian Oil & Gas PLC : hausse de la détention d’actions de 291 % (+29 M$*)
  • Conoco Phillips: hausse de la détention d’actions de 132 % (+23 M$*)

*Le chiffre en million illustre la valeur de l’acquisition d’action ou la vente sur la base de la valeur de l’action en début d’année. Il s’agit de la meilleure approximation possible. Le chiffre réel dépend de la valeur au(x) moment(s) de la(des) transaction(s), donnée(s) qui n’est pas publique.

Analyse des changements au portefeuille charbon de la CDPQ entre 2020 et 2019

  • La CDPQ poursuit le travail de délestage des compagnies actives dans le secteur du charbon (extraction, transport et production d’électricité). Son biais favorable à l’énergie fossile qu’est le gaz – même lorsque celui-ci est issu de la fracturation hydraulique – l’amène à investir dans les sociétés qui délaissent progressivement le charbon pour le gaz. Dans un monde où le gaz ne sera rapidement plus compétitif face aux énergies renouvelables, ce choix retarde la nécessaire transition et met à risque les placements de la Caisse demeurant dans le charbon.
  • Valeur du portefeuille charbon est en baisse de 10 % ou 214,6 M$ (2,0 G$ à 1,8 G$). Cette baisse est principalement expliquée par les ventes d’actions opérées par la CDPQ. En effet, la détention d’actions était en baisse de 10 % ou plus pour 31 compagnies et la détention d’actions était en hausse de 10 % ou plus pour 9 sociétés.
  • Sortie complète de 4 titres boursiers. Aucun nouveau titre boursier répertorié.
  • Le maintien de la détention d’actions dans le producteur d’électricité américain PPL (valeur du placement à 630 M$, soit le tiers du portefeuille charbon CDPQ) et le producteur AES Indiana (750 M$) pose question. Ensemble, ces deux placements expliquent les deux tiers du portefeuille associé au charbon. Dans les deux cas, les objectifs de ces sociétés ne rencontrent pas les cibles de l’accord de Paris (PPL vise -80% d’émissions entre 2010 et 2050 et AES ne présente pas d’objectif, seulement des projections où le charbon et le gaz continuent de couvrir 46% de la production en 2039). Ces deux producteurs remplacent en grande partie le charbon par le gaz. Comme la Caisse s’obstine à tolérer les investissements dans le gaz, à y voir une énergie de transition, elle ne peut exercer de pression sur ces producteurs pour qu’ils se libèrent du gaz et complètent rapidement leur transition. Comme l’origine du gaz aux États-Unis est essentiellement la fracturation, il est probable que le bilan de ces sociétés serait beaucoup moins intéressant si l’on calculait adéquatement les émissions fugitives associées à ce procédé. D’un strict point de vue économique, notons également que les centrales au gaz n’ont aucune chance d’être compétitives dans un horizon moyen terme avec la baisse du coût des énergies renouvelables et du stockage d’énergie. Ces sociétés devront rapidement radier la valeur de ces nouvelles centrales et engager des coûts pour construire les infrastructures renouvelables, ceci alors que ces compétiteurs ayant compris avant eux la vitesse de la transition seront agressifs pour acquérir ses parts de marché avec leur électricité à faible coût.
  • Certaines hausses de détention pourraient s’expliquer par la présence d’un plan crédible et d’actions concrètes effectuées par les sociétés visées pour sortir de la production d’électricité avec le charbon. Par exemple, la Caisse a multiplié par 31 sa détention d’actions (pour porter la valeur du placement à 11,7 M$) du producteur d’électricité allemand RWE, ceci alors que l’Allemagne a un plan crédible pour sortir du charbon.